samedi 17 février 2024

Plus ça change...

Le théâtre...

C'est pas facile (financièrement) d'en faire. Pas facile (financièrement) dans faire en région... voire même ailleurs. Ça ne l'a jamais été et ça ne le sera sans doute jamais. 

Le cliché est tenace.

Aujourd'hui, en 2024, où chaque compagnie qui initie un projet espère du financement ou, à tout le moins, un public conséquent pour faire ses frais... tout comme en 1899 (dans l'édition du Progrès du Saguenay du 8 juin de cette année-là:


Il faut noter l'empressement  que met le Progrès (dans ce cas précis mais dans de nombreux autres) pour soutenir Cercle dramatique de Chicoutimi (de 1897 à 1911) et inciter fortement la population à être de la partie! 

vendredi 16 février 2024

Quand les mains anonymes sont belges


La semaine dernière, j'étais à Bruxelles pour assister aux trois représentations de la lecture-spectacle (un peu comme une amorce d'un éventuel travail plus étoffé) de ma pièce Les Mains anonymes, présentées au Centre Wiels, sous la direction de Marie-Gaëlle Verspecht.

Ainsi donc, après l'avoir travaillé deux fois avec Erika Brisson (en novembre 2016 et en février 2018) et une fois avec Guylaine Rivard (en janvier 2023), c'est par une autre interprète - Raphaëlle Bruneau (dont vous pourrez voir ici quelques éléments biographiques) - que j'entendrais de nouveau mon texte! 

Étrange sensation que de s'asseoir, quidam anonyme, dans une salle, au milieu de parfaits inconnus (qui seront près de 200 au total), dans un autre milieu que le mien et de tout à coup voir s'incarner mes propres mots! Étrange distanciation entre quelque chose de plus que familier et de simultanément fort étranger! 

La comédienne accueille les spectateurs, dans un brouillard épais. Son texte en main. Derrière elle, sur le mur, se déploie une grande image numérique aux accents fantasy (qui laissera place, à un seul moment, à une citation tel que le montre la photo). Une petite musique en boucle résonne. 

Puis la lecture commence. 

Le jeu, bien maîtrisé, est rapide (en fait, c'était presque une version TGV... au point qu'à la fin de la première représentation ayant duré une trentaine de minutes, les spectateurs s'attendaient à une autre partie!), esquissant dès le départ une forte montée dramatique au cours des quatre premiers tableaux (sur huit). 

Et c'est là que le décalage se produit entre mon propre rythme d'écriture (et de mise en bouche) et celui de l'équipe de ce projet. Schématiquement parlant, la différence ressemble à ça (le graphique du haut étant mon arc narratif et celui du bas, le leur):

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Le texte résonne alors différemment: ce qui pour moi est une partition d'introspections et de silences douloureux qui mène inéluctablement (en 60-75 minutes) vers le sommet, devient dès lors une matière énergique portée par une jalousie qui dévore le personnage pour être le moteur dramatique. Le personnage - Raphaëlle y plonge avec un solide engagement et une vivacité proche de l'hystérie - se répand en invectives puis en rage dévastatrice avant que d'assumer, d'une certaine façon, son geste et ses conséquences. 

Je regardais la prestation qui me renvoyait, de mon texte, un autre sens. Et c'était fort intéressant! Quelque peu déstabilisant! Avec une forte envie de voir cette ébauche surpasser l'obstacle concret du papier parce qu'une lecture, toute bonne soit-elle, reste une lecture qui retient le regard de l'acteur au lieu de le porter vers son destinataire! L'envie de voir se créer un véritable échange scénique avec la salle! 

