vendredi 7 novembre 2008

Pas moi... À qui? Pourquoi?


Le théâtre est parfois difficile... et c'est dans un contexte de première avec une majorité de spectateurs absents (ou une minorité de spectateurs présents...) que j'ai assisté à Pas moi, qui met en scène une femme seule qui parle. À qui? Pour quoi? Je me pose encore la question.

Le Collectif Texentrique, piloté par Frédéric Moreau, a choisi, avec cette production, d'aborder le thème de la non-communication avec, pour but avoué, de mettre ce problème en évidence. Le défi est de taille... et le résultat en souffre peut-être lui-même: la communication entre la salle et la scène est un peu laborieuse. Le collectif semble s'être perdu dans les idées en s'écartant de la fable (ou plutôt des fables) du texte composé...
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En première partie, un texte de Guitry, Je sais que tu es dans la salle... dans une adaptation québécoise (du moins, en partie) qui éteint peut-être un peu de ce qui est appelé l'«esprit parisien» caractéristique à cet auteur.

Elle parle à son petit ami de qui elle s'est séparée le matin même. Il est là. Elle se demande pourquoi, elle se torture. C'est décidément la partie la plus étrange. Monologue ou soliloque? La comédienne parle à quelqu'un, parle de quelqu'un, regarde nulle part, et bouge beaucoup... dans un contexte d'énonciation qui n'est pas très clair. Que se passe-t-il exactement? Difficile à cerner. Pourquoi ce personnage est-il comédienne? Quel est l'état d'esprit de cette femme? Que signifie-t-elle à son ancien amant?

En écoutant pourtant ce texte, on ne peut pas ne pas entendre la voix de Guitry (d'accord, la situation veut que je sois rompu à ce style). C'est un texte dur, porté par un souffle verbeux et ironique, un texte brillant. Le jeu de l'amour, de l'être et du paraître, de la valse attaque/remords. Le discours s'embrouille malheureusement dans une suite de mots un peu lancinants et la mise en scène, chorégraphico-gestuelle, ne donne aucun repère à lequel s'accrocher.
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Arrive ensuite la partie principale, si je puis m'exprimer ainsi.

Avec Pas moi, de Samuel Beckett, on plonge dans un univers textuel particulier, où rien n'est donné au spectateur. De plus, le travail vocal effectué crée une certaine monotonie qui dilue la ligne de ces paroles hoquetées: l'histoire - apparemment de prostitution, de viol, d'enfantement probable - demeure enfouie sous l'exécution scénique.

Si le collage entre les deux écritures est ambigu, le lien entre les langages - vocal et gestuel - se veut beaucoup plus intéressant. Le canevas est solide et cette esquisse participe définitivement à l'articulation de la scène et réussit même parfois à donner de véritables moments dramatiques. Le texte est partition et la partition est jouée et dansée. Une fluidité s'installe, même si elle reste monolithique, sans aucune faille pour permettre au spectateur de suivre les aléas de cette parole ininterrompue.
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Ce spectacle (d'une heure) est aride, peut-être. Difficile, comme je le disais en début de billet. Et exige du spectateur une attention qui devient ardue à maintenir. Cependant, ne serait-ce que pour le travail de Marie-Ève Gravel (et, par conséquent, celui de diretion d'acteur de Moreau), il vaut le détour. Elle est d'une rigueur fascinante, d'une précision quasi-chirurgicale. Elle réussi, malgré la confusion du spectateur, à faire respirer la scène, à la dompter, à créer l'intérêt. Le problème de ce spectacle ne relève pas d'elle directement, mais plus de la conception générale: c'est la performativité au détriment de la théâtralité.

Car au point de vue esthétique, la sobriété est de mise: une scène étroite portant un banc (ou une table basse); quelques lampes accrochées au plafond - salle Murdock oblige! - procurent un éclairage plus utilitaire que sémiologique.

Pas moi demeure, malgré tout, un type de théâtre que j'apprécie beaucoup (d'où peut-être mon intérêt et mon plaisir d'en parler), même s'il me questionne plus qu'il me réjouisse. Le Collectif Texentrique est ambitieux (même si l'équipe peut encore s'améliorer), explore des voies difficiles et mérite qu'on s'y attarde.

Présenté à la Salle Murdock
les 7, 8, 21 et 22 novembre 2008, à 20h30
de même que les 9 et 22 novembre 2008, à 15h30