vendredi 30 novembre 2007

Pièces montées [ou comment refaire le burlesque des belles années]

En première page du Quotidien!
Sur la photo, Maxim St-Pierre et Mélanie Potvin
(et la photo, en-haut, du nouveau préfet de la MRC Lac-Saint-Jean-Est, qui est aussi mon parrain!)

Le burlesque (ou le vaudeville... mais à ne pas confondre avec le genre dramatique cher à la France des années 1850) se définit ainsi: c'est le comique de la surprise, du quiproquo et de l'outrance, souvent légèrement raccoleur. C'est le type de spectacle en vogue au début des années 1900-1950; le type de spectacle qui façonne de véritables vedettes: La Poune, Olivier Guimond, Juliette Pétrie, Manda Parent... et Gilles Latulippe!

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C'est à ce genre bien particulier et bien marqué dans le temps que nous convie Guylaine Rivard avec ses Pièces Montées.

Appuyée par une équipe de comédiens chevronnés rompus à l'art du comique (Martin Giguère, Yves Larouche, Maud Côté, Éric Chalifour, Vicky Côté, Pascal Rioux), elle a complété judicieusement sa distribution en faisant appel à des élèves de la Polyvalente de Jonquière (d'ailleurs chapeau à tous ces jeunes qui tiennent solidement tête aux plus expérimentés!). Ainsi, Pièces montées célèbre le retour de Mélanie Potvin (absente de la scène, si je ne m'abuse, depuis 2003) à la figure géométriquement variable et à l'arrivée massive de nouveaux talents.

20 numéros s'enchaînent au cours de la soirée, entremêlant des sketches qui donnent toute la place aux numéros de comédiens... de ceux-ci, retenons particulièrement

- le numéro de mime (qui prouve que Giguère est aussi bon comédien qu'auteur!);

- le numéro «Les parvenus» (qui révèle, en monsieur Otis-Tremblay, une relève déjà au seuil des planches professionnelles);

- la reprise de «La dame en bleu» (qui fait entendre les tribulations de la glotte chalifourienne)

-
et «Laurel et Hardy» (pour l'ensemble de l'oeuvre!).

À l'écoute de ce spectacle, à voir aller les comédiens avec fougue et conviction s'approchant de la juste tonalité sans toutefois y parvenir entièrement, j'en suis venu à la conclusion que le burlesque n'est pas qu'un simple style de jeu mais bien une véritable philosophie théâtrale, un sens inné du timing et de l'effet, d'où la difficulté (et le mérite de cette entreprise!) de plonger dans ce répertoire.

Au chapitre des réserves, outre l'atmosphère de la salle qui se prête difficilement au jeu, il y a les entre-scènes (surtout après l'entracte) qui, à mon avis, cassent le rythme et manquent légèrement d'interactions avec le public. Ce ne sont que de petits numéros qui laissent un peu pantois et perplexe. Un véritable MC (comme dans la première partie) mènerait le tout avec plus de poigne.

Un autre point me semble un tantinet questionnable: l'esthétique de tout cela. La théâtralité de ce spectacle gagnerait à être un peu plus colorée au sens littéraire (qu'il s'agisse de nappes à motif ou de recouvrements moins drabes) comme au figuré (dans certaines scènes, l'interprétation est trop petite ). Pour moi, le burlesque c'est le côté kitsch du théâtre... Cette dite théâtralité devrait donc être encore plus clinquante et plus assumée (surtout le canapé qui est d'un ennui profond mais pas assez... le bar... etc.).

Enfin, un ou deux numéro(s) semble(nt) hors cadre: comme par exemple «Les boîtes à gogo»... ... ...

Voilà. Je dois avouer que malgré tout, on passe une soirée fort agréable!

mercredi 14 novembre 2007

Le B.I.A. ou le magma interdisciplinaire


La plupart des praticiens du Saguenay (moi inclus) sommes passés par l'Université du Québec à Chicoutimi, dans le programme du Baccalauréat Interdisciplinaire en arts - option théâtre.

Non, ce n'est pas une école de l'acteur... c'est plutôt une école de l'artiste qui le pousse à penser et à créer. Et j'endosse!

Ce qui fait (j'oserais même parler à l'imparfait!) sa force, l'interdisciplinarité - résidu post-moderniste... étincelle inéluctable de l'artiste du XXIème siècle! - est pourtant en train, selon moi, de l'affaiblir grandement.

Car pour entrer de plein pied dans la contemporanéité, tous les cours tendent désormais vers ce concept fourre-tout - magma disciplinaire - qui ne répond plus à aucune attente réelle. Oui, le principe a une grande valeur... mais pas à n'importe quel prix!

