mercredi 17 septembre 2008

Le pouvoir de création rime-t-il avec liberté?

Eugène Delacroix, La Liberté guidant le peuple, 1830
Huile sur toile 260 cm x 325 cm

Les coupures fédérales - et les récriminations des artistes et artisans sur la place publique - sont la source d'une vague d'opinion assez généralisée venant de la population: les artistes sont des enfants gâtés qui se permettent des voyages sur le bras des contribuables, qui gaspillent l'argent public pour des oeuvres qui ne sont ni compréhensibles, ni accessibles, ni jolies, qui n'ont qu'à faire comme tout le monde et travailler. Du moins, c'est ce qu'on peut lire ad nauseam dans sur les blogues journalistiques (voir celui-ci du Quotidien), dans les lettres ouvertes et les billets d'opinions (voir celui de Richard Martineau).

C'est assez désolant... et c'est nier aussi un fait indéniable: les montants accordés à chaque artiste et organisme ne sont pas dû au hasard - et encore moins sont-ils une manne tombée du ciel! Ils sont étudiés, validés par un jury de pairs. C'est un processus long (qui, de la demande de subvention à la réponse, peut s'étaler sur plusieurs mois) et complexe (pour la dite demande de subvention même) qui s'appuie sur une démarche artistique soutenue, un projet cohérent et original, des objectifs précis, un montage financier sans faille, un nom et, oui, un barème de statistiques parfois contraignantes (parlez-en aux Têtes Heureuses pour qui se dernier point fut un écueil imparable au cours de leur dernière évaluation!).

Les artistes et organismes deviennent, en quelques sortes, une micro-entreprise qui, bien que subventionnée (parfois!) par les gouvernements, n'en demeure pas moins une structure encadrée (et transparente) par un projet déjà fixé à l'avance, qui fournit de l'emploi à des concepteurs, des techniciens, des comédiens, des diffuseurs, etc. L'argent reçu n'est pas un cadeau, mais bien un outil de création... et participe à l'économie de marché. Outil qui souvent, malheureusement, entrave pourtant le travail:

La société a changé. Elle a profondément modifié son système de fonctionnement en s'appuyant sur la seule économie de marché comme référent. Avoir le pouvoir artistique impose désormais des exigences de bonne gouvernance, donc de gestion financière, ainsi qu'une justification de l'utilisation des fonds alloués. Ce qui est tout à fait normal, mais l'économie de marché attend d'autres résultats que ceux non-quantifiables, de l'éducation des populations, de l'avancée de la pensée, du plaisir de côtoyer une oeuvre d'art. Elle préfère s'atteler à soutenir les loisirs rémunérateurs, calculer la quantité de personnes touchées, et elle s'appuie sur des critères commerciaux de marketing et d'images dont les gens de culture sont bien loin.
(François Campana, Pouvoir de création ou pouvoir de production)

Le pouvoir de création que revendique les artistes et les organismes subventionnés n'est pas carte blanche... C'est une liberté qui se gagne et qui se mérite...

En retard... empêtré dans mes fils!


Bon... je suis en retard, je sais... je n'ai pas encore enfilé les parfaits habits du festivalier amoureux de la puppet! Ils sont sur mon lit et attendent... Mon horaire ne me l'a pas encore permis (ni l'argent... mais ça, c'est une autre histoire!), mais je compte bien me reprendre dans les jours qui suivent! Si vous voyez de bons trucs, faites-le moi savoir!

Un comédien errant... ?

Claude Gillot (1673-1722)
Quatre études de costumes de la Commedia dell'arte
avec une esquisse du troisième
Plume et encre noire, lavis - 15,2 x 20,1 cm
Genève, collection Jean Bonna

Glané dans Arts du spectacle, métiers et industries culturelles, essai publié sous la direction conjointe de Laurent Creton, Michael Palmer et Jean-Pierre Sarrazac, aux Presses Sorbonnes Nouvelles en 2005.

L'extrait qui suit concerne nommément les comédiens/interprètes... mais peut fort bien s'adapter à tous les artisans "indépendants" de la scène: Dans le monde du spectacle, l'absence d'intégration de l'immense majorité des artistes interprètes dans des organisations stables conduit à s'interroger sur les mécanismes régulateurs d'un système de production artistique structuré par des interdépendances éphémères. Si, pour les comédies qui, au gré des engagements, contractent avec de multiples employeurs, l'activité ne se situe en effet pas au sein d'une unique forme, elle ne s'apparente pas non plus à des tribulations errantes sur un marché atomisé de transactions anonymes et non-répétées, mais à l'intersection des deux: les comédiens qui réussissent sont des bâtisseurs de réseaux professionnels qui accumulent les engagements en gérant la multiplicité de leurs liens avec les metteurs en scène et les professionnels.
(Pierre-Michel Menger, p.103)