jeudi 29 mai 2008

L'engagement




L'engagement...

C'est probablement le point fondamental dans la création artistique. l'engagement est le fait de « donner en gage » ; m'engager signifie donc « me donner moi-même en gage ». Plus précisément, c'est prendre une décision libre et au moins un peu risquée pour moi-même (les risques pouvant être de natures très différentes d'un engagement à l'autre), et surtout être prêt à en assumer moi-même les conséquences. S'engager, c'est par conséquent prendre une responsabilité qu'on n'était pas obligé de prendre. L'engagement repose donc sur la liberté, le plus souvent individuelle.

Le théâtre n'y fait point exception. D'ailleurs, dans cet art collectif, l'engagement de chacun se confronte à l'engagement d'une équipe entière: le théâtre est un tout qui demande une participation active et volontaire (et relativement homogène!) de chacun de ses participants

Tous doivent être motiver par le projet en place. Tous doivent aller dans le même sens. Tous doivent exploiter la même ardeur au travail. Tous doivent concevoir le théâtre non pas comme un jeu (bien que le plaisir y soit essentiel!) mais comme un médium public, un moyen de communication sérieux et important. Au divertissement, je privilégie le manifeste!

Peu importe avec qui on travaille (particulièrement avec ses amis), il est important, je crois, de se donner les moyens d'exercer une véritable recherche, avec tout le dévouement que cela implique, afin d'obtenir des résultats probants.

lundi 26 mai 2008

NONO [Nouveau journal d'une mise en scène]


L'une des dernières maquettes de l'affiche de notre production
Conception et réalisation: Alexandre Larouche


Où en sommes-nous rendus après une vingtaine d'heures de répétition?

Nono révèle peu à peu son fonctionnement interne, son cadre de référence, son (ou ses!) rythme(s), son humour, sa cruauté et ses limites. C'est vraiment très amusant à travailler... et comme le dit Mesguish (probablement cité maintes et maintes fois dans cet espace!): «ce qui doit se jouer d'abord et avant tout au théâtre, c'est le plaisir de faire du théâtre»!

Et quel plaisir que de jouer ou de mettre en scène de tels personnages pour qui «l'amour n'est présent que dans sa dimension physiologique: c'est plus une sécrétion qu'un état d'âme» (M. Corvin).
Depuis hier, l'Acte II est en chantier. J'ignore si c'est à cause du travail antérieur sur l'Acte I ou si c'est parce que l'espace est mieux défini ou même le texte mieux construit, mais celui-ci avance assez rondement... et le résultat est plus solide. Plus net. Plus soutenu. Les scènes 1 à 4 ont déjà un fort potentiel théâtral.

Faut dire que l'Acte I est plus touffu et, par conséquent, tout de même plus complexe à réaliser... passant de la scène de rupture, à la scène de séduction, aux scènes de mise en contexte (de présentation des personnages, de la situation), voguant entre les crises, les soupirs, les secrets et les sous-entendus. Les personnages entrent de tous côtés, les scènes sont brèves et les liens parfois diamétralement opposés. Des enjeux se posent pour tous les personnages... C'est donc dire que le découpage en intention est quelque peu ardu... Il en ressort pourtant un dynamisme certain!

À partir de là, l'Acte II n'a qu'à nager (simplement...) en plein noeud gordien, à construire et illustrer le récit. L'Acte III résonne du coup comme un dénouement dans la plus traditionnelle des formes.

Décidément, Nono, dans le genre (genre décrié, popularisé, triomphant et décadent), est une pièce bien faite: pièce brillante par la virtuosité de l'intrigue et l'agencement parfaitement logique de l'action, avec ses scènes-à-faire (scène qui est attendue du public pour la résolution heureuse de l'intrigue : découverte, reconnaissance, pardon), ses codes et ses canevas. (C'est d'ailleurs en partie, pour les férus d'histoire, en réaction à la prolifération de ces oeuvres théâtrales qu'est apparue l'écriture dramatique moderne de laquelle a surgi la crise du drame à la fin du XIXe siècle.)

L'esthétique de la chose se précise encore et encore, au gré des répétitions - le but étant que la scène serve d'abord et avant tout le comédien et non l'inverse - et se colle de plus en plus à ce texte à la forme simple et convenue. La manière de construire cet espace, les accessoires qui y sont utilisés doivent y être par absolue nécessité. Il y aura un changement de décor et de costumes à chaque nouvel acte. Le premier acte, dans un resturant, le soir très tard, a, comme couleur dominante, le noir, luxueux et neutre. Le second se colore d'or et de rouge... couleurs chaudes, couleurs du soleil... couleurs vives. Le troisième se pare d'une blancheur pure, le calme, le deuil, etc. C'est une symbolique très primaire, j'en conviens... mais si elle est bien appliquée, l'effet devrait être saisissant... je l'espère!

jeudi 22 mai 2008

Iconoclastie dramatique!

Chaque courriel échangé avec Rodrigue Villeneuve est une source de discussions parfois surprenantes! Voici ce que le dernier a donné...

Je suis présentement en répétition avec le Théâtre 100 Masques... pour lequel je me plonge dans l'univers Guitry... plus particulièrement dans Nono...

Également, présentement, je travaille sporadiquement avec Les Têtes Heureuses... qui elles, creusent profondément dans La Cerisaie de Tchekhov.

Par conséquent, je passe de l'un à l'autre sans arrêt, ce qui me fait dire, avec un sourire narquois sur le visage: Guitry et Tchekhov, même combat!