Après, bien sûr, le metteur en scène n'est jamais bien loin avec ses questions et ses remarques! Mais ça, c'est entre moi et l'autre metteure en scène! :) 

mardi 6 février 2024

Syndrome de l'imposteur

L'un des plus grands défis, pour évoluer dans ce beau milieu culturel (et théâtral dans mon cas) est de surpasser ce syndrome de l'imposteur qui pointe régulièrement quand on s'y attend le moins. Ce sournois sentiment d'être à côté de la track. D'être là où d'autre pourrait l'être... et mieux. Ça peut même aller jusqu'à se voir comme un pis-aller. D'avoir des carences dans l'outillage et les connaissances au point de se reléguer soi-même quelques pas derrière pour regarder la parade. D'aller son chemin mais avec une appréhension constante. 

Ce syndrome je le vis, le subis plus souvent qu'à mon tour.

Que ce soit comme gestionnaire. (Oh, ça arrive!)

Que ce soit comme metteur en scène. (Oh, ça arrive!)

Que ce soit comme praticien presque autodidacte (enfin, non sorti d'une école de théâtre)... et en région, qui plus est. (Ça, c'est régulier!)

Que ce soit - comme ça l'était - comme chargé de cours. 

Plusieurs choses nourrissent ce syndrome: une estime personnelle plutôt fluctuante; des résultats mitigés de projets et/ou d'efforts (les pires étant ceux des demandes de subventions!); des situations extérieures qui pour banales n'en demeurent pas moins une source de remises en question; du jugement, des commentaires, des perceptions et des remarques propres à nourrir le doute parce que l'oeil de l'autre est une horrible machine (et c'est d'ailleurs à cause d'elle - et de ma nature sans sparkling dirait l'autre - que je suis incapable d'être comédien). 

Mais le pire, là où cette impression est la plus puissante, la plus glaçante, c'est comme auteur. Quand on me présente d'abord comme un auteur, je tique. Parce que je n'y crois pas. Je ne m'y crois pas. Oui je sais écrire. Oui je sais bien écrire. Mais je n'ai pas cette flamme créatrice. Je n'ai pas cette discipline et ce besoin essentiel d'écriture. Ça vient quand ça vient. 

L'an dernier était publié un recueil avec Les Mains anonymes et Empire... deux de mes plus récents textes, aux Éditions Somme toute. Malgré la fierté de voir mon nom accolé à une couverture de livre, l'insidieuse petite voix intérieure sait se faire experte dans la mise de bémols sur le pourquoi de cette publication au point d'en saper la conviction d'être méritoire. 

Et c'est encore pire quand, ayant quand même cru à la force de ce texte (Les Mains), j'ai osé ma chance au Centre d'Essai des Auteurs Dramatiques. Que si j'avais une clé pour y accéder, c'était peut-être celle-là étant donné sa construction, sa forte forme, son écriture... qualités, me semblait-il, trois fois expérimentées sur scène.

La première étape étant l'analyse par un comité de lecture composé de deux auteurs professionnels et d'un praticien. 

Pour faire bref, ma candidature n'a pas été retenue, tant pis. Je peux m'en remettre. Mais - parce qu'il y a ce mais qui appelle le chambardement - , cette réponse est arrivée avec les commentaires des trois jurés. La lecture de ceux-ci - plutôt convergents! - a été plutôt dévastatrice (entendre ici que ce fut plus un déferlement de considérations négatives qu'un chapelet de bons éléments): texte sans audace, forme lassante, riche vocabulaire mais vide et creux, sans audace, avec un personnage dont on ne sait rien, dont on ne saura rien, qui n'évolue pas, sans audace (parce que oui, c'est revenu bien souvent dans ces pages), qui ne permet pas un déploiement d'émotions, que c'est froid, etc.

Inutile de dire que l'auteur en moi s'est désagrégé! 

Le combat intérieur est reparti pour un tour pour pouvoir malgré tout profiter, à quelques heures d'un départ vers Bruxelles,  d'une lecture-spectacle (trois soirs) de ces mêmes Mains et alors que je m'apprête, dans quelques semaines, à présenter une création. 

