vendredi 20 août 2010

Petite analyse sur les réactions post-représentation...


Au cours de mes pérégrinations bruxelloises, j'ai trouvé, dans une bouquinerie, un petit ouvrage paru en 2009 aux Éditions Stock. Il s'agit du Petit lexique amoureux du théâtre de Philippe Torreton, un sociétaire de la Comédie-Française.

Avec un humour parfois décapant (mais souvent très juste...), il décrit, à partir de son expérience (à laquelle il est si facile de s'identifier!) en une succession de mot ce qu'est le théâtre, ce qu'est être comédien, la beauté de l'art... mais surtout, ses travers!

Voici un exemple qui aurait pu être écrit par plusieurs d'entre nous:

B comme Bravo: Petit mot au sens très variable, il s'utilise après le spectacle lorsqu'on est contraint, par amitié ou mondanité, par curiosité ou par hasard, à aller saluer l'acteur dans son antre humide. Il peut aussi servir en toutes circonstances, c'est une question de ton et d'attitude.

Quelques exemples.

Lorsqu'on dit bravo en souriant mou et d'une main flasque, en ayant tout d'un coup une pensée émue pour la baby-sitter qu'il faut libérer, c'est que l'on pense: «Ton spectacle était d'un ennui mortel. On est montés parce que tu savais qu'on était là mais on rentre direct continuer de dormir à la maison.»

Si l'on dit bravo sur un ton neutre en interrogeant tout de suite après l'acteur sur la décoration de sa loge ou la chaleur qu'il faisait dans la salle, c'est que l'on pense: «Ce spectacle ne sert pas à grand-chose. Toi tu es comme d'hab. On s'est pas fait chier mais c'est tout juste.»

Lorsqu'on dit bravo en ouvrant les bras et en exagérant beaucoup le «a» et le «o» comme si l'on était M. Jourdain, les yeux ronds, parlant du spectacle avec entrain mais aussi, et malheureusement, avec cet air étonné sur notre face trahissant une sincère mais agaçante surprise, c'est que l'on pensait vraiment s'ennuyer ferme, qu'on y allait à reculons, que les avis récoltés pendant la semaine étaient médiocres, mais que ce n'était pas le cas et donc: «Merci, Seigneur!»

Si notre bravo a un air entendu, la bouche bien fermée et sérieuse légèrement courbée, les yeux s'y mettant aussi dans le plissement intelligent, la tête venant se balancer comme celles des petits chiens des plages arrière de voitures, dans l'espoir que tout cela créera une subtile mais soudaine complicité avec l'acteur, pour lui prouver que, comme lui, on a trouvé cette vision de la pièce intéressante. C'est qu'on n'a pas tout bien saisi, voire même qu'on n'a rien compris du tout.

Lorsque vous dites bravo et puis c'est tout, vos pieds agiles vous poussant vers la sortie ou le mouvement de la foule vous incitant à vous éloigner de la main que vous venez de serrer ou du regard par au-dessus que vous venez de faire alors qu'il n'y a personne dans le couloir, c'est que vous n'avez rien à dire ni sur l'acteur ni sur le spectacle.

Mais, parfois, ce petit mot d'origine italienne retrouve son vrai sens, ce pour quoi Vulcain l'a forgé. Il rime alors avec la beauté et l'excellence au sens le plus plein, le plus rayonnant du terme. Et l'acteur le sait car vos yeux sont encore pleins d'écume du spectacle. Et même si rien d'autre ne sort de votre bouche par timidité ou inertie, ou tout simplement parce que celui qui squattait la loge avant vous parlait fort, avait une tête connue, sentait bon, et savait trouver les mots, ce n'est pas grave, car quand on aime cela se voit et la réciproque est cruellement vraie...


Qui ne se reconnaît pas dans l'une ou l'autre de ses descriptions?