Ironiquement, ces deux pièces ont été créées à quelques mois d'intervalle: La Cerisaie au Théâtre Artistique de Moscou, le 17 janvier 1904 et Nono au Théâtre des Mathurins, le 6 décembre 1905. Alors, faisons preuve d'audace et posons l'hypothèse: s'il est vrai qu'existe l'«air du temps», ne devrait-il pas y avoir concordances entre ces deux oeuvres?

«Concordances» au sens large du terme... il s'agit malgré tout pour l'un (arrivé au faîte de son génie) de son oeuvre ultime et pour l'autre (encore enfant gâté) de son acte fondateur...

Si à la première lecture, cette iconoclastie choque, elle recèle peut-être - qui sait? - une base d'études valables... un défi amusant! Après tout, la Russie a fait Tchekhov, c'est un fait affirmé et confirmé... la Russie a pourtant aussi, à sa manière, imprégné (euphémisme quand on connaît sa jeunesse) l'enfant Guitry... D'abord de son vrai nom, Alexandre Georges-Pierre Guitry, nous ne connaissons et ne retenons, dans les faits, que son diminutif russe... Sacha. Par ailleurs, à l'hiver 1889, Lucien Guitry, le père, comédien, tourne beaucoup dans ce pays... et, en pleine séparation d'avec sa femme, enlève son fils et l'emmène avec lui en Russie jouer devant la famille impériale... et, dernier point à retenir, le parrain de cet enfant n'est autre que le tsar lui-même, Alexandre III...

Bref, Tchekhov et Guitry se sont-ils déjà rencontrés? Je l'ignore. Y a-t-il réellement des points communs? Je l'ignore... (du moins, me semble-t-il, ils se partagent ironie et pessimisme pour le genre humain). Tout les sépare et pourtant... Il y aurait là une belle matière à doctorat...

mercredi 21 mai 2008

NONO [Nouveau journal d'une mise en scène]


Affiche de référence (?) pour la conception du visuel de la production



Au cours de la dernière répétition, nous avons réussi à passer au travers l'Acte I. Bien sûr, tout est encore brut, précaire et brouillon. Il y a un manque de rythme flagrant (mais non fatal!) et les personnages, bien qu'émergeants (?), ont encore bien besoin de consolider leurs bases. Hier soir, surprise!, le conseil d'administration a assisté à un premier filage des huit premières scènes... en somme, premier contact avec un public!

Ce qui me plaît le plus dans cette pièce, outre son humour et l'affection toute littéraire que je porte naturellement à Guitry, c'est sa cruauté. Sous chacune des répliques, derrière chaque geste, sous le couvert de chaque personnage, l'être humain apparaît dans toute sa splendeur (négative! devrais-je ajouter): froid, cynique, dur, calculateur, sans état d'âme. Cette petite historiette d'amour (assez convenue quand elle est prise au pied de la lettre...) prend une teinte de lutte acharnée pour posséder l'autre. L'enjeu: soi-même. Un peu plus, et on se croirait presque dans Les âmes mortes de Gogol!

À chacune des répétitions, les bons sentiments s'érodent et les rires se font grinçants et acides. Le pari est peut-être un peu risqué, à la réflexion. Mais bon. Le risque est excitant!

Quant aux questions esthétiques... Notre scène mesurera (du moins pour l'Acte I... pour le reste, nous verrons) quatre pieds de large par seize pieds de long. Elle sera - ô surprise! - noire. Avec les costumes (période 1900-1920) noirs. Le jeu est (ou plutôt sera) très stylisé. C'est (toujours pour l'Acte I), en quelques sortes, un paso doble infernal, avec ses mouvements vifs et passionnés... son caractère bouillonnant... son passage excessif de la séduction à la violence, du plaisir à la souffrance, du don de soi à la possession physique de l'autre:



Peut-être mes comédiens comprendront-ils ce que je veux dire! Et quand je parle de jeu stylisé, de jeu sculptural, de jeu mécanique, en voici un bel exemple (toujours les mêmes danseurs qui viennent se placer avant d'entreprendre leur numéro):



mercredi 14 mai 2008

L'Auberge du Cheval Blanc


Ce qu'on en a dit:

L'Auberge du Cheval Blanc: La version saguenéenne renoue avec le succès
Christiane Laforge, Le Quotidien, Samedi, 10 mai 2008

L'Auberge, la critique
Denise Pelletier sur son blog personnel, Spécial du jour
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Le Tyrol

Oui, c'est à une soirée de divertissement réussie que nous conviait la Société d'Arts Lyriques du Royaume lors des représentations de L'Auberge du Cheval Blanc.

D'abord l'histoire... Quoique très longue (et très lente à débuter)... quoiqu'un peu simpliste dans la forme et le fond (mais après tout, l'opérette c'est d'abord et avant tout des airs et de la musique!)... quoique certains personnages (même si superbement portés!) semblent quelque peu décalés pour ne pas dire inutiles à l'histoire: zozotante Clara, le beau Célestin, entres autres... il est plutôt agréable et facile de se laisser porter par celle-ci.

Outre le talent manifeste des chanteurs/comédiens (mentions spéciales au jeune Piccolo, à Léopold et à Bristagne!) et de l'Orchestre de chambre de l'OSSLSJ, le mérite revient surtout à la direction dynamique et efficace toute chalifourienne: goût prononcé pour les jeux de scène nombreux, les clins d'oeil et les routines gestuelles (les «stepettes»); plaisir évident du spectacle; théâtralité assumée. Ce spectacle est constitué, après tout, d'une immense équipe (directeurs, concepteurs, chorégraphe, solistes, comédiens, choeur, danseurs, orchestre) qui ne dispose, enfin, que d'un temps fort limité pour arriver à ce résultat.

