lundi 31 octobre 2011

Un bon Feydeau

Christian Ouellet (Benoît Pinglet) et Mélanie Potvin (Marcelle Paillardin) - Photographie: Geneviève Mercier-Bilodeau



Ai assisté à la représentation d'hier après-midi de L'Hôtel du Libre-échange de Georges Feydeau, la production annuelle des Têtes Heureuses présentée au Petit Théâtre de l'UQAC.

Personnellement, je suis un fan fini de ces vaudevillistes de la seconde moitié du XIXième siècle dont Feydeau est peut-être celui qui a poussé le plus le genre vers sa perfection. Parce que c'est de cela qu'il s'agit: un objet (littéraire) d'une perfection sans faille. Une pièce bien faite (dans ce que l'expression a de plus convaincant: construction rigoureuse et rythmée). Un exercice scénique exigeant tant pour le metteur en scène et que pour les comédiens.

La production des Têtes Heureuses, par tout un jeu de dépouillement esthétique (peu de d'accessoires, pas de véritable scénographie, pas de costumes d'époque, que de l'éclairage efficace qui dynamise l'espace et du son qui emplit tout l'espace) un peu forcé, place ce texte-objet au coeur même du spectacle (et en ce sens, on reconnait là la direction artistique de la compagnie) et laisse les mots surprendre les spectateurs par le ton, la cruauté, la drôlerie proche de l'absurde qui fera les beaux jours du théâtre quelques décennies plus tard.

Un texte féroce. Des enjeux faciles (l'homme qui veut tromper son épouse), des scènes surréalistes (notamment la chicane entre deux époux sur une invitation lancée en l'air... devant l'invité en question), des quiproquos détonants puis une cascade de dénouements . Quand la machine se met en marche, plus rien ne l'arrête... même pas les quelques longueurs qui peuvent surgir sur les deux heures et quinze de péripéties que dure le spectacle.

Parmi toute cette flopée de personnages (tous plus antipathiques les uns que les autres), de belles performances d'acteurs (et des découvertes)... et beaucoup de rires, j'imagine, quand la salle se réchauffe et décide de participer!

Ça finit bien? Ça finit mal? Peu importe... sinon que quelqu'un paie quelque part. Tiens. C'est moderne comme morale.

dimanche 30 octobre 2011

Au théâtre, cette semaine! (du 30 oct. au 5 nov. 2011)


Voici ce qui attend l'amateur de théâtre saguenéen pour la semaine qui débute aujourd'hui... Peut-être y a-t-il autre chose... si c'est le cas, on peut les rajouter via les commentaires.

Dimanche - 30 octobre 2011
Petit Théâtre de l'UQAC, 14h


Dernière représentation de la semaine (enfin, de la première semaine...) de L'Hôtel du Libre-échange de Feydeau, présenté par Les Têtes Heureuses. (Une autre entrée revient plus loin...)

Dimanche - 30 octobre 2011
Théâtre Palace (Arvida), 14h


Diffusion Saguenay reçoit le maître du burlesque québécois, Gilles Latulippe, ses acolytes et leur spectacle Ça bat 4 as!.

Lundi - 31 octobre 2011
Salle Pierrette-Gaudreault, 20h

Avant de partir en petite tournée avec Les Sens, le Théâtre La Rubrique redonne dans leur salle, pour une soirée seulement, cette production présentée à l'hiver dernier réunissant six auteurs venus de la région.

Mercredi à samedi - 2 au 5 novembre 2011
Salle Murdock (Chic.), 20h
SECONDE SEMAINE DE REPRÉSENTATIONS

Le Théâtre C.R.I. s'associe au Théâtre À Bout Portant pour présenter La fuite des choses à partir d'un poème-récit d'Étienne Provencher-Rousseau. Un spectacle de peu de mots sur les codes et les conventions, dans un vaste terrain de jeu qu'est la salle de représentation.

Jeudi - 3 novembre 2011
Auditorium d'Alma, 20h


L'Auditorium d'Alma reçoit la production Bousille et les justes, un grand classique du répertoire québécois (de Gratien Gélinas) mis en scène par Michèle Deslauriers. Je ne sais trop qui produit ce spectacle par contre...

Jeudi à samedi - 3 au 5 novembre 2011
Petit Théâtre (UQAC), 20h
(et aussi dimanche - 6 novembre 2011, 14h)
SECONDE SEMAINE DE REPRÉSENTATIONS

Les Têtes Heureuses présentent L'Hôtel du Libre-Échange de Georges Feydeau. Une pièce sur le désir... et tous les mécanismes mis en place pour le combler: ruses, calculs, manipulations, mensonges, etc.

samedi 29 octobre 2011

«On se casse les noisettes!» [Carnet de mise en scène]


Et c'est parti (enfin presque!) pour la cinquième production de Noël du Théâtre 100 Masques (il y a eu La Noël de Gruntilda, La Noël de Gruntilda II - La Nativité, Le Singulier noël de Mme Weiss - Quand viennent les boules et les grelots et Boules en stock!). Aussitôt que les décorations arrivent sur les tablettes des magasins, nous reprenons nos crayons!

Comme toutes les éditions précédentes, celle de cette année reprendra quelques numéros déjà montés qui seront remis en scène. Du recyclage, quoi...

D'autres s'ajouteront... dont le contexte général du spectacle.

Encore une fois, la formule cabaret, avec un jeu très centré sur les réactions du public, sera privilégié. Et la ligne directrice demeure encore le passage à la moulinette de différentes traditions des Fêtes... encore et toujours sous le couvert de l'ironie, de la causticité, de l'humour noir.

Cette année, donc, le spectacle portera le titre On se casse les noisettes! Après les cantiques (qui reviendront tout de même), le ballet... et tout ce qui peut contrarier le soir du réveillon...

Le canevas a été conçu il y a quelques jours.

Les répétitions débutent mardi qui vient... après l'Halloween... par principe! Celles-ci ont toujours quelque chose de fort stimulant parce que nous partons de rien pour créer chacune des parties. L'écriture textuelle se conjugue donc en même temps que l'écriture scénique, laissant, du coup, une très large part aux propositions des comédiens. Le plus surprenant est que cette extrême liberté peut quand même devenir castrante et contraignante...

L'édition de 2011, avec, je l'espère, son lot habituel de fous rires, de chocolat chaud et de biscuits, pourra compter avec des vétérans Marilyne Renaud (qui en sera à sa quatrième participation déjà), Mélanie Potvin et Marc-André Perrier (qui l'ont fait chacun deux fois) et deux nouveaux venus dans le genre, Frédéric Jean et Marie-Noëlle Lapointe. Sophie Larouche partagera avec moi la mise en scène pour des raisons d'ordre techniques (je pars...) et artistiques (redonner un nouvel élan).

Petite forme qui ferme la saison, ce spectacle demeure, année après année, un fort bon exercice pour les participants: susciter les rires sans trop en faire, sans cabotiner; être capable de juger de la situation et d'improviser; dialoguer avec la salle et ses spectateurs; faire abnégation de ses gênes et se lancer avec entièreté dans le côté irrévérencieux de la chose.

vendredi 28 octobre 2011

Un jeu du passé...



