vendredi 17 octobre 2008

Autour du quatrième créateur


Théâtre pointu, conceptuel, hermétique, pour initiés, pas assez populaire, universitaire, etc.

Je suis de ceux qui croient en l'intelligence du spectateur, en sa capacité de compréhension, d'assimilation des concepts, d'intégration des conventions lors d'une représentation.

L'art n'a pas pour but (du moins je l'espère!) d'abrutir mais plutôt d'élever les âmes.

Il faut savoir faire confiance à cette intelligence - qualifiée de quatrième créateur (après l'auteur, le metteur en scène et l'acteur) par Meyerhold - se méfier du nivellement par le bas dans le but d'atteindre la plus grande masse (il faut aussi, d'ailleurs, savoir éviter le piège de l'hermétisme gratuit...). Le spectateur moyen mérite de se faire considérer comme un interlocuteur ouvert et réceptif. C'est donc à une intelligence développée qu'il faut se référer. Une intelligence collective qui sait suivre, lorsque le projet est sincère et intègre, plusieurs voies. Peut-être est-ce exigeant, je l'admets... mais je crois aussi qu'une telle exigence est un signe de respect envers les spectateurs.

Que tous ne comprennent pas la même chose, mais que chacun comprenne quelque chose... Tel est ce qui importe le plus au théâtre, disait (et dit encore!) Daniel Mesguish. La réception théâtrale peut être quelque chose d'infiniment subjectif et c'est tant mieux. À trop chercher la pensée unique, à trop insister pour imposer une vision, il est risqué de passer à côté de la magie du théâtre, de sa force comme créateur de sens et d'images.

Après le spectacle, il reviendra au spectateur le loisir de réfléchir, de questionner, de (re-)faire sens... et ainsi aussi grandira le théâtre.

Peut-être, qu'à la toute fin, il n'aimera pas... et c'est son droit.

Les merveilles du théâtre médiéval

Il fut un temps où le théâtre simplifiait (!) les changements de décors et de lieux en juxtaposant, les unes aux côtés des autres, des scènes autonomes, des mansions, qui représentaient chacune un de ces lieux... Et comme il s'agissait à l'époque de mystères (ou mistères), à caractère religieux, cette suite de constructions était encadrée par le Paradis à une extrémité et par l'Enfer à l'autre, comme sur ces photos (très connues de quiconque a lu sur l'histoire du théâtre) qui sont devenues le modèle de ce type de spectacle.

Mystère de la Passion
(Valenciennes - 1547)
, miniature d'H. Cailleaux
Des scènes se déroulent simultanément dans (ou devant) telles mansions : tous les spectateurs sont comblés, mais certainement aux dépens de la rigueur du spectacle. Rien à voir, à vrai dire, avec une soirée théâtrale moderne... Dès qu'un peu d'ennui s'installe, on fait donner les Diables ! A chaque fois horrifiques et hilarants, ils sont censés faire tantôt peur, tantôt rire.


La Passion et la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ
(Valenciennes - 1547), miniature de H. Cailleau

Nous ne pouvons pas nous fier à ce document pour l'organisation des mansions. Cependant, la présence de personnages réels ou imaginaires donne une bonne idée de la mise en scène simultanée et de la façon dont les acteurs qui ne sont plus "en jeu" restent cependant présents sur scène, parfois en liaison directe avec une mansion (maison). On constate que certaines mansions peuvent être praticables et servent concrètement au jeu des acteurs, au moins le temps de la localisation de ceux-ci. Dieu le Père, ici figuré dans le ciel (à l'extrême gauche), est néanmoins un personnage du drame.
Le mystère durait de 6 à 25 jours, autour de Noël, de Pâques et aussi de la Pentecôte. Pour incarner les quelques 200 personnages (parfois 500), une centaine d'acteurs est nécessaire. sans compter les figurants. Aucune unité de lieu, de temps ou d'action. On parcourt allègrement les années ou les siècles. De même que le drame liturgique reflétait l'Art Roman, de même le Mystère reflète l'Art Gothique : surchargé, bourgeonnant dans tous les sens.