L'ensemble esthétique (décors, costumes, accessoires) marche relativement bien. La scénographie est correcte pour le genre, oscillant entre le carton-pâte et la technologie. L'idée des projections infographiques omniprésentes et mouvantes (qui font voyager littéralement le spectateur autour de l'Auberge, instaurant un contexte géographique cohérent) est fort intéressante. Par contre, le rendu (et le fonctionnement de l'appareil!) est un peu... disons... carré... brut... mais le principe est amusant. L'éclairage (très bien, en passant... même si parfois, c'est réellement sombre!... Toutefois, il est un peu surprenant de laisser faire l'entrée du maestro dans un noir complet!) nuit parfois à la clarté de cette image... et s'y marie à d'autres occasions pour donner des effets «saisissants», comme lors de cette air chanté dans la vacherie, la nuit, par Florès et Sylvabelle, sur lequel dansent deux couples assortis... du véritable Walt Disney: convenu, cucul... mais terriblement joli et touchant. Les costumes (en quantité phénoménale... créés par Jacynthe Dallaire) tanguent vers le folklorique et le «contemporain»... Malgré quelques questions (pourquoi Bristagne est-il vêtu de la sorte en arrivant avec ses bottes de poil? que sont ses costumes de conseillers munipaux avec ces drôles de chapeaux et épaulettes? quelle en est la ligne esthétique... n'est-ce pas en 1940?), ils remplissent bien leur rôle.

Franchement, seulement trois petits points m'ont véritablement tarabustés pendant le spectacle. Le premier (problème que l'on retrouve dans tous les spectacles de ce genre) tient à la figuration active... Lorsque le choeur fait de la vie derrière l'action principale... Lorsque les membre de ce choeur se font passants ou visisteurs ou autres... Ça donne toujours un côté faux, plaqué. Le jeu «mimé» et «improvisé» n'est jamais à la hauteur du spectacle... Est-ce par manque de temps? Assurément. Par volonté de se faire comprendre (trop appuyer, trop montrer)? Peut-être.

L'autre point (qu'on retrouve aussi de façon flagrante dans Ecce Mundo... !), futile point: le sourire des danseurs. Ces interprètes (vu leur qualité, j'aurais aimé en voir des dizaines!) du corps sont magnifiques, solides, professionnels (dans le sens où ils sont formés pour ça)... Ils sont beaux à voir se mouvoir sur la scène... mais ils sourient. Sourire est un grand mot. Ils se fixent une parure sur le visage qui ne bougera pas du spectacle. C'est une sourire vide. Ce que le corps transmets au spectateur, le visage s'y montre incapable. Vraiment... point futile mais dommageable.

Le dernier point est un peu plus consistant... et tient au fait que - j'ignore si c'est parce que j'étais assis dans la dernière rangée? - je n'ai rien entendu de ce qui se chantait... On comprend l'histoire grâce aux bouts parlés, mais on en perd l'argument écrit dès que la musique embarque. Problème de sonorisation? de projection de la voix? de pose de la voix? Je ne sais pas. Toujours est-il que c'est un légèrement frustrant.

Mais, je le redis, ce fut somme toute une soirée agréable...

mardi 13 mai 2008

Le CLE fait encore des siennes...

Sera-ce un nouveau cheval de bataille?

Je reviens donc sur ce sujet qui me titure l'esprit... et auquel Christiane Laforge s'est attaqué dans son éditorial du Progrès-Dimanche de cette semaine...

Parce que c'est frustrant. Parce que les Têtes Heureuses ne peuvent engager la personne qu'elles veulent (et ce n'est pas moi, soit dit en passant). Parce qu'il y a là un réel problème... disons de société.

Tous les arguments sont bons pour qu'on ne soit pas admissibles au programme de subventions salariales: trop d'expérience ou pas assez... trop de diplômes... pas payant... gardez les emplois qu'on occupent même si ceux-ci n'ont aucun rapport avec notre champs d'études... et, argument suprême, pourquoi s'être lancé dans ce domaine (quand on ne pousse pas l'audace à nous conseiller de quitter la région)?

Oui. Emploi-Québec est une aide précieuse (et je l'appuie)... mais tellement décalée par rapport au milieu... Et pourtant, c'est l'un des principaux moyens d'embauche dont dispose les organismes artistiques déjà si précaires.

Son problème: sa temporarité qui ne peut malheureusement péréniser aucun emploi...

Il n'y a pas à dire... Tout un chacun (?) s'acharne à survivre dans le domaine. Les projets ne peuvent se faire que sur une base ponctuelle (en se croisant les doigts pour que les subventions au projet suivent). Les perspectives d'avenir sont, pour la plupart (bravo à ceux qui peuvent se placer), fort limitées... quand elles existent.

L'art n'est pas un métier dans la pensée collective, c'est un passe-temps... pour ne pas dire une perte de temps... Les choses pourraient changer mais...

Il faudrait, au bout du compte, que soit instauré le statut «artiste» et que celui-ci soit financé directement par le gouvernement (une espèce de fonctionnariat culturel) comme cela se fait dans d'autres pays (du moins, je pense...). Après tout, la meilleure carte de visite d'une nation (d'une province! d'une ville!) est sa culture. Sa plus grande renommée est culturelle. Sa plus grande visibilité est artistique...

Cette fois-ci, je ne suis pas en cause, Dieu merci! Je crois que je m'en remettrais pas!

dimanche 11 mai 2008

NONO [nouveau journal d'une mise en scène]

C'est ce soir que j'entame le travail de répétition avec les comédiens choisis pour cette production.