J'adore les descriptions romancées des grands acteurs (particulièrement les acteurs français...) du XIXième siècle, de ces monstres du théâtre qui faisaient courir les foules et qui brûlaient la scène si non de leur talent, sûrement de leur ego et de leur prestance acquise par la célébrité.

Hernani au Français - Mounet-Sully se donne à chaque instant cinq ou six xoups de poing à la poitrine et, sentant qu'il n'y a pas le compte, s'en donne encore deux ou trois. Il pousse des cris de phoques, ouvre une bouche de tube digestif, retrousse les narines jusqu'à l'oeil qui est d'un blanc d'oeuf effrayant. On ne l'entend pas, ou bien il hurle, mais il y a, en tout, une cinquantaine de vers qu'il dit comme un dieu.

Celle-ci, concernant Mounet-Sully (qui sacrifie manifestement le rendu du texte à l'effet scénique), est de Jules Renard, dans son journal, en date du 4 décembre 1900. 

Je serais bien curieux de voir ce que donnait des cris de phoque dans une bouche de tube digestif... Ah. Tiens. Coïncidence. Voici un petit vidéo trouvé sur Youtube qui reprendra, en présentant le terrible acteur, la description mentionnée plus haut...

jeudi 27 octobre 2011

Et encore une!


Nouveau soir... et nouvelle production qui débute! Et c'est maintenant au tour des Têtes Heureuses de montrer ce dont elles sont capables en présentant L'Hôtel du Libre-Échange de Georges Feydeau.

À toute l'équipe,


Rodrigue Villeneuve, Hélène Bergeron, Chantale Boulianne, Alexandre Nadeau, Patrice Leblanc, Patrick Simard, Martin Giguère, Christian Ouellet, Lucille Perron, Mélanie Potvin, Sophie Larouche, Eric Renald, Julie Bernier, Simon Allard, Valérie Essiambre, Cynthia Bouchard, Priscilla McLeod
et tous les autres qui graviteront autour de ce spectacle,

MERDE!
 
de même qu'à Carol Dallaire qui s'installe dans le hall du Pavillon des Arts pour une exposition en parallèle à cette production, Hôtel Terminus:



mercredi 26 octobre 2011

L'acteur meyerholdien...

Je m'occupe, ces temps-ci, à faire une synthèse de la pensée meyerholdienne... notamment en ce qui  a trait au rapport à l'acteur. Qu'on se rassure, je ne fais pas ça par simple loisir mais plutôt dans le cadre de mes recherches pour le doctorat...

Eraste Garine (Klesthakov) et Zinaïda Raikh (Anna Andreïvna) pendant Le Revizor de Gogol, en 1926

L'acteur meyerhodien a donc une conscience très grande de lui-même dans son rapport à l'espace, à son partenaire, à l'objet. Cette grande conscience se conjugue avec un contrôle aigu de son corps (d'où les exercices de biomécanique). Son travail se construit non pas sur le personnage, mais plutôt sur ses actions de comédien.

Ces deux éléments (rapport à l'espace et contrôle) sont essentiels pour qu'ils puissent agir en scène tout en maîtrisant le temps scénique (j'ai lu une formule à ce sujet: le jeu d'acteur, c'est essentiellement son duel avec le temps), le rythme.

Quand toutes ces notions sont acquises et mises à profit, un cadre est fixé... et à partir de là, l'acteur peut devenir improvisateur. Parce que oui, malgré l'impression donnée (que le metteur en scène est tout puissant), l'acteur reste, en quelque sorte, metteur en scène de lui-même.

Je profite de l'occasion pour remettre ici une vidéo de ce Revizor (qui correspond principalement au septième tableau, celui où Klesthaov est ivre... bien qu'il y ait au centre, la présentation d'un tableau   précédent - le troisième je crois - pour présenter les femmes) qui a fait date...

Et d'une autre première!


C'est ce soir que débute la nouvelle production des théâtres C.R.I. et À Bout Portant... La fuite des choses!

À toute l'équipe,


Guylaine Rivard, Vicky Côté, Éric Chalifour, Élaine Juteau, Sonia Robertson, Andrée-Anne Giguère, Serge Potvin, Étienne Provencher-Rousseau
et tous les autres qui tournent autour,


MERDE!

mardi 25 octobre 2011

L'infâmie des comédiens


Dans la catégorie «on vomit allégrement sur le théâtre avec grâce et moult mots» (généralement par les Pères de l'Église ou, comme c'est le cas ici, par des prêtres ou des directeurs de consciences), voici l'impression théâtrale (tirée de ses Réflexions sur le théâtre, qu'on retrouve ici à partir de la page 190) de Bertrand De La Tour... doyen du chapitre de la cathédrale de Mautaban. Est-ce le même que ce franciscain du XIIIième ou XIVième siècle qui illustre ce billet? Je ne sais trop...

LIVRE II, Chapitre V
Infamie civile des comédiens

Tout le monde sais que le métier de comédien est infâme; mais peu de personnes ont une idée juste de l'infamie. C'est une peine portée par les lois en punition de certains crimes, qui rend inhabile à tout. Un infâme devient irrégulier, et ne peut recevoir ni ordre ni bénéfice; il ne peut être pourvu d'aucune charge, il n'est reçu ni accusateur, ni témoin, ni juge, que contre un autre infâme comme lui; il ne peut plaider au barreau, ni être officier dans les armées; on ne peut s'allier avec lui sans se déshonorer, etc. Ce n'est donc pas seulement une diffamation, un mépris public, c'est une tache légale qui opère juridiquement tous ces effets. [...] Telle est l'infamie attachée au métier de comédien, qui ne saurait être plus évidente et plus notoire, puisqu'aux yeux de tout le public il monte habituellement sur le théâtre. [...]

[...] Cette infamie, trop méritée et trop bien justifiée, a fait donner aux comédiens une infinité de noms, et toujours méprisants: histrions, bateleurs, mimes, jongleurs, farceurs, tabarins, trivelins, baladins, arlequins, bouffons, saltimbanques, etc. Ils indiquent à la vérité quelque différence dans le jeu, les pièces, la conduite; une dissolution, une impudence plus ou moins grande excite la sévérité des lois, le zèle des princes et des fidèles. [...] C'est à peu près toujours la même chose: peinture des passions, surtout de l'impureté, pour inspirer et pour plaire; mélange des sexes, femmes indécemment vêtues et parées [...]; gestes, attitudes, chants, danses, conversations dissolues, personnes de mauvaises mœurs, prêtes à tout, ne cherchant qu'à séduire, communément très-séduisantes; mauvaise compagnie, parterre et loges pleines de libertins que le vice y rassemble. [...] Le fond et la forme sont toujours mauvais, et en général le métier et ceux qui le font méritent l'infamie dont la loi les couvre.

Et ce ne sont là que quelques mots glanés dans les dizaines de pages qui suivent... pages éclairantes sur les exemples, les lois précises, les punitions, etc.

Irrévocablement!

