vendredi 13 mars 2009

Image de contemporanéité


Le théâtre contemporain doit-il nécessairement être post-dramatique? Bon... quelques mots sur ce concept de Lehmann qui n'obtient pas l'unanimité:

Le théâtre post-dramatique, au lieu de représenter une histoire avec des personnages qui apparaissent et disparaissent en fonction de la psychologie de la narration, combine des styles disparates, fragmentaires. Il s'inscrit dans une dynamique de la transgression des genres.
(LEHMAN Hans Thuies, Le Théâtre Post-dramatique, L'arche, Paris, 2001)

Ce théâtre post-post-moderne en est un de présence, d'énergie, d'interdisciplinarité. C'est le règne de la recherche, de la performance sur scène... C'est, pour beaucoup, LE théâtre du XXIième siècle. Fi donc des textes (dits dramatiques) des conventions, des règles dramatiques, de la représentation telle qu'elle est codifiée depuis des millénaires.

Alors, le théâtre contemporain doit-il nécessairement être post-dramatique? Personnellement, je crois que non. Il peut encore (et mon dogmatisme ambiant me ferait dire «doit encore!») s'ancrer dans la théâtralité dramatique sans pour autant devenir archéologique! Le théâtre conventionnel - tout aussi performatif soit-il! - a encore un rôle à jouer et peut-être est-il, au fond, le véritable gardien de cet art éphémère...

Pourquoi notre langue est-elle celle «de Molière»


Je suis entrain de lire un livre (puisque je suis désormais membre de la Bibliothèque municipale de Chicoutimi... après 12 ans!) fort intéressant: Molière et le roi, l'affaire Tartuffe (ed. du Seuil, Paris, 2007) écrit sous forme de dialogues entre François Rey, moliériste intrépide (et aussi metteur en scène?) et Jean Lacouture, écrivain et biographe internationalement reconnu... selon la quatrième de couverture...

Dans le prologue, les deux hommes font un tour d'horizon de l'auteur dont le nom imagera la langue française, et s'arrête sur les raisons possibles de ce surnom qui a quasi relégué aux oubliettes Jean-Baptiste Poquelin...

[...] F.R.: Certains comédiens non nobles (car il y en avait aussi beaucoup d'autehntique noblesse) ajoutaient à leur patronyme bourgeaois un nom aux allures de fief qui leur servait de nom de scène. On trouve ainsi, parmi les fondateurs de l'Illustre-Théâtre, Joseph Béjart sieur de la Broderie, Germain Clérin sieur de Villabé et Georges Pinel dit La Couture. [...] D'autes sont plus célèbres: Bellerose, Montfleury, Montdory, Floridor, du Parc... Ce pourrait être le cas de «Molière», qui est le nom de beaucoup de villages ou lieux-dits situés à proximité d'une «carrière à pierre dure d'où on tire les meules de moulin» (nda: dictionnaire de Furetière, article
molière). Bien des hypothèses ont été émises pour expliquer le choix de ce pseudonyme, dont celle que je crois être la bonne, mais à laquelle peu d'historiens se sont arrêtés, par une étrange indifférence à la signification possible d'un tel choix.

En 1644, l'année même où le jeune Poquelin signe pour la première fois, semble-t-il, «De Molière», deux des principaux libraires de Paris mettent en vente une nouvelle édition (la quatrième édition depuis 1623) d'un roman-fleuve dans le goût de
L'Astrée, publié chaque fois sous le même titre: La Polyxène de Molière. On y trouve un prince Alceste, d'une jalousie morbide, un Philinte, un fleuve Oronte, et cette Polyxène à qui la «spirituelle» Magdelon des Précieuses ridicules empruntera son nom.

L'auteur, François de Molière, sieur d'Essertines, est mort vingt ans plus tôt exactement, assassiné à l'âge de vongt-quatre ans. Poète, romancier, traducteur, épistolier, son style, d'une grande beauté, est donné en modèle dans les recueils de lettres qui fleurissent à l'époque. [...] Dans ses
Mémoires posthumes, le père Garasse appelle Molière d'Essertines «un vrai diable incarné, tant il avançait de propositions contre la sacrée humanité de Jéss-Christ». Trente ans plus tard, un autre prêtre fanatique dénoncera dans l'auteur du Tartuffe «un démon vêtu de chair et habillé en homme». [...]

J.L.: Il est curieux que le jeune Poquelin, qui va se faire comédien de campagne, se mette à l'enseigne d'un romancier-essayiste plutôt que d'un homme de théâtre.

F.R.: C'est un des paradoxes du personnage, modèle de tous les comédiens français, que sa vie professionnelle ait été entièrement vouée au théâtre, alors que ses amitiés, ses attachements, ses goûts, ses intérêts intellectuels, pour ce qu'on en sait, le portaient vers les salons et les compagnies savantes, vers des poètes, des traducteurs, des philosophes, des médecins, des physiciens, des voyageurs...

Voilà... Si j'écris dans la langue «de Molière», je le dois, en quelques sortes, à un aujourd'hui obscur auteur du début du XVIIième siècle.