Il faut dire que, personnellement, j'ai débuté il y a longtemps... quatre ans pour être plus précis! Le Théâtre 100 Masques devaient (je l'ai déjà mentionné quelque part) monter cette pièce en 2005 (pièce qui était arrivée en seconde position, derrière La serva amorosa, lors du souper-bénéfice 2004 du TCM où les gens étaient invités à voter pour le choix du théâtre estival...) et je devais en être le metteur en scène. Donc, j'avais déjà commencer à travailler le texte (coupures, fusion de personnages, réécriture de certaines scènes). À y réfléchir... D'autres parts, pour faire le collage de l'an passé, Les monstres de l'orgueil, je m'étais beaucoup inspiré et basé sur cette première pièce de Guitry. Je suis donc, comme qui dirait, en terrain connu.

Je pars avec des idées pleins la têtes qui ne demandent qu'à se confronter aux acteurs... acteurs qui me font littéralement damner lorsque vient le temps de faire le calendrier des répétitions (pour leur défense, je dois avouer que je réagis comme cela à la seule évocation d'horaires... que ce soit pour une compagnie de théâtre ou pour une autre!).

Donc... prémisses (ou prémices? je ne sais jamais...) de départ: 1- espace réduit (huit pieds par huit pieds) et pourtant rempli, cette scène encombrée influençant la dynamique du jeu, le mouvement naturel des choses; 2- image plastique et sculpturale amplifiée par les obstacles matériels; 3- esthétique: baroque (si je trouve concrètement ce que ça signifie)... et élégance. Oui. Élégance (à la Tim Burton... dans La Mariée Cadavérique). Je suis un peu lassé de mes productions bric à brac... J'ai envie de faire quelque chose de propre... «Là, tout n'est qu'ordre et beauté, luxe calme et volupté», disait l'autre (l'autre étant Beaudelaire)! 4- J'aimerais appronfondir le jeu mécanique (ou pour ceux que ça heurte, disons chorégraphique!)... le perpétuel mouvement (proche de l'effet choral) des actions-réactions (que chaque geste fait entraîne une réaction gestuelle de l'autre et ainsi de suite)... Mon idéal préfère d'ailleurs les acteurs-techniciens et/ou virtuose aux acteurs-psychologiques...

Que va-t-il rester de ces envies et souhaits artistiques? Rendez-vous en juillet pour le savoir...


jeudi 8 mai 2008

Réflexion esthétique


«Au bout du fil» de Évelyne de la Chenelière
Mise en scène: Dario Larouche
Théâtre Mic-Mac, 2004
Photographie: Christian Roberge


Si j'avais à définir mon esthétique propre (mise en évidence particulièrement lorsque je signe et le texte, et la mise en scène), à caractériser mon style (ce qui est toujours en soi un bon exercice de recul et d'analyse), j'hésiterais, de prime abord, entre deux tendances similaires: le grotesque et/ou le baroque. Je tiens à spécifier tout de suite que c'est à l'esprit de ces courant à lequel je me réfère... parce que mon penchant pour la simplicité, pour l'exaltation du vide, m'inscrivent quelque peu en contradiction avec eux...

LE GROTESQUE
(consulter un article complet... et un dossier foutument intéressant!) Parodier, briser les apparences, provoquer, remettre en cause les contraintes et la force de l’ordre, démasquer la vérité, exagérer, telle est la fonction du grotesque au théâtre, et le spectateur assis dans son fauteuil et témoin du scandale esthétique est violemment provoqué. (revue Sens Public)

Dans la pensée des modernes, « le grotesque a un rôle immense. Il y est partout; d'une part, il crée le difforme et l'horrible; de l'autre, le comique et le bouffon [...]. Le grotesque est la plus riche source que la nature puisse ouvrir à l'art ». Le comique est, au point de vue artistique, une imitation; le grotesque une création [...]. Le rire causé par le grotesque a en soi quelque chose de profond, d'axiomatique et de primitif qui se rapproche beaucoup plus de la vie innocente et de la joie absolue que le rire causé par le comique de mœurs (...) J'appellerai désormais le grotesque comique absolu. (tiré du dossier mis en lien un peu plus haut... dont j'ignore qui en est l'auteur...)

LE BAROQUE
L’esthétique baroque repose sur le mouvement, l’inconstance, la contradiction, l’antithèse. Les personnages passent d’une palette de sentiments à une autre. On est dans l’excès, le paroxysme. Le discours donne à voir plus qu’à entendre ; il s’agit de montrer, de convoquer les images par le procédé rhétorique de l’hypotypose. Alors que l’esthétique classique recherche l’unité, le baroque se complaît dans la pluralité, d’où son goût pour l’accumulation. Le baroque donne les deux versants d’une médaille : la vérité est indissociable du mensonge, comme le réel l’est du rêve, comme la vie l’est de la mort. Au théâtre, le baroque est également traduit grâce une certaine mise en scène (lumières, jeux, costumes, décors...) qui met en évidence les caractères du mouvement. (Wikipédia)

On peut l'approcher à travers deux aspects caractéristiques : l'exaltation du mouvement et le jeu des apparences. [...] [L'art baroque a] le goût des contrastes, des surprises, des élévations et des chutes, qui peuvent composer un art du langage. Mais aussi dans ces mouvements du cœur que sont les émotions, les passions; l'inconstance est un thème baroque : qu'on pense à Don Juan dans les versions XVIIe siècle du personnage. - Et quant aux apparences, le théâtre est pour l'esprit baroque une ressource inépuisable : le monde est un théâtre sur lequel les hommes jouent; le trompe-l'œil règne, les décors apportent l'illusion, la vie est un songe; chacun porte un masque, et les travestissements de tous ne sont interrompus que par la mort, grande maîtresse et seule vérité, obsession de l'époque baroque. (http://www2.unil.ch/fra/HistLitt/Cours/XVI-XVII/16-8.Baroque.htm)

Puis viendrait probablement le temps où, mon discours oserait aller pointer le nez dans les méandres du Maniérisme... du Formalisme... du Chorégraphisme... qui finalement, pour faire simple, dénotent une recherche formelle, une souci permanent de la ligne et de la composition scénique, une quête du mouvement choral, de la fascination provoquée par la symbiose de corps interreliés par le jeu.