De tous temps, les administrateurs de théâtre ont eu des trucs pour attirer les spectateurs... des trucs parfois un peu limite en matière d'honnêteté... mais au fond, ce qui compte, c'est créer l'événement et devenir l'incontournable du jour. Un bon exemple: triturer l'information sur les affiches:


lundi 24 octobre 2011

Un autre schéma...

Voilà. Je continue encore de tenter de définir (en la simplifiant à l'extrême...) une certaine vision du théâtre dont le rapport au corps (par extension, la performativi) serait le lien essentiel pour la construction théâtrale entre le rapport au texte (donc la littérarité) et le rapport à la scène (l'esthétique, la théâtralité).

Entre le mot et le code, deux éléments fixes de la chose dramatique, se retrouve le sens, élément mouvant, soumis à l'interprétation et du metteur en scène, et du comédien.

Cet exercice de schématisation surpasse sa futilité apparente en tentant de montrer, le plus clairement possible (mais peut-on être vraiment clair?), une idée.

Comme le schéma suivant qui pourrait permettre de situer une représentation théâtrale selon les deux principales notions que sont la théâtralité et la performativité.




dimanche 23 octobre 2011

Au théâtre, cette semaine! (du 23 au 29 octobre 2011)

Il y a, cette semaine, quelques points à noter dans le calendrier théâtral... dont les productions annuelles de deux compagnies (enfin, trois...) saguenéennes.

Ce soir - 23 octobre 2011
Auditorium d'Alma, 20h
et
Mardi - 25 octobre 2011

Salle Pierrette-Gaudreault (Jonq.), 20h

L'Auditorium d'Alma (ce soir) et La Rubrique (mardi) reçevront le Théâtre I.N.K et La robe de Gulnara (un texte d'Isabelle Hubert mis en scène de Jean-Sébastien Ouellette). C'est l’histoire d’une jeune fille azérie qui, après avoir taché la robe de mariée de sa sœur cherchera à la nettoyer puis la remplacer. Face à ce qui représente un véritable défi dans ce pays de pauvreté à la frontière de l’Arménie et l’Azerbaïdjan, la jeune fille, après maintes tentatives infructueuses pour résoudre cette grave faute, se tournera vers une ultime solution qui pourrait mettre sa vie en danger…

Mercredi à samedi - 26 au 29 octobre 2011
Salle Murdock (Chic.), 20h
PREMIÈRE SEMAINE DE REPRÉSENTATIONS

Le Théâtre C.R.I. s'associe au Théâtre À Bout Portant pour présenter La fuite des choses à partir d'un poème-récit d'Étienne Provencher-Rousseau. Un spectacle de peu de mots sur les codes et les conventions, dans un vaste terrain de jeu qu'est la salle de représentation.

Jeudi - 27 octobre 2011
Palais municipal (La Baie), 20h

Diffusion Saguenay reçoit Ladies Night II. Cette comédie (qui est la suite d'un premier spectacle mais dont l'histoire reste la sensiblement la même...) construite autour d'une gang d'amis chômeurs qui, pour s'en sortir, décident de présenter un spectacle de danse érotiques... malgré leur physique peu enclin à ce genre d'activité.

Jeudi à samedi - 27 au 29 octobre 2011
Petit Théâtre (UQAC), 20h
(et aussi dimanche - 30 octobre 2011, 14h)
PREMIÈRE SEMAINE DE REPRÉSENTATIONS

Les Têtes Heureuses présentent L'Hôtel du Libre-Échange de Georges Feydeau. Une pièce sur le désir... et tous les mécanismes mis en place pour le combler: ruses, calculs, manipulations, mensonges, etc.

Samedi - 29 octobre 2011
Auditorium d'Alma, 20h (?)

L'Auditorium d'Alma reçoit Les Jeunesses musicales du Canada qui présenteront un concerto autour de l'Opéra de Carmen de Bizet.

Voilà. La semaine ressemblera pas mal à ça... à moins que d'autres trucs s'ajoutent parce que je les ai oubliés... Si c'est le cas, on peut le faire savoir via les commentaires.

samedi 22 octobre 2011

En guise de respect...

Il faut payer les acteurs. Ne souriez pas... Je sais, il y a taxes et impôts. Il faut payer et bien payer les comédiens, cependant. Le plus possible. Et rendre leur vie au théâtre agréable. Sinon ils ne seront là que pour jouer (ou répéter) et s'en aller au plus tôt. La loge du comédien est un endroit sacré, plus mystérieux que vous ne pensez; il vient y retrouver tous les soirs son personnage. C'est quelques fois un clochard, mais parfois c'est un Prince ou un Archevêque. Vous devez au moins la rendre habitable. Même si le comédien n'est par particulièrement soigneux de sa loge et de lui-même. [...] Ah! J'allais oublié! Un bon coup de peinture, chaque année, dans les loges, voilà le bon moyen de témoigner votre amour du théâtre. [...] Aimer le théâtre, c'est d'abord aimer ceux qui le pratiquent. C'est enfin aimer le lieu où ils retrouvent le costume, l'apparat et l'âme de leur personnage.

C'est en ces mots que Jean Vilar (l'initiateur en 1947 du Festival d'Avignon... ) décrit le respect qu'il faut avoir pour les comédiens et leur univers. Ils sont tirés du petit bouquin De la tradition théâtrale, paru en 1955.

vendredi 21 octobre 2011

Du repentir dans la mise en scène...

Le repentir... illustration prise sur ce site.

J'aime bien cette application picturale qu'est le repentir (Wikipédia le définit ainsi: le repentir est une partie du tableau qui a été recouverte par le peintre, soit pour masquer un (des) personnage(s), des objets ou organes, soit pour modifier un aspect (position d'une main, par exemple))... et j'aime bien voir le travail de mise en scène, de répétition, sous cet angle... tel que le fait ici Georges Banu, dans une opposition entre deux visions de ce même travail (publié dans les numéros 52-54 d'Alternatives théâtrales en 1996-1997).

La répétition implique deux activités: susciter le faire et assurer le re-faire. [...] La progression diffère selon la nature des artistes qui privilégient l'avancée rapide afin que le dessin global se précise comme une première trame, ou l'avancée lente fondée sur le corps à corps avec l'ensemble des difficultés. Ensuite le repentir intervient différemment et l'on efface ou l'on retient selon l'identité de chacun. Il y a les metteurs en scène qui explorent pas à pas, et dont les décisions s'opèrent avec une lenteur qui leur permet de s'installer au fur et à mesure, et les metteurs en scène animés par le goût de la vitesse avec tout ce qu'elle produit comme envie constante de revenir, d'oublier, bref de retarder au maximum la fixation. Ils redoutent la décision finale au point même d'inquiéter les comédiens confrontés à cette permanence du repentir par crainte d'immobiliser autant que par désir de préserver une vie qui déserte le jeu, craignent-ils, lorsque la mémoire s'installe trop vite.