Les cours disciplinaires (qui devraient avoir une importance plus grande puisque pour interdisciplinariser des champs artistiques, encore faut-il posséder avec assez de force celui dans lequel nous évoluons) sont de moins en moins nombreux* ... ou de moins en moins clairs: ce qui survit comme tel est noyé sous la masse des étudiants de d'autres concentrations. Il y a comme une étape de perdue dans le cursus universitaire. Il y a une somme de connaissances qui ne se rend plus aux étudiants. Et l'on s'étonne de voir leur intérêt diminuer... ou de voir leur démarche s'emboîteuiser.

Le BIA était (et est encore assurément) fortement novateur à sa création. Mais la qualité de cette formation est aujourd'hui questionnable. Son fonctionnement et ses contrats de performances seraient peut-être à étudier sérieusement... avant qu'il ne sombre dans un magnifique flou artistique! À voir évoluer ce programme, je serais curieux de connaître la vision de ceux qui le dirigent ou l'ont dirigé.


* à l'époque où j'étais étudiant, au programme, en plus des cours qui sont encore dispensés dans l'option théâtre (Techniques de jeu, Théâtre au Québec, Histoire de la mise en scène, Production, Dramaturgie et mise en scène, Écriture dramatique) s'ajoutaient: Analyse de spectacle, Techniques de scène, Lecture en théâtre, Scénographie, Danse-théâtre

dimanche 11 novembre 2007

GUERRE... combat entre le texte et la scène

Voilà... je suis allé voir (pour la première fois depuis la générale) une représentation de Guerre, présentée par Les Têtes Heureuses.

Je dois avouer que j'ai eu la chance d'avoir, dès le début du printemps (peut-être aussi était-ce le début de l'été?), ce texte entre les mains, alors que la distribution n'était pas encore annoncée. Texte qui m'avait beaucoup plu... avec une forte dose de contemporanéité: dialogues réduits à l'os (comme dirait Rodrigue Villeneuve); personnages forts (plus proches de la présence que du caractère); linéarité brisée par la forme, beaucoup plus près du montage cinématographique que du récit; propos crus où les mots s'autosuffisent dans la création d'une atmosphère d'après-guerre emplies de vides, de tensions, de morts, de chaleur éteinte. Fi donc de l'émotion. Les mots portent en eux-même l'horreur et le mal-être. Le théâtre dans sa plus simple expression. Presque rien... et pourtant soumis à une force horrible et froide: la ruine de l'être humain.

Le choc de la scène

Dans la salle, presque rien. Presque rien sinon une grande toile (omniprésente), un mur immense d'entrepôt ou quelque chose du genre, et une scène centrale. Une aire de jeu dépouillée, oui... mais aussi «repouillée» de chaises, de matelas et de menus accessoires! Bref, place aux acteurs.

En soit, la représentation est agréable: les deux heures que durent les entrelacements des dialogues, éclairages, costumes (!) et musique (?) passent sans longueur... et réussissent à maintenir un intérêt constant. Mais en même temps, suis-je objectif?

En fait, le choc ressenti tient beaucoup au texte et à l'interprétation. Ce qui, à la lecture, m'apparaissait d'une cruauté lucide, froide, et martelée au rythme du vide existentiel - une partition dissonnante - devient, à la scène, un récit (d'horreur, oui, mais tout de même un récit) avec des envolées émotionnelles. Cette impression tient tout particulièrement au personnage du père (malgré tout une belle performance de Jean Proulx) qui passe (toujours à la lecture) d'obsessif tyrannique à (toujours à la scène) victime qui pleure et repleure sur lui-même, sa femme, ses filles, sa vie passée, etc. L'image que s'en fait le comédien, la façon dont il aborde son rôle cadre-t-elle avec ce qu'a voulu faire le metteur en scène? Je lui demanderai, après tout, il habite chez moi!

Le spectacle propose de belles images et offre de forts beaux moments de comédiens, notamment lorsque paraît Sara Moisan, tout en nuance, en subtilité (un peu cliché mais bon!) mais avec une force et une solidité exemplaire! Une Mère Courage contemporaine... Marie Villeneuve et Johanna Lochon campent deux jeune filles avec brio (que voilà donc des phrases presque tirées du Quotidien!) et justesse. Quant à Jonathan Boies, l'effort est constant et louable... et il évolue de soir en soir.

Oui. Du vrai théâtre! Mais en sortant, après la représentation, bien plus tard, dans le lit, une question se pose avec acuité: est-ce que nous avons une expérience de vie nécessaire ici, à Chicoutimi (et au Québec, et en Amérique!), dans le confort du quotidien, pour porter un tel texte?