mercredi 30 avril 2008

L'éthique, c'est l'esthétique du dedans (Pierre Reverdy)

Une question demeure en suspens depuis que j'écris sur ce blog. Une question qui m'est revenue en pleine figure à quelques reprises (et qui a rejailli, par ricochet, sur d'autres que moi). Une question qui peut se décliner en plusieurs variantes mais qu'on pourrait ramener à la forme générique: est-ce éthique de ma part, en tant que praticien implanté dans le milieu, de tenir ce genre de carnet virtuel?

La réponse sera, bien entendu, laissée au point de vue du lecteur...

Et moi?

D'une part, aucun de mes billets (lorsqu'il est question de spectacles) ne représente la vision d'une compagnie (d'abord parce que malgré tout, je me considère comme étant autonome) et encore moins une intention d'imposer une vision du théâtre en particulier (parce que je crois en la diversité et à la stimulation bénéfique provoquée par le choc des différentes approches). C'est en tant que praticien que je signe et j'attends (peut-être naïvement!) la même chose de ceux qui commentent. Je ne fais que partager ce que j'ai vu, les questions qui me passent par la tête et les réflexions que je me fais. Non pas pour en faire une critique ou demander des comptes ou influencer un achalandage (!) mais seulement parce que c'est aussi mon domaine et qu'être capable d'en parler (pour tabou qu'il soit) en toute sincérité est une preuve de dynamisme. Je tiens juste à le re-spécifier. Ma seule motivation pour cet exercice est de pouvoir échanger (quand cela arrive... chose plutôt rare) sur une plus longue période, de pouvoir discuter sur des spectacles de façon courtoise, réfléchie, ouverte (tout en évitant le «bon» ou «mauvais»). J'essaie aussi d'argumenter pour étayer mes propos.

Préférera-t-on à la discussion franche et constructive les comptes-rendus (qui se donnent le titre de critique) polis sans plus? Qu'au bouillonnement actif, on préservera ce faux-semblant de perfection, ce tabou qui ne génère au fond qu'atrophie et vacuité?

On m'aura reproché de ne pas être capable de discuter à chaud, de me cacher (!) derrière mon écran et d'agir après coup. C'est vrai... et faux. Vrai que je ne parle pas beaucoup, que je suis peut-être socialement inadapté (ou disons plutôt affligé d'une timidité quasi maladive). Je n'ai rien à dire à la sortie d'un spectacle. C'est toujours le brouillard... Faux aussi parce que j'ai besoin, j'aime prendre le temps de réfléchir pour justement structurer ma pensée. Et l'écrit est la meilleure façon d'y parvenir.

On m'aura reproché également (façon de parler pour ne pas dire ironiser) de me poser comme intelligensia du théâtre au Saguenay... Si seulement... Je persiste à croire que penser et réfléchir ne sont pas des tares... et que l'intellectualisme et le raisonnement, loin de nuire à l'art, lui permettent d'évoluer...

Advenant le cas où les points précédents se tiennent, reste un autre problème: est-il éthique d'élever sa voix dans ce qui a été appelé un milieu «consanguin», un milieu «petit» où tous sont appelés à se côtoyer? «Absolument pas!» m'auront répondu certains. De mon côté, j'estime que cette petitesse du milieu est une raison de plus pour briser ce carcan de surprotection, cette chape de plomb qui noie toute tentative d'évolution. Je trouve plus éthique de donner un point de vue plus structuré (qu'il soit positif ou négatif) qu'agir comme plusieurs actants de la profession qui se taisent (ou pire! affirment les banalités d'usage tels les «bravos» et les sourires) de peur de se voir fermer des portes. C'est la culture du nombrilisme au détriment de la véritable discussion...

Dans la même veine, je le réitère, si je n'écris pas sur mes propres spectacles, c'est que le recul n'est pas suffisant pour que je m'y mette... et qu'en prime, je suis d'une exigeance quasi tyrannique envers mes propres oeuvres et ceux qui la font. Il ne s'agit pas de mettre en valeur mon travail mais de l'épargner! Quant aux spectacles des Têtes Heureuses (dont certains m'accusent de me censurer), je tiens à préciser que je suis présent avant même que les concepteurs et les comédiens ne se réunissent, que je suis présent durant la germination artistique, que je suis présent durant toute l'évolution de leurs spectacles, que mes questions et réflexions passent donc directement en cours du travail...

D'autre part, j'écris par plaisir, par fierté de tout ce qui s'accomplit ici. J'ai fait le choix de rester et de vivre dans la région, à Chicoutimi (à l'époque!). J'ai fait le choix de persévérer dans ce domaine, malgré les embûches et les coups durs. J'écris par passion. Par intérêt. Pour le simple bonheur de partager les idées, parce que je crois être statégiquement bien placé pour être en mesure de véhiculer les informations qui circulent.

Enfin, oui, j'ai un certain contrôle sur les commentaires. À venir jusqu'à présent, je n'ai utilisé mon droit de veto qu'une seule fois, considérant que le commentaire (qui ne m'était d'ailleurs pas destiné et qui était publié sous un pseudonyme) relevait d'une attaque personnelle et n'amenait rien dans une éventuelle discussion. J'ai cru bien faire (et le crois toujours) pour maintenir une certaine qualité du débat. Il est fort probable que je connaisse l'auteur de ce dit commentaire et je m'en excuse (même si...). Toutefois je crois être assez intègre et avoir une assez large ouverture d'esprit pour être capable de juger des actions à prendre, le cas échéant.

Alors l'éthique...

J'ose revendiquer le droit de discuter, de confronter les points de vue, de partager (en autant que faire se peut) sur le sujet théâtral. Dans le respect. Dans la courtoisie. Dans l'intégrité et la sincérité.