lundi 30 août 2010

La sacro-sainte voix de l'auteur...

Sam Shepard, il y a quelques années...

Pour illustrer ce que d'aucuns nomment la voix de l'auteur (et qui parfois, lui vouent un respect tel qu'il s'apparente à un culte radical), voici un extrait d'une lettre* écrite par Sam Shepard, dramaturge américain - et acteur -, à Richard Schechner, metteur en scène, à propos de la mise en scène de son texte, The Tooth of Crime, par ce dernier en 1973:

Je vois, d'après les critiques, les témoignages d'amis qui ont vu la pièce et les écrits que vous avez publiés [...] que le spectacle est très éloigné de ce que j'avais en tête. Mais je n'ai jamais imaginé qu'il en serait autrement et je ne vois pas pourquoi vous devriez vous attendre à ce que je change ma manière de voir la pièce [...].

J'ai toujours été ouvert à toutes sortes de mises en scène de mes pièces dans l'espoir qu'un jour on les fasse vivre de la manière que j'envisage. Parmi ces centaines de mises en scène, j'en ai vu peut-être cinq qui fonctionnaient [...]. Pour moi, une pièce est écrite parce qu'un écrivain reçoit une vision qui ne peut être traduite autrement qu'à travers une pièce. Pas à travers un roman, un poème, une nouvelle ou un film, mais une pièce. Je crois que lorsque quelqu'un décide de monter cette pièce, c'est parce qu'il est attiré par cette vision. Si ma supposition est vraie, il me semble qu'il faut alors respecter la forme dans laquelle s'inscrit cette vision et non se contenter d'extrapoler à partir de sa langue et d'inventer une autre forme qui n'est plus la pièce. C'est peut-être une forme intéressante de théâtre, mais ce n'est pas la pièce et ne le sera jamais [...]. Je suis sûr que si vous essayez de monter d'autres pièces d'auteurs vivants, vous allez vous heurter à la même situation. C'est une question à laquelle vous devriez réfléchir au lieu de la balayer comme si elle était démodée ou même sans importance.

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* tiré de Performances (p. 37) de Richard Schechner