Mes réserves de prétention s'amenuisent.

samedi 3 février 2024

Quand le théâtre, au Saguenay, se faisait en anglais

Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, nous avons parfois cette idée d'une communauté fortement francophone. Du coup, le théâtre sur notre territoire s'est donc toujours fait en français, non? Eh bien non! Plus que non!

Il y a eu - Alcan et les machines à papier de Price obligent! - une population anglophone assez conséquente pour qu'il y ait quelques troupes de théâtre dans la langue de Shakespeare! 

Pendant presque 40 ans (de 1943 à 1981... quatre décennies! ce n'est pas rien!), Arvida fut le centre de cette activité dramatique. Avec le Arvida Amateur Dramatic Society... qui deviendrait le St-George's Player en 1949... puis le Arvida Players dans le courant des années '60. 

C'est là, pour les plus jeunes (et je m'inclus dans ce groupe encore malgré mes presque 50 ans!) un pan de notre petite histoire un peu oubliée et/ou ignorée... alors que nous nous rappelons volontiers des actions de Ghislain Bouchard à cette même époque avec le Théâtre du Coteau et, un peu plus tard, avec la Marmite!

En voici un historique publié le 17 juillet 1952 dans Le Lingot (le journal des employés de l'Alcan):


Autre article conséquent (et en français) du jeudi 4 novembre 1954:



Jusqu'au mercredi 2 septembre 1981 comme le rapporte le même journal:


Kénogami n'était pas en reste avec le Hobby Shop Players qui a sévi au moins entre 1954 et 1961 si je me fie aux archives trouvées...

Que sont ces comédiens et ces théâtres devenus?

mercredi 31 janvier 2024

Le Soutien à la mission du CALQ!


Quiconque côtoie des gestionnaires culturels ces temps-ci entend sans doute parler de la demande de Soutien à la mission du CALQ à laquelle tous s'adonnent ou presque, dans le milieu professionnel! L'échéance est pour demain, 1er février 2024!

Cette demande, c'est l'espoir de se voir octroyer un soutien récurrent sur 4 ans pour certains, l'aspiration de voir l'exercice se solder par une augmentation pour d'autres. Entre les deux, plusieurs se croisent les doigts pour que les montants accordés les années précédentes restent minimalement les mêmes! 

Il faut dire que cette (très grosse) demande était attendue: le dernier cycle du CALQ prévu initialement pour 2017-2021 s'est étendu, pour les raisons pandémiques que nous connaissons, jusqu'à maintenant, 2024! 

Chose certaine, il y aura embouteillage aux portes du subventionnaire alors que la manne publique providentielle n'est pas sans fonds. Les nouveaux ne se trouveront pas assez soutenus. Les plus vieux pas assez reconnus. Et entre les deux, des surprises dans les deux sens: positives et/ou négatives en regard des portraits présentés.

Concrètement, cette demande (que j'ai faite deux fois plutôt qu'une... pour l'Espace Côté-Cour avant mon départ et pour le Théâtre Les Amis de Chiffon depuis mon entrée en poste) est une véritable radioscopie de l'organisme et projection sur l'avenir. Elle se décline comme suit:

