mercredi 24 août 2011

Dans la légende du peintre-barbier

Équipe de comédiens de La Légende d'Arthur Villeneuve:
Devant: Mélanie Potvin, Benoît Lagrandeur, Martin Giguère, Hélène Bergeron
Derrière: Émilie Gilbert-Gagnon, Marilyne Renaud, Patrice Leblanc
Photographie: Sylvain Dufour (Le Quotidien, 6 juillet 2011)

C'était le temps (après tout ça fini aujourd'hui!). Maintenant c'est fait. J'ai vu La Légende d'Arthur Villeneuve, la production conjointe du Théâtre C.R.I. et de la Pulperie de Chicoutimi. Déjà que j'avais écrit, à la fin du mois de juin, un article pour le Voir où je disais que plus qu’un simple artiste, Arthur Villeneuve –dont le principal chef-d’oeuvre demeure sa propre maison transportée au cœur du Musée du Saguenay-Lac-Saint-Jean!– a été élevé au rang de symbole par toute une population. Un personnage en toute simplicité qui est entré dans l’imaginaire collectif pour accéder au statut de légende. Une vie de conte colorée, comme son œuvre, entre figuration naïve et réinterprétation abstraite, bien ancrée dans un modeste quartier ouvrier.

Le spectacle lui rend donc, en quelque sortes, hommage.

Pourtant, dès que débute la pièce (sur un texte de Martin Giguère), un doute jaillit: sera-t-il question de ce peintre-barbier ou de sa maison? Car le prologue - et du coup les trente premières minutes! - fait un long détour domiciliaire où un couple est aux prises avec une maison craquante et des voisins agressants... Tous des personnages qui semblent sortis directement de l'oeuvre de Villeneuve: caricaturés et déformés. On cherche à vendre.

Bien que les comédiens y ont beau jeu, le spectateur se posera la question: vers quoi va-t-on? C'est drôle, oui. Ça fonctionne en soi. Mais l'impression d'avoir affaire à un spectacle différent de ce qui était annoncé s'ancre vite.

Le centre d'attention auquel s'attend le spectateur est déjoué: la maison et son histoire prend toute la place et la gardera.

Puis arrive Arthur (superbement incarné par Benoît Lagrandeur) et son épouse (campée par Hélène Bergeron). À partir de ce moment, à partir du moment où le texte fictionnel fait la belle part aux échanges extraits du documentaire de l'ONF de 1963 (théâtralisés et recontextualisés certes), la légende peut vraiment s'inscrire.

Les envolées lyriques de l'auteur (toujours aussi magnifiquement en verve) s'adoucissent. Le couple s'éloigne de la caricature et montre un côté touchant, attachant de ces gens qui ont bravé les quolibets et les moqueries pour passer à l'histoire: l'inspiration de l'un (suite à la très drôle parabole des talents contée dans une petite séance montée par un prêtre boiteux); l'incrédulité de l'autre; l'engagement; la découverte de l'art.

Esthétiquement, cette production repose d'abord sur le contraste entre eux et la société autour: les premiers habitants, les voisins, le prêtre, ses enfants de choeur, le marchand d'art et le galeriste... contraste habilement marqué par les costumes flamboyants de Jacynthe Dallaire. Elle repose également sur un espace scénique simple constitué d'une maison faite de rideaux blancs, avec peu d'accessoires, qui permettra de nombreux jeux d'éclairages et l'inscription, sur les murs, par vidéo-projection, des couleurs et des motifs du peintre.

Outre Dallaire, les principaux collaborateurs sont Serge Potvin aux décors, Alexandre Nadeau aux lumières, Patrice Leblanc au son et Andrée-Anne Giguère aux images.

Malgré quelques longueurs (surtout au début), l'ensemble se tient et la mise en scène de Guylaine Rivard offre de beaux moments. Les connaisseurs de l'oeuvre et de la vie du peintre n'y apprendront probablement rien de nouveau... mais les autres auront là une première incursion ingénieuse et amusante.
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Mes bémols les plus marqués vont non pas à la production mais plutôt à cette salle, le Bâtiment 1912 de la Pulperie.

Magnifique, oui. Mais c'est tout. Parce que le confort et la qualité du son font défaut. Une salle trop grande qui, étrangement, bien que possédant tout ce qu'il faut pour être chaleureuse n'en demeure pas moins froide et sans âme.