Bien que proches de ce que je fais, aucun de ces termes pourtant ne s'y collerait avec justesse...


lundi 5 mai 2008

Euh

Cette semaine, Isabelle Labrie, du Quotidien/Progrès-Dimanche, dans son éditorial, effectue une sortie en règle contre les «attaques envers les médias» et répond (indirectement) à plusieurs discussions qui ont été faites ici, à propos de ceux-ci, de l'espace qu'occupe le théâtre (et la culture en général) à l'intérieur de ceux-ci, de l'état de la critique au Saguenay, de la distinction entre recherche artistique, divertissement, produits d'appel... etc. Voici donc cet édito (décidément, ce matin, je cite abondamment!)... et quelques réactions personnelles (en noir et italique) suite à cette lecture.



Année: 1915
© nd


«Édito - section Arts», Progrès-Dimanche, 4 mai 2008
par Isabelle Labrie (ilabrie@lequotidien.com)

LE FOSSÉ ENTRE ATTENTES ET RÉALITÉS

Le récent passage d'un comité du Conseil de presse du Québec à Jonquière, afin de prendre le pouls des citoyens par rapport à l'information qui leur est fournie par les médias régionaux, a permis de soulever diverses questions sur le travail des journalistes en milieu culturel. Mais elle a surtout permis de constater qu'un fossé sépare ce que les intervenants du monde artistique souhaiteraient avoir comme couverture et la réalité vécue par les entreprises de presse et donc, par ricochet, par les journalistes oeuvrant sur le terrain.

Parmi les points soulevés, il y a le manque de critiques de spectacles régionaux (Manque de rigueur artistique de ceux qui sont «de passage» serait plus juste. Souvent on a l'impression que le secteur culturel sert de rampe de lancement... ou de pis-allé. Rôles du critique (théâtral): rendre-compte d'un spectacle; étudier et réfléchir au sens, à la construction; constituer, en quelques sortes, une «mémoire du théâtre»; découvrir. ) et le traitement de l'information culturelle. Évidemment, ceux qui oeuvrent dans le milieu dans la région aimeraient que l'on parle davantage de ce qui se fait ici. Ils vont même jusqu'à dénoncer le fait que l'on fasse la critique du spectacle d'un artiste montréalais (En fait, ce n'est pas tant le fait de parler d'un artiste montréalais qui fait tiquer le milieu, mais bien l'espace qu'on lui accorde... Souvent, ce même artiste peut être le sujet de 2 pages pleines déclinées en 4 articles... alors que l'on sait l'espace limitée... et que d'autres événements sont passés sous silence faute de place.), mais qu'on ne fasse pas à tous les coups un pré-papier pour annoncer la tenue d'un événement régional. Ils trouvent aussi dommage qu'il n'y ait pas davantage d'espace dans les pages de journaux pour ce genre d'information. (Moi, si on prend par exemple Le Progrès-Dimanche, je déplore le manque d'espace, oui... mais surtout l'envahissement de la section culurelle par les horaires-télé... et le fait d'accorder deux pages pleines à un chien!)

Difficile d'en vouloir aux gens qui mettent énergie, coeur et émotions à faire connaître leur production, et de toujours souhaiter davantage de visibilité. Les revendications sont la plupart du temps légitimes, ou à tout le moins compréhensibles. Quand on crée quelque chose, on a la fierté de le montrer et de vouloir en faire parler.

Mais là où le bât blesse, c'est quand les gens (On parle de qui au juste?) mélangent dans un même panier des sujets d'importances. (J'avoue, je ne comprends pas de quoi il est question. Que signifie cette phrase exactement?) C'est ainsi que promotion, publicité et articles journalistiques son logés allègrement à la même enseigne. Et c'est ainsi que le travail des médias, qu'ils soient écrits ou électroniques, est dénoncé de la même manière.

Le Progrès du Saguenay, avec les journaux Le Quotidien et Le Progrès-Dimanche, possèdent la salle de rédaction la plus importante au Saguenay-Lac-Saint-Jean pour couvrir le monde artistique avec la présence de deux journalistes à temps plein, en plus de collaborateurs et d'un chroniqueur de livres qui publie un papier toutes les semaines. Personne dans la région ne met autant d'efforts dans ce domaine. (Nous le reconnaissons tous, je crois.) Certaines stations de radio et de télévision boudent même totalement ce créneau jugé pas assez «vendeur».

Au Quotidien et au Progrès-Dimanche, au contraire, il s'agit d'un domaine reconnu, qui bénéficie d'une attention soutenue et dont les sujets font régulièrement la Une. (Particulièrement s'il s'agit d'un artiste montréalais... je sais, c'est de la mauvaise foi... lol)

Évidemment, si on se compare à ce qui se fait dans les journaux des grands centres, force est de constater que les équipes sont plus imposantes et qu'il y a plus de pages réservées à la section des arts et spectacles. Mais les journaux sont plus gros en général et il y a donc davantage de pages dans toutes les sections.