SECTION A – PRÉSENTATION DE VOTRE ORGANISME (50% de la note section A et B)
  • 1.MISSION ET MANDAT (max 250 mots)
  • 2.HISTORIQUE ET FAITS SAILLANTS (max 500 mots)
  • 3.CONTEXTE (max 1800 car.)
  • 4.MOT DE LA DIRECTION ARTISTIQUE (max 4500 car.)
  • 5.PERSPECTIVES 2024-2028 (max 1800 car.)
SECTION B – QUALITÉ ARTISTIQUE 
  • 6.PROGRAMMATION ET ACTIVITÉS PROPOSÉES AU COURS DE LA DERNIÈRE ANNÉE ET DE L’ANNÉE EN COURS (max 6000 car.)
  • 7.PROGRAMMATION ET ACTIVITÉS POUR LES DEUX PROCHAINES ANNÉES DU CYCLE DE FINANCEMENT (max 6000 car.)
  • 8.INNOVATION ET AUDACE ARTISTIQUE (max 1500 car.)
SECTION C – DIFFUSION ET RAYONNEMENT (25% de la note)
  • 9.FRÉQUENTATION DES ACTIVITÉS (max 6000 car.)
  • 10.RAYONNEMENT, RÉSEAUX ET PARTENARIATS (max 1500 car.)
  • 11.APPORT AU TERRITOIRE (max 1500 car.)
  • 12.DIVERSIFICATION DES PUBLICS – POUR LES ORGANISMES QUI OFFRENT DES SPECTACLES EN AUTODIFFUSION (max 1500 car.)
  • 13.ACTIVITÉS DE MÉDIATION ET SENSIBILISATION DE PUBLIC (max 1500 car.)
SECTION D – CONTRIBUTION À LA COMMUNAUTÉ ARTISTIQUE (25% de la note)
  • 14.ACTIONS EN FAVEUR DE LA RELÈVE (max 1800 car.)
  • 15.ACTIONS EN FAVEUR DE L’INCLUSION (max 1800 car.)
  • 16.RÉMUNÉRATION DES ARTISTES ET DES TRAVAILLEURS CULTURELS (max 1800 car.)
  • 17.CONTRIBUTION AU DÉVELOPPEMENT D’UN SECTEUR OU D’UNE OU PLUSIEURS DISCIPLINE(S) (max 3000 car.)
  • 18.PRÉSENTEZ TOUTE AUTRE INFORMATION EN LIEN AVEC L’ACQUITTEMENT DU VOTRE MANDAT (max 1500 car.)
Ça, c'est pour la partie rédaction de la demande, que tous les aspirants remplissent. 

La pondération de chacun de ces blocs (et des éléments qui suivent) positionne l'organisme par rapport aux autres compagnies. Et plus ce classement est haut, plus les chances sont grandes d'être parmi les heureux au terme de l'exercice! L'inverse est vrai aussi... conclusion: il faut scorer! D'où la pression ressentie par ceux qui sont là-dedans présentement!

À la partie écrite se joint un document Excell plus statistique (avec ces éléments pour les organismes de création et de production comme le TAC):

  • IDENTIFICATION, RENSEIGNEMENT GÉNÉRAUX ET DÉCLARATIONS
  • INFORMATION SUR LE CONSEIL D'ADMINISTRATION
  • STRUCTURE ORGANISATIONNELLE
  • PORTRAIT SOMMAIRE DE L'ORGANISME
  • EFFORTS CONSACRÉS A L'ÉCORESPONSABILITÉ (pratiques de gestion et à venir; pratiques de création et production et à venir; pratiques en lien avec la circulation des oeuvres et à venir; actions en matière de gouvernance)
  • SECTION 6a - PROGRAMMATION 2024-2025
  • SECTION 6b - REVENUS ET DÉPENSES DES ACTIVITÉS DE PRODUCTION 2024-2025
  • SECTION 9a - BILAN DE DIFFUSION (2022-2023)
  • SECTION 9a - PLAN DE DIFFUSION -  SAISON EN COURS (2023-2024)
  • SECTION 9a - PLAN DE DIFFUSION - AN 1 DU CYCLE (2024-2025)
  • SECTION 9b - MÉDIATION CULTURELLE ET ACTIVITÉS DE SENSIBILISATION (2022-2023)
  • SECTION 9b - MÉDIATION CULTURELLE ET ACTIVITÉS DE SENSIBILISATION - EN COURS (2023-2024)
  • SECTION 9b - MÉDIATION CULTURELLE ET ACTIVITÉS DE SENSIBILISATION  - PRÉVISIONNEL (2024-2025)
  •  SECTION 14a - SOMMAIRE DES REVENUS ET DÉPENSES (réel, en cours et prévisionnel).