Les metteurs en scène en quête de matière théâtrale, son épaisseur et sa maîtrise, cultivent la sécurité du re-faire particulièrement maîtrisé au nom de ce qu'elle garantit comme chance du spectacle de s'ériger en objet d'Art moins menacé par la détérioration que lorsqu'il se dérobe à l'emprise du mnémonique. À cette élévation, les autres opposent le désir de fragilité et de mouvance par lequel le théâtre qu'ils aiment proposer s'assume comme éphémère, perpétuellement en suspens. Chez eux, la séduction du repentir s'accompagne de la méfiance à l'égard du re-faire... il faut que tout bouge encore, même après la première! Les uns creusent et entendent fixer, d'autres esquissent et s'emploient à sauver le fugitif. [...] Par delà la nature et les projets de chacun, c'est l'activité même du théâtre qui est en jeu.

jeudi 20 octobre 2011

Une reine du théâtre

Rachel par William Etty en 1840.

Dans le Paris de la première moitié du XIXième siècle, une tragédienne, sociétaire de la Comédie-Française depuis 1838 (elle est née en 1821 et décédée en 1858), fait courir le peuple: Rachel. Audacieuse et insolente, intuitive et calculatrice, bohémienne et sauvage, elle vivra une courte vie fabuleuse et se mesurera avec panache aux plus grands rôles du répertoire français (dont ses deux plus grands succès resteront Phèdre et Andromaque) pour les faire briller d'une intensité peu commune. De toutes les grandes comédiennes qui se sont succédées au cours de l'histoire théâtrale, Rachel est peut-être la plus mystérieuse, la plus fascinante, la plus étonnante.

Consciente d'elle-même, de sa valeur (tant sa valeur artistique que sa valeur monétaire), de son origine (juive et pauvre), de ses capacités, elle n'en demeurera pas moins une gamine touchante, capable d'élans du coeur troublants... Deux exemples tirés du bouquin (qui tombe littéralement en morceaux entre mes mains!) Reines de théâtre (avec toute la subjectivité que peut apporter un ouvrage écrit un siècle après la mort du sujet...).

On avait fait relâche au théâtre, quelques temps avant la première [d'Adrienne Lecouvreur, de Scribe et Legouvé] pour une répétition du soir. À onze heures comme tout le monde partait, Rachel eut l'idée de répéter sur scène le cinquième acte, où Adrienne meurt empoisonnée. Plus de gaz, plus de rampe, un seul quinquet près du souffleur. Jamais Rachel n'avait été si vraie, si poignante que devant cette salle vide et noire, dans cette pénombre qui la faisait livide. Quand ce fut fini, Legouvé lui dit: «Ma chère amie, vous avez joué ce cinquième acte comme vous ne le jouerez plus jamais de votre vie... - Savez-vous pourquoi? lui dit Rachel après un silence. Ce n'est pas sur Adrienne que j'ai pleuré. C'est sur moi. Un je ne sais quoi m'a dit tout à coup que je mourrais jeune comme elle. Il m'a semblé que j'assistais à ma propre mort. À cette phrase: «Adieu! triomphes du théâtre! adieu! ivresse d'un art que j'ai tant aimé!» j'ai versé des larmes véritables parce que j'ai pensé avec désespoir que le temps emporterait toute trace de mon talent, et que bientôt... il ne restera plus rien de celle qui fut Rachel...»

Quelques années plus tard (l'anecdote précédente se passait en 1849... et la prochaine en 1858), alors qu'elle atteinte de phtisie (un genre de tuberculose), elle écrit à Arsène Houssaye, administrateur général de la Comédie-Française, une lettre d'adieu, de l'Égypte où elle se meurt après une tournée américaine:

Vous souvenez-vous, quand nous parlions de ma carrière... ma carrière de marbre... oui, de marbre pour mon tombeau... J'ai voulu vivre ma vie en gourmande. J'ai dévoré en quelques années mes jours et mes nuits: après tout c'est autant de fait et je ne me dis pas comme vos repenties: c'est ma faute... c'est ma faute...

Quand on n'a pas brûlé son cœur dans ses beaux jours, on ne peut pas le faire flamber à trente-cinq ans. N-i-n-i c'est fini. Ah! si je n'avais pas deux fils! tout mon amour, je mourrais sans regrets...

Du bas des Pyramides je contemple vingt siècles évanouis dans les sables. Ah! mon ami, comme je vois ici le néant des tragédiennes. Je me croyais pyramidale et je reconnais que je ne suis qu'une ombre qui passe... qui a passé. Je suis venue ici pour retrouver la vie qui m'échappe, et je ne vois que la mort autour de moi. Quand on a été aimée à Paris, il faut mourir. Faites-moi bien vite faire un trou au Père-Lachaise, et creusez-moi un trou dans votre souvenir. M'avez-vous oubliée? Moi, je me souviens...

Celle qui s'en va.

Rachel.


Je ne sais si son portrait orne toujours l'un des foyers de la Comédie-Française... mais je tenterai d'aller y faire un détour dans quelques semaines.

Un site de vidéos


J'affectionne particulièrement le site Théâtre-vidéo.net qu'on retrouve ici et sur lequel sont colligés toute une série de vidéos. Des vidéos où des auteurs parlent de leur oeuvre. Des vidéos où des metteurs en scène définissent leur méthode de travail. Des vidéos d'entretiens, de colloques, d'extraits de spectacles.

Un fort bon moyen de se frotter au théâtre actuel!

mardi 18 octobre 2011

Des lectures à venir...

Je me suis commandé, la semaine dernière, une séries de pièces de théâtre contemporaines afin d'enrichir ma bibliothèque de nouvelles œuvres... et ainsi me frotter de nouveau à l'écriture dramatique actuelle.

Trois auteurs sont en jeu. Trois auteurs que j'apprécie tout particulièrement... et qui, étrangement, sont tous de la même génération...


Tout d'abord, un Allemand, Franz-Xaver Kroetz, l'un des porte-étendards du théâtre du quotidien. C'est l'auteur de l'une des pièces les plus troublantes que j'ai lu, Travail à domicile... qui date de 1971. Le texte commandé est Pulsions (dont il est possible de lire une description ici), présenté comme étant une comédie acerbe sur la sexualité. Intriguant.


Parrallèlement à celui-ci, dans la même veine, j'ai commandé également Décadence (que je connais déjà) du Britannique Steven Berkoff, écrit en 1994... Il s'agit d'un chassé-croisé entre deux couples. Un objet littéraire fort (bien que la traduction française soit un peu douteuse), qui va assez loin dans le sujet.
 

Enfin, deux textes du même auteur, l'Australien Daniel Keene. Une écriture sensible et toute simple. Efficace. Directe. Et généralement métaphorique. C'est l'auteur de Moitié-Moitié, une fable de cuisine entre deux frères... Pour me faire une meilleure idée encore de son écriture, j'ai demandé ses deux ouvrages Pièces courtes 1 et Pièces courtes 2... en tout, donc, 28 textes différents qui impliquent divers types de voix.

De nombreux textes en vue de différents projets à venir. Les neurones s'activent.

lundi 17 octobre 2011

Critique: métier dangeureux!

Ce matin, pas de théorie. Pas plus d'opinion controversée. Non. Pas de description de spectacle, pas de projet mise en scène, pas d'analyse du milieu théâtral saguenéen. Rien de tout ça. Juste quelques mots de Doris Lussier (que j'ai déjà publié dans la première version de ce blogue), l'inoubliable Père Gédéon, qui, avec sa verve coutumière vilipende de belle façon le(s) critique(s) de métier.

