jeudi 4 septembre 2008

Relique théâtrale

© Angelini / Collections Comédie-Française
Le fauteuil de Molière exposé dans le foyer du public.
Bois recouvert de peau noire, dossier mobile, pieds à roulettes.
Milieu du XVIIème s., 123 x 68 x 82 cm

Ce fauteuil est peut-être l'une des choses que j'aimerais avoir vu dans ma vie... pour l'homme, le symbole, l'histoire, l'ancrage dans un passé qui nous appartient aussi... après tout, à l'époque de Molière, Québec fêtait à peine son soixantième anniversaire et ses habitants étaient encore des colons français...

Sylvie Chevalley
in Revue de la Comédie-Française,
n°1 (septembre 1971), p. 25-26

Tous les spectateurs de la Comédie-Française ont remarqué, à droite de la grande cheminée du Foyer public, un vieux fauteuil protégé par une cage de verre. Ce vénérable meuble a une longue, glorieuse et pathétique histoire.

Le 10 février 1673, Molière, gravement souffrant, avait créé sur son Théâtre du Palais-Royal une joyeuse comédie dont le titre était un défi personnel à la mort: le Malade imaginaire. Au lever du rideau, Molière-Argan, maquillé d'un teint de santé florissante, était installé dans un grand fauteuil, en robe de chambre et bonnet, plongé dans l'examen du mémoire de son apothicaire. Une semaine plus tard, le 17 février, au cours de la dernière scène, Molière était pris d'un crachement de sang. II ne survécut que quelques heures. Lorsque la comédie du Malade imaginaire fut reprise, le 3 mars, le fauteuil de Molière accueillit le nouvel Argan, La Thorillière.

Puis s'y assirent tour à tour Rosimond, Guérin, Raisin cadet, Duchemin, Bonneval, Des Essarts... Dans l'intervalle des représentations, le fauteuil était déposé dans la salle d'assemblée des Comédiens. C'était le siège d'honneur, réservé au comédien le plus éminent de la troupe. II figura en scène lors de l'inauguration du théâ­tre des Comédiens français au Faubourg St-Germain (l'actuel Théâtre National de l'Odéon), le 12 avril 1782. Dans un à-propos de La Harpe, Molière à la Nouvelle Salle ou les Audiences de Thalie, Melpomène, pour prouver à Molière la vénération des Comédiens, lui déclarait :

Ils ont, comme un riche héritage,
Gardé jusqu'au Fauteuil où vous étiez assis ;
Contre le temps et son outrage
Ils en défendent les débris.

Et Thalie ajoutait :

C'est dommage qu'il soit vacant !
La gloire d'y siéger ne serait pas vulgaire.
Mais depuis bien longtemps, et c'est mon désespoir,
Je n'y vois personne s'asseoir
Que le malade imaginaire !

Le fauteuil prenait peu à peu une valeur symbolique, mais il continuait à remplir son emploi de fauteuil de théâtre, et même dans d'autres pièces que le Malade imaginaire. Lorsque la tragédie de Charles IX, de Marie-Joseph Chénier, fut reprise le 8 janvier 1799 au Théâtre de la République (qui occupait alors le monument actuel de la Comédie-Française), le tapissier de l'Odéon prêta, entre autres meubles, « un mauvais fauteuil en basane noire, dit de Molière » (ces trois derniers mots, rayés, sont remplacés par « qui a appartenu à Molière »). Le 18 mars, l'Odéon brûlait. Le fauteuil n'avait pas été restitué par le Théâtre de la République et c'est grâce à cette négligence administrative qu'il échappa à la destruction. II figure sur l'inventaire du Théâtre de la République, le 17 avril 1799, puis, seize ans plus tard, sur l'inventaire de la Comédie-Française à la date du 13 juillet 1815, dans la section «Mobilier et accessoires pour le service du théâtre » : « Un fauteuil de Molière, à crémaillère et couvert en peau noire... Pour mémoire, parce qu'il n'a pas de prix ».

Ce meuble révéré continuait cependant à jouer et le Malade imaginaire était joué souvent ! Sa « peau noire » perdait sa coloration et s'écaillait dangereusement. L'administrateur Emile Perrin, en 1879, s'en inquiéta et répondit au souhait exprimé par l'archiviste Georges Monval, fervent moliériste : un « sosie » du grand fauteuil Louis XIII fut livré aux Argan modernes. Le fauteuil de Molière prit ses invalides, glorieusement, et devint relique. II ne parait plus dorénavant sur scène qu'au jour anniversaire de la naissance de Molière, le 15 janvier.

Le requin et l'homme grenouille à la moto

Petit spectacle de théâtre miniature... le contenu est un peu simpliste mais la forme et les effets sont intéressants.