vendredi 21 octobre 2011

Du repentir dans la mise en scène...

Le repentir... illustration prise sur ce site.

J'aime bien cette application picturale qu'est le repentir (Wikipédia le définit ainsi: le repentir est une partie du tableau qui a été recouverte par le peintre, soit pour masquer un (des) personnage(s), des objets ou organes, soit pour modifier un aspect (position d'une main, par exemple))... et j'aime bien voir le travail de mise en scène, de répétition, sous cet angle... tel que le fait ici Georges Banu, dans une opposition entre deux visions de ce même travail (publié dans les numéros 52-54 d'Alternatives théâtrales en 1996-1997).

La répétition implique deux activités: susciter le faire et assurer le re-faire. [...] La progression diffère selon la nature des artistes qui privilégient l'avancée rapide afin que le dessin global se précise comme une première trame, ou l'avancée lente fondée sur le corps à corps avec l'ensemble des difficultés. Ensuite le repentir intervient différemment et l'on efface ou l'on retient selon l'identité de chacun. Il y a les metteurs en scène qui explorent pas à pas, et dont les décisions s'opèrent avec une lenteur qui leur permet de s'installer au fur et à mesure, et les metteurs en scène animés par le goût de la vitesse avec tout ce qu'elle produit comme envie constante de revenir, d'oublier, bref de retarder au maximum la fixation. Ils redoutent la décision finale au point même d'inquiéter les comédiens confrontés à cette permanence du repentir par crainte d'immobiliser autant que par désir de préserver une vie qui déserte le jeu, craignent-ils, lorsque la mémoire s'installe trop vite.

Les metteurs en scène en quête de matière théâtrale, son épaisseur et sa maîtrise, cultivent la sécurité du re-faire particulièrement maîtrisé au nom de ce qu'elle garantit comme chance du spectacle de s'ériger en objet d'Art moins menacé par la détérioration que lorsqu'il se dérobe à l'emprise du mnémonique. À cette élévation, les autres opposent le désir de fragilité et de mouvance par lequel le théâtre qu'ils aiment proposer s'assume comme éphémère, perpétuellement en suspens. Chez eux, la séduction du repentir s'accompagne de la méfiance à l'égard du re-faire... il faut que tout bouge encore, même après la première! Les uns creusent et entendent fixer, d'autres esquissent et s'emploient à sauver le fugitif. [...] Par delà la nature et les projets de chacun, c'est l'activité même du théâtre qui est en jeu.