Deux acteurs regardent passer le cortège funèbre d'un célèbre mais venimeux critique:
-De quoi est-il mort? demande le premier.
- Il s'est piqué avec sa plume, répond l'autre.

dimanche 16 octobre 2011

Au théâtre, cette semaine! (du 16 au 22 octobre 2011)

Photographie de Aaron Cobbett/Getty Images (importée de ce site).

Nouvelle recension hebdomadaire des représentations et des événements à caractère théâtraux qui émailleront le fil des jours sur le territoire régional. Peut-être oublierai-je des éléments... auquel cas il sera possible d'y remédier en envoyant un message via les commentaires.

Mercredi - 19 octobre 2011
Petit Théâtre (UQAC), 9h30

Les Têtes Heureuses font leur conférence de presse annuelle où il sera notamment question de leur production prochaine, L'Hôtel du libre-échange de Feydeau... de même que des autres projets qui occuperont la compagnie au cours de la présente saison.

Jeudi à samedi - 20 au 22 octobre 2011
Divers lieux, horaires variables

Pour la troisième année consécutive, il revient au Théâtre 100 Masques de faire la mise en voix des textes écrits spécialement pour le Festival des Mets et des Mots (produit par l'A.P.E.S.) qui se tient pendant Saguenay en Bouffe. Ainsi, quatre comédiens - Erika Brisson, Patrick Simard, Marie-Noëlle Lapointe et Carolyne Gauthier - sous la direction de Sophie Larouche prendront d'assaut huit des restaurants participants. À surveiller.

Samedi - 22 octobre 2011
Salle Pierrette-Gaudreault, 13h30

La Rubrique reçoit un voisin chicoutimien, le Théâtre des Amis de Chiffon qui donneront dans la salle du Mont-Jacob la première représentation officielle de leur toute nouvelle création, L'Éclaireur, un texte de Emma Haché mis en scène par Dany Lefrançois, collaborateur de longue date avec cette compagnie spécialisée en marionnette: Bernard l’Ermite cherche à habiter les objets, mais ceux qu’il a accumulés suscitent pour lui de moins en moins d’intérêt. Quand son nouvel ami Hippolyte, le petit cheval de mer, est emporté par un filet de pêche, Bernard se décide enfin à quitter la montagne de ses précieux objets pour aller le secourir… Un spectacle, donc, qui se déroule dans la mer!

C'est pas mal ça...

samedi 15 octobre 2011

Quelques autres superstitions théâtrales...


Ce matin, je fais œuvre de traduction pour transcrire ici quelques nouvelles superstitions théâtrales (que je viens de découvrir en furetant sur le web... sur Google Books pour être plus précis...). Personnellement, j'aime ces éléments surnaturels bien que je n'y prête guère attention sur le terrain.

Elles proviennent, d'une part, de l'ouvrage The Origins of Popular Superstitions and Customs (qu'on peut retrouver ici, à partir de la page 186) par Thomas Sharper Knowlson et dont la première publication s'est faite en 1890.

C'est un signe de succès assuré si les souliers d'un acteur grincent (bon, je dirais couinent...) alors qu'il entre en scène pour la première fois...

Si, lors d'une entrée en scène, le costume (ou une pièce de celui-ci) s'accroche à une partie du décor, l'acteur doit immédiatement revenir sur ses pas et refaire une nouvelle entrée pour contrer le mauvais sort...


Au guichet, lors d'une première, si le premier spectateur qui achète son billet est un vieil homme ou une vieille femme, cela signifie que la pièce aura une longue vie. Par contre, ce sera le contraire s'il s'agit d'une jeune personne...


D'autres parts, en voici une autre (qui revient très souvent dans les bouquins et dont j'ignorais l'existence...) tirée de l'ouvrage Sketches from Bohemia: being stories of the stage, the study, and the studio par Shafto Justin Adair Fitz-Gerald en 1918 (ici, à partir de la page 131).

La dernière réplique (ou le dernier discours) d'une nouvelle pièce ne doit jamais, en aucune circonstance, être dite en répétition. La prononcer ne peut qu'attirer le mauvais oeil sur cette création. Elle ne doit être dite que lors de la première, devant public.

Un petit billet juste pour souligner le fait que ce blogue franchira bientôt - vraisemblablement aujourd'hui! - le cap de la deux cent millième entrée... Combien de visiteurs cela représente-t-il? Je l'ignore. Tout ce que je sais, c'est que présentement, cette plateforme compte 1458billets... 1459 avec celui-ci.

vendredi 14 octobre 2011

Une liste pour le succès ou «si c'était si simple»...


Il semble que le répertoire traditionnel des situations dramatiques contient, exactement, trente-six éléments qui représentent toutes les grandes émotions qui peuvent toucher l'humanité. Cette affirmation - et peut-être cette recension... qui sait... car j'ignore d'où elle est tirée... - vient de Jean Béraud (de son vrai nom, Jacque Laroche), un écrivain et journaliste canadien-français, en 1936, dans son Initiation à l'art dramatique.

Et il en fait la nomenclature dans l'ordre qu'on leur donne le plus couramment, quoiqu'il importe peu:
  1. Supplication.
  2. Délivrance.
  3. Vengeance.
  4. Vengeance sur proche.
  5. Poursuite.
  6. Désastre.
  7. En proie à un malheur.
  8. Révolte.
  9. Tentative audacieuse.
  10. Enlèvement.
  11. Énigme.
  12. Effort pour obtenir quelque chose.
  13. Haine de proches.
  14. Rivalité de proches.
  15. Adultère meurtrier.
  16. Folie.
  17. Imprudence fatale.
  18. Involontaire crime d'amour.
  19. Tuer un des siens sans le reconnaître.
  20. Sacrifice à un idéal.
  21. Sacrifice à ses proches.
  22. Tout sacrifier à une passion.
  23. Devoir sacrifier les siens.
  24. Rivalité d'inégaux.
  25. Adultère.
  26. Crime d'amour.
  27. Apprendre le déshonneur d'un être aimé.
  28. Amours empêchés.
  29. Aimer un ennemi.
  30. Ambition.
  31. Lutte contre la divinité.
  32. Jalousie.
  33. Erreur judiciaire.
  34. Remords.
  35. Retrouver un être aimé.
  36. Perdre un être aimé.
Quel succès putatif si, un auteur en manque d'inspiration, écrivait une pièce réunissant toutes ces grandes émotions (bien que ça existe déjà alors que la lecture de celles-ci semble donner la recette des soaps américains!)... mais pauvres personnages qui ne sauraient plus où donner de la tête!!!

mercredi 12 octobre 2011

Pour une éthique du comédien...


Photo anthropométrique de Meyerhold prise en 1939 lors de son arrestation.

