samedi 9 avril 2011

«Primat du texte, primat de la scène»... ou le retour du paradoxe de la venue première de l'oeuf ou de la poule...


Petit matin, en ce début de week end (le premier, il me semble, depuis longtemps), voué à la réflexion théâtrale... et dont la source sont ces deux petits paragraphes tirés de la page 93 du magnifique ouvrage Le Théâtre (quel titre!), écrit par un collectif sous la direction de Daniel Couty et publié en 1996 aux éditions Bordas.

Ces extraits pourraient se résumer à une seule question: où se trouve la base du théâtre (terme pris dans son sens occidental)?

Une illusion fort répandue et toute naturelle, c'est que le texte est premier au moins dans le temps. Même si l'on admet fort bien que la représentation soit une construction nouvelle, un construit et non pas la traduction d'un donné, l'idée subsiste que le texte est le socle premier sur lequel se crée l'édifice. Or cette apparente évidence est un fait discutable: quand le metteur en scène décide de monter un classique, il a d'abord devant lui un matériau qui est le théâtre de son temps, avec ses lois, ses contraintes, le code perceptif auquel est habitué le spectateur, l'éducation que les comédiens ont reçue, etc.; à quoi s'ajoutent les représentations antérieures qui sont pour le metteur en scène la base par rapport à quoi il se situe en différence ou en prolongement. Il semble donc que tous les éléments de sa pratique théâtrale soient premiers avant le choix du texte et conditionnent ce choix tout autant que le désir, les fantasmes et les rêves du metteur en scène, lesquels représentent aussi une sorte de matériau préexistant.

[...]

On peut donc affirmer que le rapport entre l'écriture textuelle et l'écriture scénique est un rapport de complémentarité, de concurrence ou de conflit, mais en aucun cas un rapport de soumission ou de prééminence. [...] Une lecture sémiologique de la pratique -théâtre - favorisant le signe et la pratique signifiante au lieu de s'attacher directement au sens le plus évident - ne peut que récuser toute idée d'un primat du texte sur la représentation ou de la représentation sur le texte [...].

Je médite. Je cogite. Bonne journée.