jeudi 28 août 2008

Glissements sémantiques

Théâtre grec de Syracuse

Qu'est-ce que le théâtre? Cette question si simple s'avère, finalement, d'une complexité universitaire fort surprenante.

(Denis Guénoun, Le Théâtre, le Peuple, la Passion, Solitaires intempestifs, Besançon, 2006, p. 109-111.):

Il me paraît nécessaire d'interroger notre étrange familiarité avec [«le théâtre»]. Et de s'étonner que, lorsque nous disons «le théâtre», nous ayons le sentiment d'un objet clairement repéré, croyant à peu près savoir de quoi nous parlons. Or, cette assurance peut être perturbée par quelques constats qui m'arrêtent depuis assez longtemps. Et d'abord, celui-ci: que les Grecs classiques ne semblent pas disposer d'un mot pour désigner ce que nous appelons «le théâtre».

[...] Les Grecs de l'époque classique (...) paraissent manquer d'un vocable commun, unifiant, permettant d'inclure ce que nous englobons sous ce terme. Ils parlent de la tragédie, de la comédie, et quand il s'agit de l'une et de l'autre ensemble, ils écrivent souvent: la tragédie et la comédie. C'est le cas de Platon, ou d'Aristote - qui pourtant nous servent d'introducteurs à peu près inévitables dès qu'il s'agit de penser «le théâtre».

[...] Les Grecs disposent pourtant d'un mot qu'ils attribuent aux différentes sortes du théâtre: «le drame»... d'où le dénominateur dramatique toujours employé de nos jours: texte dramatique, art dramatique, etc.

Intéressant, non?
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Dans la Grèce antique (donc étymologiquement), theatrôn signifie lieu d'où l'on regarde. Ça ne concerne donc que l'espace public, l'espace citoyen.

Avec notre contemporanéité postmoderne, selon Castelluci, le théâtre n'est plus le lieu où l'on regarde mais bien le lieu où l'on montre.

C'est en quelque sorte un glissement du théâtre de l'auteur, de l'acteur (de la vedette), de la performance, du spectateur vers un théâtre de l'artiste, du metteur en scène, de l'image.