Voici une petite anecdote (suivi, bien entendu, de sa petite morale théâtrale qui devrait - au risque de tomber dans le dogmatisme! - s'ériger en vérité dramatique...) racontée par Meyerhold, le 5 janvier 1939 lors d'une intervention aux Réunions de la section mise en scène du VTO (Société théâtrale pan-russe)... soit quelques semaines avant son arrestation, le 20 juin de la même année (et il sera fusillé quelques mois plus tard). Une petite historiette sur un comédien qui refuse un rôle par authenticité...

[Il faut expliquer, dès le départ, son plan de mise en scène à toute l'équipe (concepteurs et comédiens)] même si l'un des acteurs jette son rôle à la figure du metteur en scène, comme cela m'est arrivé une fois quand Apollonski m'a rendu le rôle après mon explication en me disant: «Je ne participe pas à de telles choses». J'ai d'abord été décontenancé. Je n'étais alors qu'un gamin [au milieu des années '10], et lui, c'était un géant du théâtre. Mais ensuite, je me suis réjoui, et je dis maintenant: tant mieux si 90% des acteurs jettent leur rôle à la figure du metteur en scène. Au moins, il n'y aura par la suite aucun malentendu. Les acteurs qui resteront avec moi travailleront. Autrement, il arrive qu'un acteur se taise pour des raisons diverses, tout en s'opposant à moi de toute son âme. Il veut être libre le soir pour tourner des films, il supporte, mais au fond il n'est pas avec moi. Il vaut mieux que de tels acteurs s'en aillent tout de suite, en revanche, ceux qui restent se donneront au travail de toute leur âme.

Comme metteur en scène, c'est peut-être la chose la plus éprouvante que d'avoir à littéralement tirer un comédien qui ne semble aller que de reculons... de se sentir qu'on accepte un rôle que par dépit... d'avoir à contrer cet état (enfin, cette impression...) qui gruge l'atmosphère, l'équipe et, en bout de ligne, le résultat scénique. Et ça arrive...


mardi 11 octobre 2011

Un avant-goût de «La Marmite»...


Voici un petit extrait, en guise de premier préambule, à la prochaine production d'été du Théâtre 100 Masques, La Marmite de Plaute. Un petit extrait assez fidèle du ton de l'ensemble (à ne pas perdre de vue que ce texte a été écrit il y a plus de deux mille an!), de la façon d'élaborer l'intrigue. Bien entendu, ce texte servira de base à un travail plus complexe sur le matériel textuel (à partir, notamment, de différentes traductions).

Il s'agit là de la première scène de la seconde section entre une vieille fille, Eunomie, et son vieux frère qui cherche à épouser une jeune femme, sa voisine.

EUNOMIE.
Crois, mon frère, que je te parle par amitié pour toi et dans ton intérêt, comme une bonne sœur. Je sais bien qu’on nous reproche d’être ennuyeuses, nous autres femmes. On dit que nous sommes bavardes, on a raison ; on assure même qu’il ne s’est jamais trouvé, en aucun siècle, une seule femme muette. Quoi qu’il en soit, considère, mon frère, que nous n’avons pas de plus proche parent, toi que moi, moi que toi, et que nous devons par conséquent nous aider l’un l’autre de nos conseils et de nos bons avis. Ce serait une discrétion, une timidité mal entendues, que de nous abstenir de pareilles communications entre nous. Je t’ai donc fait sortir pour t’entretenir sans témoin de ce qui intéresse ta fortune.

MÉGADORE.
Excellente femme ! touche là.

EUNOMIE, regardant autour d’elle
À qui parles-tu ? où est cette excellente femme ?

MÉGADORE.
C’est toi-même.

EUNOMIE
Vraiment ?

MÉGADORE.
Si tu dis le contraire, je ne te démentirai pas.

EUNOMIE.
Un homme tel que toi doit dire la vérité. Il n’y a point d’excellente femme : elles ne diffèrent toutes que par les degrés de méchanceté.

lundi 10 octobre 2011

Schéma du jeu meyerholdien


Voici, en quelques sortes, le schéma du jeu meyerholdien (calqué sur le schéma du réflexe de A. Gastiev)... schéma qui, libéré de toutes les notions propres à ce metteur en scène, peut s'appliquer à à peu près tous les styles et toutes les approches théâtrales tant il est de base.

Il implique un va-et-vient constant entre l'action et la conséquence, en trois mouvements nécessaires: l'intention, l'exécution et la réaction.

dimanche 9 octobre 2011

Le théâtre comme des «mises en rapport»...

Image tirée du site Crafty, le Craft Robo.

Je suis encore plongé dans Les Voies de la création théâtrale... le numéro portant sur l'oeuvre de Vsevolod Meyerhold, (le dix-septième numéro, écrit par Béatrice Picon-Vallin, spécialiste de ce grand metteur en scène).

Me voici donc à nouveau entrain de lire sur la biomécanique. Cette fois, on la décrit - et c'est là tout l'intérêt du billet à venir! - comme étant constituée d'exercices de «mise en rapport», créateurs d'espaces qui ont pour but de développer la capacité d'orientation de l'acteur par rapport à soi-même, au lieu, au temps, à autrui, selon des règles dont la formulation rappelle celle des arts martiaux (p.119).

Et l'auteure poursuit dans la définition de ces «mises en rapport» comme elle les appelle:
  1. Mise en rapport des différentes parties du corps de l'acteur entre elles, dans la conscience et le contrôle, participation de tout le corps au moindre mouvement et à la recherche constante de l'équilibre (recherche du centre de gravité).
  2. Mise en rapport du corps avec un espace précis dans ses dimensions, sa forme, déterminé par une figure géométrique imaginaire (ligne, cercle) ou la disposition du groupe. Coordination du corps et de l'espace (partire del terreno), ou, pour employer un langage actuel, de l'espace postural et de l'espace environnant. Faculté d'adaptation à l'espace. Importance du coup d'œil juste comme instrument de mesure pour calculer les distances.
  3. Mise en rapport du corps avec l'espace et le temps. Travail rythmique qui dynamise l'espace. Rythme musical qui pose des repères.
  4. Mise en rapport du corps de l'acteur avec celui du partenaire, avec le groupe. Travail collectif, en harmonie avec le groupe, en réponse-réflexe à celui du partenaire. L'acteur doit trouver son chemin à l'intérieur du mouvement complexe de la masse et conserver les intervalles donnés. Rôle de l'otkaz dans ce travail collectif.
  5. Mise en rapport du corps avec l'objet imaginaire, manipulé (le désigner, l'attraper, l'utiliser).
  6. Mise en rapport du corps de l'acteur et de l'observateur qui doit «ressentir de l'inquiétude» à la vue de ce vivant qui fonctionne comme un ensemble de leviers, dans l'exercice.
Il me semble que ces préceptes théâtraux ne sont pas exclusivement meyerholdiens et peuvent s'appliquer presque en tout temps, à toute production. Bien sûr, la biomécanique se veut être une certaine radicalisation de ceux-ci.

N'empêche que ces «mises en rapport» sont réelles, nécessaires et malheureusement, souvent prises pour acquises, jamais assez conscientes, chez les praticiens. Qu'apportent-elles? Probablement une maîtrise élevée, un contrôle scénique accru... mais assurément une rigueur nouvelle.