En ce qui concerne le rôle du journaliste, il semble y avoir là aussi une certaine incompréhension et elle est très perceptible en arts. (!!!) Les journalistes ne sont pas là pour «annoncer» des événements (!!!): ça c'est le travail de la publicité. (Plusieurs artistes et compagnies n'ont pas les moyens de se payer une campagne publicitaire... parce que qui parle «publicité» parle inéluctablement «argent».) Ils sont là pour présenter des artistes par le biais de reportages; pour faire part de ce qui se passe par le biais de nouvelles (euh... je cite: «Les journalistes ne sont pas là pour annoncer des événements». Quelle est la nuance?) ; pour partager leurs impressions au moyen de critiques. (Mon avis sur la critique est connu... et je j'oserais affirmer encore une fois qu'il vaut mieux, dans ce cas-ci, parler de compte-rendu.)

Nous comprenons très bien que pour certains, le journal constitue un médium de choix pour lancer une invitation à la population et pour faire parler d'un événement. (D'ailleurs, merci... et vous le dites vous-mêmes, les stations de radio boudent le secteur culturel...) Nous nous y prêtons volontiers, avec bonne foi, autant que possible. Mais il demeurera toujours qu'en raison de la diversité de la vie culturelle régionale, il faudra faire des choix de couverture. (Et c'est normal... et justifiable!)


dimanche 4 mai 2008

LE RIRE DE LA MER [Histoire d'une mise en scène|... ÉPILOGUE

Le Rire de la mer s'est tu hier soir. Le rideau est tombé. Les boîtes redeviennent des boîtes sans poésie.

Définitivement, l'aventure robervaloise s'est terminée dans le plaisir et l'émotivité... dans la mesure où je sais me laisser aller à ce sentiment!

La dernière représentation n'a pas la même magie que la première. Elle ne revêt plus, en coulisse, la même fébrilité. Comme si, pour la première fois, la lucidité, la sensation de prendre son personnage pour un dernier tour de piste et le plaisir de se retrouver tous ensemble jusuq'à un prochain rendez-vous encore inconnu, teintent ce spectacle d'une douceur, d'une extrême sensibilité qui se ressent même dans le public.

Et pour moi, c'est le rôle ultime du spectateur... car demain, pas de notes. Pas de retour. Pas de changements. Ce soir de dernière, pas de stress... juste un pincement au coeur qui prend de l'ampleur au même rythme que passent les tableaux pour faire place au vide et à l'absence.

Bien sûr, ce n'est pas parfait. Mais qu'importe. C'est la soirée de la reconnaissance, de la fierté, de la camaraderie exacerbée par la fatigue et le deuil de cette production.

Et maintenant que tout est fini, vient le moment du bilan... Bilan qui durera plusieurs jours, plusieurs mois, voire plusieurs années.

Oui. Je dois l'admettre. Le Rire de la mer fut une production éprouvante à différents égards (de ce fait, cette production est sans doute porteuse d'innombrables richesses à découvrir...): météo affligeante, distribution d'envergure qui augemente la discipline, tensions de toutes sortes, gestion de stress ardue (temps de répétitions, boîtes et changements de décors) et angoisse personnelle propre à la mise en scène. La machine fut parfois très lourde à porter. De tous mes projets, probablement le plus difficile que j'aie fait. Celui qui m'a le plus fait douté...

Tout au long des représentations, et ce malgré les critiques louangeuses, j'ai eu l'impression de n'avoir pas su transmettre la passion du projet à toute l'équipe. D'avoir frappé un stade que je n'ai pas su surmonter. D'avoir, en quelques sortes, perdu un temps précieux à des moments stratégiques, de n'avoir pas su aller là où on aurait dû se rendre...

Et pourtant...

Le Rire de la mer a permis, en même temps, l'éclosion de moments magiques. De véritables minutes, heures, journées de plaisir, de fous rires, de comédie pure. Des surgissements de folies incontrôlés et incontrôlables. De bonne entente et de confidences... Des liens se sont tissés (et raffermis) avec les gens du Mic-Mac. Des amitiés se sont consolidées. Et la complicité a su encore s'établir pour nourrir la construction de ce spectacle. Le travail y a été exigeant... ce qui, paradoxalement, laisse un sentiment de devoir bien accompli... de réussite...

Et pour tout cela, je remercie profondément tous mes acteurs qui m'ont suivis (plusieurs parmi eux depuis près de quatre ans), tous mes concepteurs qui se sont évertués à être imaginatifs et à répondre aux moindres de mes désirs, tous les intervenants autour de cette production pour leur confiance, leur soutien et leur dévouement. Merci à tous ces gens du Théâtre Mic Mac de m'avoir permis une nouvelle fois de m'investir dans un grand et beau projet en leur fidèle compagnie. Oui. L'instant présent appartient encore aux sourires et aux souvenirs. Et puissent-ils le demeurer encore longtemps...


Probablement des gens se demanderont pourquoi cette musique... C'était la musique finale du spectacle, l'apothéose, pendant la construction (littérale) du théâtre d'Épidaure...

samedi 3 mai 2008

Regards interposés...

Voici, un commentaire qui a été publié (sous le nom Mike on the Line) à la suite de Haro sur la pérennité des emplois dans le domaine culturel. Ce matin, je passe le micro (et voilà le lien avec l'image!). Comme il pose pleins de questions et qu'il propose des tentatives de réponses, je le reprends ici dans son intégralité:


Il y a quelque temps déjà, j’inscrivais un commentaire suite à l’article de Yoyo du 15 avril 2008, intitulé Recherche d’emploi. J’y demandais comment on crée de la richesse dans le milieu du théâtre.

