lundi 19 octobre 2009

Quand il est question d'UBU

Esquisses de costumes pour une production de UBU,
par David Hockney (1966), MoMA (New York)


J'arrive tout juste de la conférence de presse tenue par Les Têtes Heureuses pour présenter leur très prochaine production, Ubu Roi d'Alfred Jarry et leur(s) autre(s) activité(s) pour l'année.

Un Ubu Roi contemporain... personnifié par Christian Ouellet... et, par conséquent, à l'opposé de l'imagerie populaire qui fait de ce personnage un grotesque pantin. Une mère Ubu sous les traits de Martin Giguère (un travestissement cher aux Têtes Heureuses), trois autres comédiens et un choeur de cinq étudiants avancés en théâtre (bien qu'indiqué dans leur mission, ce volet académique fait toujours l'objet d'un débat et nuit bel et bien à la compagnie....). Un espace comme le metteur en scène les aime: dépouillé, central, et intégré dans l'architecture du Petit Théâtre.

Pourquoi monter Ubu Roi de no jours (la pièce a été écrite en 1888 et créée en 1896)? Cette pièce, étrange, comme le dit le directeur artistique, met en scène le modèle le plus répandu du pouvoir au XXième siècle. Ubu c'est bien sûr Staline, Hitler, Mao, Ceausescu, et sa Pologne imaginaire le Rwanda ou le Cambodge. Mais plus contemporain, c'est un président Poutine, plus modeste un premier ministre Tim Horton, plus proche un maire sans opposition. Et plus proche encore, c'est chacun de nous: «Monsieur Ubu est un être ignoble, ce pourquoi il nous ressemble (par en bas) à tous» (Jarry).

Un peu plus (bien que le choix de la pièce ait été influencé par le contexte actuel d'élections à répétitions au niveau fédéral, provincial et par les élections municipales), et ce spectacle deviendra un manifeste clamant haut et fort l'utilité du théâtre et son pouvoir de changer les choses... à tout le moins, sa capacité de donner conscience à ses spectateurs.

____________________________

Pour des raisons qui me dépassent quelque peu et par un chronique manque de temps, c'est la première fois, depuis de nombreuses années, que je ne suis pas directement impliqué dans un de leur projet... Comme tout passe...

Des pleurs et des pleutres


À lire... l'édito de Daniel Côté dans le Progrès-Dimanche dans lequel il se demande où sont les artistes, leurs prises de position, dans la campagne municipale (et tous les autres événements électifs)... notamment après la sortie de Pierre Demers de la semaine dernière et sa vente de poupées vaudou à l'effigie de notre bon Maire.

Si je me souviens bien, ce n'est pas la première fois que Côté écrit ce genre de choses, exprime un besoin de voir le milieu culturel en action...

L'ART DE SE TAIRE

[...] Cela étant dit [nda: petit historique des manifestations culturelles versus le pouvoir dans le monde et dans le temps], on doit constater que l'une des qualités prêtées aux artistes, le goût de la transgression, fait défaut à Saguenay. Ce ne serait pas si grave si ce silence quai absolu reflétait un profond acquiescement aux vues de l'administration Tremblay.

Or, comme la signalé Pierre Demers dans les pages du Quotidien, mercredi, les créateurs comme les institutions chargées d'animer la vie culturelle sont loin d'adhérer aux politiques du maire. Ce serait plutôt le contraire. [...]

Pierre Demers attribue ce décalage entre le discours privé et le non-discours public à la crainte de perdre des subventions. C'est sans doute vrai dans une certaine mesure, mais comment interpréter le silence de ceux qui ne reçoivent rien de la ville, ou qui sont trop pauvres pour faire l'objet d'hypothétiques représailles (après tout, que peut-on enlever à quelqu'un qui n'a rien?)?

Serait-ce que les artistes sont plus peureux qu'avant? Ou qu'ils ont moins le réflexe collectif? Peut-être aussi qu'ils sont devenus défaitistes, qu'ils croient la société figée à l'os et préfèrent se cantonner dans leur pratique personnelle. Si tel est le cas, la perte est autant pour eux que pour nous.

Et vlan.