Puis, comme toutes bonnes demandes qui se respectent, il y a toute la documentation d'appui à fournir qui va du dossier de presse aux états financiers en passant par les différentes politiques de l'organismes et plans de travail. 

Toute cette demande représente des heures et des heures et des heures de rédaction et de réécriture (parce que les réponses sont limitées à un nombre précis de caractère qui impose une concision et une précision chirurgicale du discours). De relectures et de recommencements. De doutes et de soupirs... jusqu'au sentiment d'avoir tout donné... et advienne que pourra! Les réponses quelque part dans le courant de l'été.
 
Courage à tous ceux qui n'ont pas encore terminé! 

dimanche 28 janvier 2024

Quand un maire s'adonne aux malpropretés théâtrales...

L'ultramontain journal La Vérité du 20 janvier 1883 fait mention d'un (autre) scandale venu des affres de la scène:


Le maire, en question, c'est François Langelier, porté à la tête de la Ville de Québec entre 1882 et 1890 (mais qui fut aussi député provincial de 1873 à 1875 puis de 1878 à 1881; député fédéral de 1884 à 1898; lieutenant-gouverneur de 1911 à 1915). 


Quant à l'actrice, c'est probablement celle-ci retrouvé dans L'Électeur du samedi 23 décembre 1882:


Une petite recherche m'amène sur Wikimedia Commons où se trouvent des photographies d'une actrice du même nom... qui est donc fort probablement la même:




Ce serait donc une actrice française, de passage au Québec (et à Québec) dans le cadre de ces grandes tournées internationales de l'époque qui permettaient à ces artistes de faire un bon coup d'argent avant de retourner sur leur scène coutumière.

Voici d'autres informations sur elle par nos bons vieux journaux (qui précèdent, dans les faits, l'article qui ouvre ce billet).

Le Journal de Québec, 4 janvier 1883:


L'Événement, 5 janvier 1883:


Encore L'Événement, 9 janvier 1883 qui y va même d'une comparaison avec Sarah Bernhardt:


L'Événement toujours, 11 janvier 1883:


Et enfin, L'Événement du 13 janvier qui annonce que le maire Langelier accueillera l'actrice:


Mais ce n'est pas tout... car voici un petit (gros) bémol à l'enthousiasme de L'Événement, émis par Le Courrier du Canada (qui rapporte intégralement ce qui a été publié dans le Nouvelliste dont il est question dans le premier article), 16 janvier 1883... et la boucle se boucle:


Alors, qui dit vrai? Grande actrice ou actrice de second ordre? Nul ne sait. J'ai cherché pour en savoir plus sur cette femme. Voici ce que j'ai trouvé:
  • Son nom complet serait Eugénie Marie Seraphié LeGrand.
  • Elle serait née à Paris et son père aurait été un haut-fonctionnaire du gouvernement français, grand mécène des arts.
  • Elle aurait fait carrière en France, à Londres, en Nouvelle-Zélande et en Australie.
  • En 1873, elle aurait eu un enfant.
  • Elle aurait été mariée, en 1873, quelques semaines seulement à l'acteur anglais Kyrle Bellew (ici), père de l'enfant, avant de divorcer officiellement en 1888.
  • Après son divorce, elle se serait remariée avec Hector Alexander Wilson.
  • Sa date de décès inconnue.


samedi 27 janvier 2024

À un fléau près...

Quel est le plus grand fléau qui nous menace? Les épidémies? La pauvreté et la famine? La violence et le crime? Mais non! 


Cette belle mise en garde contre ce fléau qui menace de s'abattre sur la métropole (qui ne le mérite pas malgré ses turpitudes!) a été publié le jeudi, 8 septembre 1881, dans l'auguste journal La Vérité dont le slogan est Veritas Liberabit Vos - La vérité vous rendra libre.