Cette question est d'autant plus pertinente que ce nouvel article auquel je réponds parle d'économie et fait entendre l'idée que, parce que différente, la réalité du milieu culturel régional ne peut s'inscrire à l'intérieur des balises plus nationales, pour ne pas dire plus métropolitaines, des programmes de soutien et associations de toutes sortes (d'Emploi-Québec à l'UDA, en passant, par exemple, par le CALQ).

Si cette différence est bien réelle, quelqu’un peut-il m’expliquer alors pourquoi les compagnies d’ici m’apparaissent s’inscrire presque toutes à l’intérieur de ces balises que les artistes et les artisans, individuellement, rejettent ? Je ne dis pas que nos compagnies doivent disparaître, au contraire : elles réunissent une somme importante et précieuse d’expériences et de connaissances que je respecte. Je demande seulement : pouvons-nous imaginer le fonctionnement du théâtre à Saguenay davantage en accord avec cette réalité singulière dont tout le monde parle constamment ?

Bon, j’en entends déjà certains dire « de quoi il se mêle, lui ? Il ne fait plus de théâtre, par quelle autorité ose-t-il parler… ». C’est vrai, je ne me considère plus comme étant un artiste. Je sais cependant ce qu’est l’être et je respecte infiniment cela. Je ne suis pas un artiste, mais, depuis 1991, je n’ai jamais cessé de m’intéresser au théâtre ; seulement, je ne l’envisage plus beaucoup dans ses aspects artistiques, je laisse ça à ceux qui en ont le talent, et il y en a beaucoup chez nous!

Cela dit, depuis huit ans, je regarde davantage le théâtre dans la région d’un regard historique, politique et économique. J’ai eu l’incroyable chance de travailler plus de deux ans au projet de sauvegarde des archives sonores de CBJ et d’entendre toute l’activité théâtrale des années 60 et 70. J’ai pu, par exemple, prendre connaissance de sa vitalité étonnante, au point de présenter devant salle comble, à l’Auditorium Dufour, pendant quatre soirs, un festival canadien de théâtre amateur.

En indexant ces archives, j’ai pu aussi entendre la naissance du théâtre professionnel à Saguenay : la création du théâtre la Rubrique, avec une mission sociale qui s’est passablement transformée avec les années, puis l’arrivée d’un programme de certificat en théâtre, à l’UQAC, et la constitution des Têtes heureuses. Bref, ces perspectives historiques m’apparaissaient si riches en enseignement que, depuis deux ans, le théâtre d’ici, de 1956 à nos jours, est devenu mon sujet de maîtrise en études et interventions régionales, pour laquelle j’entre en rédaction en 2009. J’ai joint également à cette maîtrise une particule en gestion des organisations afin de pouvoir envisager ces aspects en plus de l’histoire de notre théâtre régional. J’imagine que cela m’offre quelques compétences et je n’espère qu’une chose : en faire profiter les artistes et artisans de la région à court, moyen et long terme.

Ça me déchire de voir des talents s’arracher la vie, ou simplement abandonner. Ça m’attriste quand je vois des gens pleins de potentiel ne pouvoir l’exploiter à leur maximum, comme Yoyo, comme des dizaines d’autres d’ailleurs. Alors, j’ose rêver d’un Saguenay où toutes les salles de théâtre sont bondées comme pour un show des clowns noirs (le plus bel exemple de l’importance de s’inscrire symboliquement dans l’imaginaire de la ville, bravo !). J’imagine un milieu effervescent, où on retrouve encore plus d’artistes et d’artisans de la scène qu’actuellement, où l’offre de nouveaux spectacles est généreuse et permet l’émergence de nouveaux talents ET de plusieurs comédiens nationaux, d’auteurs, et de metteurs en scène rayonnant à travers le Québec et le monde.

Je vous propose alors ma vision. Ce n’est pas LA réalité du milieu théâtral ni LA solution. Si les deux existent, c’est collectivement, pas dans l’esprit d’un seul individu, ni dans la mission d’une seule compagnie. Je vous propose une vision qui est le fruit de mon analyse et où je ferai en sorte, après quelques digressions, que deux termes se rencontrent : amateur et professionnel.

En octobre 2006, je devenais administrateur du Théâtre 100 masques. Cette compagnie, dont la mission de base était alors le soutien à la relève, venait, depuis plus d’un an, de reprendre les activités pédagogiques abandonnées par l’Atelier de théâtre l’Eau vive. Cet aspect pédagogique m’intéressait vivement, car j’y voyais là un levier puissant de sensibilisation de notre collectivité au théâtre. J’y voyais aussi des possibilités de carrière d’appoint pour les artistes et artisans, un emploi régulier assorti d’un salaire décent qui leur permettrait de se concentrer sur des projets artistiques et d’envisager leur vie ici, sans être constamment aux abois financièrement.

Bien que j’y ai découvert une compagnie en piteux état, qui est d’ailleurs actuellement sous respirateur, parasitée par sa mauvaise réputation professionnelle, cette vision pour l’enseignement du théâtre ne m’abandonne pas, au contraire.

Une de mes propositions, donc, pour créer de la richesse est la suivante : mettre en place une véritable structure professionnelle vouée à la formation théâtrale, gérée par des artistes et artisans du milieu ; construire un programme pédagogique à partir des compétences que les artistes veulent partager, une offre de service que le client peut lui aussi construire à la carte, selon ses besoins et ses attentes ; soutenir cette structure par une équipe de gestionnaires et d’administrateurs capable d’en baliser le développement, dès l’incorporation.