Car ces «mises en rapport» se conjuguent également à l'espace qui se voit soudainement divisé en quatre parties, quatre modes d'implication: celui où son propre corps est en relation avec lui-même, décrit des figures et manipule des objets [...]; celui où il est en relation plus ou moins proche avec un partenaire [...]; celui où il est en relation avec le groupe avec qui ou contre qui il travaille; enfin, celui où il est en relation avec le public, car un exercice est toujours exécuté pour un observateur.

Voilà.

Au théâtre, cette semaine! (du 9 au 15 octobre 2011)

Image trouvée sur ce site.

À ma connaissance, ce sera une bien petite semaine théâtrale sur le territoire régional alors qu'aucune production ne prend l'affiche ou poursuit sa série de représentations.

Bon. En même temps, trois compagnies s'activent - le Théâtre C.R.I. en collaboration avec le Théâtre À Bout Portant, de même que les Têtes Heureuses - afin d'arriver, d'ici quelques semaines, avec de nouveaux spectacles.

En attendant, c'est le calme plat.

samedi 8 octobre 2011

«Le Bain»


Un processus de création centré sur la présence du comédien [...] en ancrant le jeu sur la structure du texte et de l'espace, en confrontant la présence et l'absence, le vide et le plein [...]. C'est la recherche (telle que définit dans le programme) à laquelle nous convie Erika Brisson dans la présentation de son projet de fin de maîtrise, Le Bain de Jean-Luc Lagarce.

L'ambition est grande, la notion de présence étant intangible et insaisissable. Pour les uns, il s'agit là d'une simple question de concentration. Pour d'autres, c'en est une d'énergie, d'intensité. Il y a aussi le fait d'être visible. Mais toujours une constante: être là.

Après une ouverture filmique où un corps nu (celui de la comédienne) se déploie dans l'eau, la représentation commence.

Un corps. Calme. Maitrisé. Et une voix. Une voix blanche comme le dirait Claude Régy.

Broyant le récit (de trois pages à l'origine... qui sera trituré, recomposé, répété) par une diction omniprésente et saccadée, elle impose un rapport matériel au texte, un rapport de physicalité. Le texte devient un espace sonore avant d'être une fiction. Une écriture au lieu d'être une parole. Une organisation rythmique.

Avec du public sur les quatre côtés de la scène, la comédienne propose un jeu proche de la neutralité. Jeu parce que somme toute état non-naturel, construit, encadré par une mise en espace. Jeu parce que choix. Le choix d'une théâtralité plus performative qu'illustrative. Une théâtralité (dans le sens définit par Patrice Pavis: faculté de changer l'échelle et de suggérer et de fabriquer le réel avec la voix) qui ne passe pas par une représentation mais par une mise en présence. Être là.

Son corps est là, oui. Mais sans impulsion. Mais dans le noir. Mais hors de l'aire de jeu . Toujours visible mais sans rien donner à voir. Ou si peu. Un corps porteur. Porteur de cette voix. Une présence sonore. La prononciation est artificielle et les mots claquent.

Parallèlement à ce travail, un autre corps s'inscrit lui aussi dans l'espace: celui d'un corps-évocateur. Le corps du danseur Jean-Philippe Sisla. Un autre type de présence. Le lien entre les deux interprètes sera très rarement physique. L'évocation de l'un se conjuguera avec l'énonciation de l'autre et vice-versa, sans pour autant qu'il y ait illustration.

Dans cette friction (ou plutôt, en regard de ce que je viens de dire, cette co-présence), ce récit d'adieu d'une femme à son amoureux se dégage d'une certaine incarnation pour laisser la place à une forme qui, ayant acquis en cours de représentation une certaine force d'impact, atteindra le spectateur.

En bout de ligne, l'expérience académique est-elle concluante?

Probablement. Le résultat est intéressant. La double performance est justifiable. Pour le reste (la réponse à la piste de recherche) il faudrait - ceci étant dit comme tout travail de maîtrise - avoir accès à l'essai qui accompagne l'œuvre pour bien saisir la quête et les différents moyens mis en place. Être plus à même d'en débattre et de juger de l'efficacité de la proposition.

Chose certaine, la réflexion s'ouvre et en ce sens, il s'agit là d'un élément essentiel à ce type de présentation.
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Il reste encore une représentation, ce soir, à 20h, au Petit-Théâtre de l'UQAC.




vendredi 7 octobre 2011

Pour une hygiène de vie théâtrale...


En répétitions, de même que lors des représentations, les locaux utilisés - salles, loges, ateliers - deviennent vite bordélique. Malgré les demandes répétées - «Ramassez vos accessoires et vos costumes», «remettez tout en place à la fin de la séance de travail», «faites laver le plancher si possible», etc - tout finit toujours par devenir poussiéreux. À chaque fois (bon, je généralise un peu... mais sans être trop loin de la réalité), un élément se perd... et souvent à quelques minutes du début de la représentation.

Bref, à la rigueur de l'interprète, il faudrait instaurer systématiquement celle de l'entretien ménager... comme le soulignait aussi Evgueny Bagrationovitch Vakhtangov (ou de son nom en russe, Евгений Багратионович Вахтангов) dans les premières années du XXième siècle...

Aimez la scène! Plus que vous n'aimez votre intérieur, vos chambres et vos logements! Veillez à sa propreté! Embauchez spécialement quelqu'un chargé de la laver trois fois par jour: le matin après les répétitions, le soir avant et après le spectacle. Veillez à ce que les décors sur la scène soient rangés en bon ordre, à la manière dont les châssis sont suspendus. Si la peinture de la toile de fond ne se dégradai pas! Un jour viendra où on la remplacera par des paysages de lumière, et alors la propreté s'alliera à la technique. Un jour viendra où pas un clou ne restera des dizaines d'années dans le plancher de la scène. Les décors tiendront à l'aide de dispositifs spéciaux, sur ventouses en caoutchouc, ils s'en iront sans bruit en haut, en bas, sous la scène. L'éclairage sera disposé de telle manière qu'il ne gênera pas les décors, ni ces derniers l'éclairage [...].

Pour la référence, il faut savoir que cette citation vient de nouveau de l'immense brique L'Art du théâtre de Odette Aslan...

jeudi 6 octobre 2011

Planches théâtrales

Surfant sur le web, j'ai virtuellement rencontré M. Bertrand Daine, belge comédien de son état (vous trouverez ici son profil)... comédien et aussi dessinateur! Je publie donc sur mon blogue (avec son aimable autorisation), une série de planches qu'il a faites, destinées à Cour et Jardin, qui se trouvent sur son site Mes dessins, mes rôles, ma vie. En cliquant sur celles-ci, elles devraient apparaître (sauf la première) dans un plus large format...

Ses dessins rappelleront sans doute - au-delà de leur côté moqueur et ironique - des souvenirs à certains...

...sur les accidents qui obligent à revoir sur le champ les dispositions scéniques...
... sur le sens de la fraternité théâtrale...
...sur l'intransigeance de metteurs en scène...
...sur les entourloupettes pour avoir quelqu'un...
...sur les problèmes des projets avec trop de chefs...
...sur les moments embarrassants qui arrivent parfois.

mercredi 5 octobre 2011

Comme une main sur l'épaule.