C'est un de mes grands plaisirs que de me perdre dans les archives numériques de BAnQ et de feuilleter ce type de journal aux accents moralistes!

vendredi 26 janvier 2024

COMTESSE [Carnet de mise en scène]

 

En avril 2020, quelques jours après l'imposition d'un grand confinement national en plein chaos pandémique, j'ai écrit, dans la même veine d'une pièce antérieure (Madame, en 2005), une première version d'un texte qui deviendrait Comtesse - petits récits narcissiques et grand guignolesques. Comme un exutoire. Une autre façon de faire du théâtre... sans théâtre. 

À l'époque, j'étais plongé dans la lecture intensive de mélodrames, tous pétris de préciosité, de ces récits convenus, ces descriptions appuyées qui ont fait le succès du genre. Aussi se retrouve, dans mes pages, un relent certain de ces oeuvres désuètes: des personnages unidimensionnels engoncés dans un manichéisme qui n'est pas à leur avantage, avec une solide propension à parler et parler et parler! 

La création aura pris presque quatre ans à advenir. D'une part parce qu'il me fallait m'y investir... puis surtout parce que ça ne me tentait pas tant de revenir sur le sujet covidien.

Mais le temps passe! Et les désirs reprennent!

Après avoir choisi de programmer ce projet avec le Théâtre 100 Masques, je me suis attaqué à une réécriture importante durant l'été 2023. Une chirurgie syntaxique. Un ciselage des phrases. Un polissage des images. Parce qu'il faut savoir que ce texte repose principalement sur une exubérance verbale. Du coup, il y a, comme objet unique, une langue elle-même structurée, fortement théâtralisée. 

Après tout un jeu de ratures, de coupures, d'ajouts, de reprises, d'effacements j'en suis venu à la présente version. Quelle est est-elle? 

Comtesse, c'est un manifeste - sur un mode radical et arrogant - sur un essentialisme théâtral. Sur les bases fondamentales de l'art dramatique: la présence et la parole comme principal vecteur de la théâtralité.

Comtesse, c'est un défouloir contre les règles et les convenances dans un monde déliquescent (je rappelle le contexte qui présidait à l'écriture)! Le tout en cinq tableaux, comme cinq courtes fables sur le narcissisme épidémique qui s'étend de plus en plus, de l'extérieur vers l'intérieur.  Du monde vers soi... pour ressoudre en mal virulent. Le personnage est là et se dit. À quoi bon le reste?

Comtesse, c'est un pied-de-nez à la petitesse. Une envie du trop.

dimanche 21 janvier 2024

Qu'on se le tienne pour dit!

Ah, la critique!

Toujours trop complaisante pour les uns, trop dure pour les autres. Comme artiste, nous voulons tous qu'elle se penche sur notre travail mais avons plus souvent qu'autrement quelque chose à redire: ce n'est pas une critique, c'est un compte-rendu... on sait bien, nous ne sommes pas bien compris... si nous avions acheté de la publicité, nous aurions une meilleure couverture... le journaliste ne sait pas de quoi il parle... 

Mais il n'y a rien là de nouveau sous le soleil! 

Voici une mise au point - un avertissement? - publiée dans le Montréal Musical du samedi 28 septembre 1912 et adressée aux artistes de l'époque:


La menace doit être sérieuse! Un peu plus loin, dans un fourre-tout paraissent ces entrelignes:





samedi 20 janvier 2024

Comédien-ne vs marionnette



Voici (tirée de l'anthologie Les mains de lumières de Didier Plassard, paru en 1996 aux Éditions Institut International de la Marionnette) une belle description de Meyerhold - il y a longtemps qu'il n'était apparu sur ce blogue - concernant l'art de la marionnette et du questionnement qu'il apporte sur l'art de l'interprète (et vice-versa). Un bel exemple de son théâtre de la convention.