Quant aux clients, cette structure ne se contenterait pas des perspectives traditionnelles que sont les écoles et les services des loisirs. L’équipe de gestionnaires aurait également comme mandat de développer un produit pour les compagnies. Le but ultime serait la création d’un festival amateur annuel durant lequel on pourrait voir sur les planches, par exemple, les employés de Rio Tinto – Alcan, de Bell Canada, du Complexe hospitalier de la Sagamie, des restaurants Saint-Hubert de Saguenay, du Cégep de Jonquière, de la base de Bagotville, et cetera.

Redonner le droit au théâtre aux citoyens de Saguenay permettrait peut-être le retour de l’intérêt porté pour la discipline dans les années 60 et 70. Ce genre de manifestation aurait comme principal impact de réintroduire de façon significative le théâtre dans l’univers symbolique régional.

Imaginons maintenant qu’on mélange les deux : le talent dit naturel, mis en lumière, par exemple, dans le spectacle des travailleurs sociaux du CLSC de Chicoutimi, donnant la réplique à Marie Villeneuve, où encore une expérimentation du théâtre CRI avec 15 retraités d’Abitibi Consolidated ? Ne voyez-vous pas, comme moi, des salles pleines, une demande plus forte, des artistes et des artisans qui peuvent se développer pleinement ?

J’ai parlé un peu plus tôt du Théâtre du Faux-coffre. Au-delà de leur travail artistique, ce qui me fascine chez eux, c’est leur capacité à s’inscrire dans le tissu urbain, à devenir des personnages emblématiques auxquels une cohorte s’identifie, et à faire partie d’un imaginaire collectif qui dépasse le milieu du théâtre et son habituelle clientèle.

Ma proposition – qui n’a rien d’artistique – ne vise que cela : faire en sorte que l’ensemble des citoyens de Saguenay se sent aussi concerné par le théâtre que par son équipe de hockey junior majeur, que ses artistes et artisans soient supportés par lui, et que cette réalité singulière du monde du théâtre dont on se réclame depuis bientôt 30 ans ne soit plus nommée que par des gens de l’extérieur, jaloux de ce petit miracle économique et culturel.

Et vous, qu’en pensez-vous ?

jeudi 1 mai 2008

LE RIRE DE LA MER [Histoire d'une mise en scène|... ÉPILOGUE


Le Rire de la mer s'est tu hier soir. Le rideau est tombé. Les boîtes redeviennent des boîtes sans poésie.

Définitivement, l'aventure robervaloise s'est terminée dans le plaisir et l'émotivité... dans la mesure où je sais me laisser aller à ce sentiment!

La dernière représentation n'a pas la même magie que la première. Elle ne revêt plus, en coulisse, la même fébrilité. Comme si, pour la première fois, la lucidité, la sensation de prendre son personnage pour un dernier tour de piste et le plaisir de se retrouver tous ensemble jusuq'à un prochain rendez-vous encore inconnu, teintent ce spectacle d'une douceur, d'une extrême sensibilité qui se ressent même dans le public.

Et pour moi, c'est le rôle ultime du spectateur... car demain, pas de notes. Pas de retour. Pas de changements. Ce soir de dernière, pas de stress... juste un pincement au coeur qui prend de l'ampleur au même rythme que passent les tableaux pour faire place au vide et à l'absence.

Bien sûr, ce n'est pas parfait. Mais qu'importe. C'est la soirée de la reconnaissance, de la fierté, de la camaraderie exacerbée par la fatigue et le deuil de cette production.

Et maintenant que tout est fini, vient le moment du bilan... Bilan qui durera plusieurs jours, plusieurs mois, voire plusieurs années.

Oui. Je dois l'admettre. Le Rire de la mer fut une production éprouvante à différents égards (de ce fait, cette production est sans doute porteuse d'innombrables richesses à découvrir...): météo affligeante, distribution d'envergure qui augemente la discipline, tensions de toutes sortes, gestion de stress ardue (temps de répétitions, boîtes et changements de décors) et angoisse personnelle propre à la mise en scène. La machine fut parfois très lourde à porter. De tous mes projets, probablement le plus difficile que j'aie fait. Celui qui m'a le plus fait douté...

Tout au long des représentations, et ce malgré les critiques louangeuses, j'ai eu l'impression de n'avoir pas su transmettre la passion du projet à toute l'équipe. D'avoir frappé un stade que je n'ai pas su surmonter. D'avoir, en quelques sortes, perdu un temps précieux à des moments stratégiques, de n'avoir pas su aller là où on aurait dû se rendre...

Et pourtant...

Le Rire de la mer a permis, en même temps, l'éclosion de moments magiques. De véritables minutes, heures, journées de plaisir, de fous rires, de comédie pure. Des surgissements de folies incontrôlés et incontrôlables. De bonne entente et de confidences... Des liens se sont tissés (et raffermis) avec les gens du Mic-Mac. Des amitiés se sont consolidées. Et la complicité a su encore s'établir pour nourrir la construction de ce spectacle. Le travail y a été exigeant... ce qui, paradoxalement, laisse un sentiment de devoir bien accompli... de réussite...

Et pour tout cela, je remercie profondément tous mes acteurs qui m'ont suivis (plusieurs parmi eux depuis près de quatre ans), tous mes concepteurs qui se sont évertués à être imaginatifs et à répondre aux moindres de mes désirs, tous les intervenants autour de cette production pour leur confiance, leur soutien et leur dévouement. Merci à tous ces gens du Théâtre Mic Mac de m'avoir permis une nouvelle fois de m'investir dans un grand et beau projet en leur fidèle compagnie. Oui. L'instant présent appartient encore aux sourires et aux souvenirs. Et puissent-ils le demeurer encore longtemps...