Entrer dans une salle pendant qu'un acteur joue,
c'est poser une main sur l'épaule d'un homme
qui est en train de dessiner.


Quelle belle citation (de Sacha Guitry... dont l'œuvre entière et l'esprit m'intéressent beaucoup) pour faire suite au billet d'hier. L'image est forte. Encouragement ou encombrement?

mardi 4 octobre 2011

Ah! Ce public...


Accourus de tous les points de l'horizon, ils vont devenir une chair unique. Ils s'asseyent les uns près des autres et s'apprêtent à communier dans le plaisir, dans l'ennui ou dans le ressentiment. [Dès lors] le péril est partout: un spectateur tousse, un fauteuil grince et cent personnes alentour perdent la parole essentielle qui leur donnai la clé du drame. Jamais l'œuvre d'art, qui est, dans son essence, ordre, rigueur, construction délicate, ne fut à plus rude épreuve... De toute les productions de l'esprit, l'œuvre théâtrale est la plus fragile et la plus brillante, la plus glorieuse et la plus humiliée.

Cette belle description du public peut encore, même si elle a été écrite en 1926 par Georges Duhamel (un poète et romancier français), s'appliquer à nos assistances d'aujourd'hui...

lundi 3 octobre 2011

Un site web pour la Chaire...


La Chaire de recherche-création du Canada pour une nouvelle dramaturgie sonore au théâtre (sise à l'UQAC et dirigée par Jean-Paul Quéinnec) a lancé son site web il y a quelques semaines. Ce sera là le bon outil pour se tenir au courant des projets passés, en cours et à venir tout en prenant connaissance des questionnements, des réflexions, des voies suivies et des hypothèses de départ qui sous-tendent chacun des chantiers, des études, des laboratoires.

Ce site web (réalisé principalement, si je ne m'abuse, par Élaine Juteau et Andréanne Giguère) peut-être consulté ici et sera intégré à la liste des organismes théâtraux régionaux qui se trouvent dans la colonne à gauche de ce blogue.

Suivi du premier «Forum sur le théâtre au SLSJ»


Le premier Forum sur le théâtre au SLSJ se poursuit, en quelque sorte, avec la mise sur pied (lors de la dernière rencontre du groupe de compétence en théâtre du CRC) de différents comités pour prendre à charge le développement de quelques enjeux qui ont été ciblés en juin dernier (qu'on peut retrouver ici). Il s'agit, d'une certaine manière, d'un plan d'action.

Trois comités pour trois enjeux qui répondent, en fait, à deux grands supers-objectifs:
  • STRUCTURER, CONCERTER ET RENFORCER LES LIENS DU MILIEU THÉÂTRAL RÉGIONAL (SLSJ);
  • FAIRE CONNAÎTRE ET RECONNAÎTRE LE THÉÂTRE D’ICI ET SES ARTISANS.

Les moyens qui seront pris seront (et c'est pour chacun de ces points que des comités s'organisent présentement):
  • Mettre en place une structure pour donner une vitrine à la relève (à l’exemple de Premier Acte, des Cartes blanches des Têtes heureuses, des auditions du Quat’Sous). – priorité no. 2 au forum 2011

  • Identifier des moyens pour harmoniser le calendrier des productions régionales afin de mettre en place une véritable saison théâtrale. – priorité no. 6, forum 2011

  • Mettre en place un service de mise en commun des ressources pour le milieu artistique & culturel : support à l’organisation, l’administration ou la comptabilité (inspiré du modèle de l’Annexe à Québec). – priorité no. 7 au forum 2011.
Le suivi des comités de travail se fera, d'une part, lors des rencontres du groupe de compétence au CRC et, d'autre part, lors du second Forum (en formule réduite d'une demie-journée où seront donné le compte-rendu de chacun des comités et les résultats et où ne sera abordé qu'un ou deux sujet d'importance ciblé par sondage préalable) qui se tiendra en juin prochain. Le même comité que l'an dernier prendra à charge son organisation.

dimanche 2 octobre 2011

Au théâtre, cette semaine! (du 2 au 8 octobre 2011)


Image tirée de l'ouvrage cité dans le billet d'hier.

Nouveau petit survol sur les activités théâtrales de cette nouvelle petite semaine qui débute aujourd'hui... aujourd'hui étant aussi le dernier jour du Salon du Livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de cette édition (quasi fantôme!) des Journées de la culture.

Jeudi à samedi - 6 au 8 octobre 2011
Petit Théâtre (UQAC), 20h

Erika Brisson termine sa maîtrise en art en présentant son projet de fin d'études (sur la présence de l'interprète), Le Bain de Jean-Luc Lagarce où elle interprète le seul rôle de la pièce (avec, cependant, une autre présence sur scène, celle du danseur Jean-Philippe Sisla), dans une mise en scène d'Élaine Juteau. Le Bain, c'est le récit d'un adieu à l'être cher qui se meurt.

Jeudi - 6 octobre 2011
Salle Pierrette-Gaudreault (Jonq.), 20h

La Rubrique reçoit Au champ de mars, une production du Théâtre de la Manufacture sur un texte de Pierre-Michel Tremblay et une mise en scène de Michel Monty. Éric, un jeune soldat de retour d’Afghanistan, est en état de choc post-traumatique. Il consulte une psychiatre, Rachel, qui souffre pour sa part de fatigue de compassion. Pour se changer les idées, elle s’inscrit à un cours de clarinette et découvre que son professeur est un extrémiste pacifiste. Rachel met Éric en contact avec Marco, un réalisateur de films à succès en burn-out qui rêve de faire un grand film de guerre en s’inspirant de l’histoire d’Éric. Et puis, il y a aussi un certain sergent, plutôt envahissant, qui s’immisce dans la vie d’Éric quand bon lui semble... Ce résumé omet un détail important: il s'agit là d'une comédie satirique comme ce Tremblay peut le faire.

Vendredi - 7 octobre 2011
Théâtre Palace (Arvida), 20h

Diffusion Saguenay reçoit (et offre à un coût d'entrée de 44$...) Motel des Brumes: Dans le brouillard marin du Bas-St-Laurent, une légende fait son chemin. On raconte que d’étranges phénomènes se produisent dans un motel niché sur le bord d’une falaise. Dans les embruns du fleuve surgissent des ombres, on y entend des voix. Préparez-vous à entrer dans un monde fantastique, un endroit où tout peut arriver, où les objets disparaissent sous vos yeux, où d’étranges personnages font leur apparition. Préparez-vous à entrer dans de nouvelles dimensions, du jamais vu au théâtre, là où se mélangent humour et émotion, avec une touche spectaculaire de magie. Préparez-vous à entrer au seul et unique Motel des Brumes. Il s'agit là, si je me fie à mes recherches, d'une production du Théâtre de l'hirondelle sur un texte de Jacques Diamant et une mise en scène d'André Robitaille (avec, notamment, Pauline Martin).
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Selon mes connaissances, c'est tout. Mais si jamais j'oublie quelque chose, on peut le faire savoir via les commentaires.