Soit deux théâtres de marionnettes. Le directeur du premier veut que sa marionnette soit semblable à l'homme, dotée de tous ses traits quotidiens et de ses particularités. Tout comme le païen exigeait de son idole qu'elle hochât la tête, le maître des jouets exige de sa marionnette qu'elle émette des sons pareils à la voix humaine. Dans son désir de reproduire la réalité telle qu'elle est, notre directeur perfectionne sans cesse sa marionnette et la parachève, jusqu'à ce que lui vienne à l'esprit la solution la plus simple de ce problème compliqué: le remplacement de la marionnette par l'homme. 

Le second directeur constate que, dans son théâtre, ce qui amuse le public, ce ne sont pas seulement les saynètes pleines d'esprit que jouent les marionnettes, mais aussi ce fait (et peut-être est-ce l'essentiel) que les mouvements et les situations des marionnettes, en dépit de leur intention de reproduire la vie sur scène, n'ont absolument aucune ressemblance avec ce que le public voit dans la vie. 

Lorsque je regarde jouer les acteurs d'aujourd'hui, il m'apparaît toujours clairement que ce que j'ai sous les yeux, c'est le théâtre de marionnettes perfectionné de notre premier directeur, c'est-à-dire celui où l'homme  replacé la marionnette. Ici l'homme ne le cède pas d'un pouce à l'aspiration de la marionnette à contrefaire la vie. Si l'homme a été appelé à remplacer la marionnette, c'est qu'il est le seul capable de parvenir dans la reproduction de la réalité à ce qui n'est pas au pouvoir de la poupée: s'identifier à la vie le plus fidèlement possible. 

Le second directeur, qui a tenté lui aussi d'amener sa marionnette à contrefaire l'homme vivant, n'a pas tardé à s'apercevoir que le perfectionnement de son mécanisme fait perdre à la poupée une partie de son charme. Il a même cru comprendre que la marionnette refusait de tout son être cette modification barbare. Ce directeur s'est repris à temps, quand il a compris que les aménagements avaient des limites qu'il ne fallait pas dépasser sous peine d'en venir à une inévitable substitution de l'homme à la marionnette.

[...] La marionnette ne voulait pas s'identifier complètement à l'homme, parce que l'homme qu'elle représente est un homme inventé. [...] Sur ses tréteaux, c'est comme ça et pas autrement, non pas d'après les lois de la nature, mais parce que telle est sa volonté, et parce que ce qu'elle veut, ce n'est pas copier mais créer.

dimanche 14 janvier 2024

Michel Bélair: des regards en arrière...

 

Voici ma présente lecture: Théâtre en direct - 50 ans de création au Québec de Michel Bélair qui vient tout juste d'être publié chez Somme Toute/Le Devoir

Parce que Bélair a officié pendant quelques décennies à titre de critique théâtral dans le prestigieux journal. Du coup, il a rencontré, au fil de ces années, nombre de grands noms qui ont fait et qui font encore le théâtre québécois (enfin, montréalais). Un spectateur de première loge. Un interlocuteur brillant. Une mémoire active comme le sont - et doivent l'être! - les journalistes culturels.

À l'heure de la retraite, il a puisé, dans la masse d'écrits qu'il a produit, une recension d'articles pour cette publication. L'ouvrage est séparé en 4 parties: Dramaturgie, Mise en scène, Comédiennes et comédiens, Compagnies et festivals. Chaque partie est ensuite divisée en 10 noms importants pour le journaliste. Chaque nom est gratifié de l'explication de sa sélection, du contexte des rencontres puis suivent 2, 3 ou 4 articles.

Il en ressort un fort intéressant portrait impressionniste - parce que ce sont ses choix - du milieu théâtral québécois (enfin, montréalais). Éclaté et pourtant significatif. Nous retrouvons, parmi ces pages, ces grands artistes à des moments précis de leur carrière... comme des zooms sur des éléments charnières, des jalons, qui nous permettent, lecteurs d'aujourd'hui, de mesurer le(ur) chemin parcouru! 

samedi 13 janvier 2024

Une première semaine au TAC!


