samedi 26 avril 2008

LE RIRE DE LA MER [Histoire d'une mise en scène]


Ce qu'il y a de plus particulier avec une production qui tient l'affiche à près de 120 km de son lieu de résidence, c'est le fait de ne pas pouvoir assister à toutes les représentations. C'est l'obligation, en quelques sortes, de lâcher prise et de donner la régence du spectacle à d'autres que soi. Si, d'une part, le détachement se fait de lui-même compte tenu des distances, le désir (parfois tyrannique) de garder le contrôle scénique, le sentiment d'impuissance ressenti lorsqu'est venu le temps de jouer tant bien que mal le rôle de spectateur, ne s'estompent malheureusement pas et deviennent de véritables supplices. Car rien n'échappe à l'acuité du regard d'un metteur en scène (même son contrat officiellement terminé!): les bons coups comme les moins bons, les erreurs, les essais, les manquements, les moments magiques...

Au gré des représentations, Le Rire de la mer évolue... et je n'en fais pas partie (ou si peu)... C'est vivre avec l'impression de devoir abandonner (façon de parler peut-être un peu drastique, mais bon...) le travail au moment même où le travail des représentations commence (le véritable travail théâtral puisqu'il prend soudainement en compte le caractère essentiel du théâtre: faire acte de communication avec le public!). C'est de ne pouvoir apporter qu'un soutien bien lointain.

J'étais à nouveau assis dans la salle lors de la représentation d'hier. Et, regardant le spectacle, je prenais des notes sur ce que je pourrais changer, modifier, ajuster... Je me suis pris mentalement à refaire de nouvelles entrées chorales, à recréer une mise en place imaginaire, à redessiner les contours de certains personnages, à en redresser la ligne dramatique... Et c'est là que le bât blesse. Je n'aurai ni le temps, ni l'occasion de pouvoir passer aux actes... Ce besoin de rester en contact direct avec la production, de maintenir actif ce corps-à-corps créatif, se manifeste en vain: je ne peux faire ce genre de travail par échange de courriels ou par téléphone... Il faut une présence effective. Une présence à l'écoute et à l'affût de toutes propositions. Une présence qui n'est pas de passage. Et de la volonté!

Ma plus intime conviction théâtrale m'affirme avec force qu'un spectacle doit demeurer un chantier jusqu'à la dernière représentation... jamais il ne doit être considéré comme étant un produit fini. Jamais il ne peut être fini.

Malgré tout, hier soir, j'ai regardé avec plaisir mes comédiens s'évertuer (avec succès) à tenir le fort... et dans ces moments, la fierté (toute aussi narcissique puisse-t-elle être!) prend le dessus et remise alors (heureusement!) tout autre questionnement.