C'est cette semaine que j'ai pris officiellement la direction du Théâtre Les Amis de Chiffon. Je suis parti, lundi matin, avec mon carton d'objets personnels (on ne déménage pas sans apporter sa tasse à café et ses pantoufles de travail faites par Sophie Châteauvert!) et mon trousseau de clés alourdi pour m'installer dans mes nouveaux espaces, pour faire mon intégration dans cette vénérable institution qui célèbre, en 2024, son demi-siècle d'existence! 

L'arrivée dans un organisme culturel - c'est ma cinquième expérience après le 100 Masques, la SALR, le Côté-Cour et le FMC - reste toujours pareille, avec la fébrilité de se fixer des objectifs opérationnels, la stimulation d'entreprendre un nouveau chapitre, l'enchaînement des projets dans la tête, la période un peu chaotique où tous les dossiers s'empilent et demandent une prise de possession rapide, la rencontre des collaborateurs et la mise en place d'un nouveau fonctionnement. Il y a aussi, dans ce cas, le poids d'être à la hauteur de l'Histoire du TAC et de ses générations d'artistes et de petits spectateurs... de quoi ficher de l'anxiété même au plus endurcis.

Alors j'ai triché pour avoir une entrée en poste performante!

Il faut savoir que comme tous les organismes culturels soutenus à la mission par le CALQ, le TAC doit déposer une nouvelle demande pour couvrir le prochain cycle (2024-2028). L'échéance approche à une vitesse grand V: le 1er février (ce qui me laisse, si mon compte est bon, 23 jours)!

Dès la confirmation de mon embauche, en décembre, je me suis donc attelé à trois tâches majeures: 
  • lire et faire le tri de quantité de documents liés au TAC (rapports annuels, documents constitutifs, états financiers, courriels de direction) pour avoir une idée du positionnement actuel de l'organisme avant de m'attaquer à la demande (qui comporte une bonne part de reddition);
  • établir une ébauche cohérente de programmation (d'objectifs) sur quatre ans pour savoir où je veux amener le TAC;
  • et enfin, budgéter la première année (2024-2025) - et prendre du coup la mesure des différents paramètres édictés par les grandes associations comme l'UDA, l'AQAD et l'APASQ - parce qu'il me faut m'assurer que mes projets soient viables financièrement. 
Depuis lundi donc (jour où s'est notamment tenu mon premier conseil d'administration pour faire approuver mes orientations et me donner les outils pour avancer), je suis dans la rédaction à temps plein. Mais je ne m'en plains pas: j'aime ce type d'exercice de rationalisation et de projection que je perçois comme une mise en scène de l'organisme où s'entremêlent forme (structure, organigramme, programmes) et contenu (projets, objectifs, discours), conception (manières de nous y prendre) et distribution (au sens large de qui fera quoi). Ça aura le mérite de m'avoir fortement imposé la réflexion du pourquoi de mon intérêt et de mes visées.

Finalement, les pages se noircissent allégrement, avec plus de facilité que ce que je craignais! 

Au point où je me suis même permis d'entreprendre une autre tâche importante: faire de la place (physique et mentale!) en triant les documents qui emplissent armoires, bibliothèques, classeurs et chemises pour faire éventuellement (et certainement) un dépôt d'archives! Cinquante ans, ça en laisse, des traces! Futile? Pas vraiment. Là aussi, c'est un labeur (presque nécessaire) qui m'intéresse et me plaît parce qu'il me permet une plongée drastique et fichtrement efficace dans les méandres de l'organisme, de m'en constituer - presque par osmose! - un bagage de connaissances intimes qui me serviront tout au long de mon parcours avec le TAC! 

Me voilà donc à mon premier weekend de ma nouvelle vie!