dimanche 6 juillet 2014

Du paradoxe de la «répétition»...

Retour au fameux numéro 52-53-54 d'Alternatives théâtrales (déc. 96-jan. 97) consacré aux répétitions - décidément et quasi officiellement devenu une lecture estivale - et à ce petit passage fort intéressant où Frédéric Dussenne, metteur en scène belge, y va de considérations sur la répétition... petit passage qui donne une bonne matière à réflexion:


Répéter, c'est l'essence même du théâtre. La représentation consiste, en effet, en la répétition, chaque soir, d'une chaîne d'actes, d'images, de mots, dans un ordre déterminé durant le travail préparatoire. Paradoxalement, c'est la période qui précède les représentations qui porte le nom de «répétitions». Je dis paradoxalement, parce que c'est le moment du travail où on fait tout sauf «répéter», où tout est mouvant, continuellement remis en question, où rien n'est définitif. «Répéter», au sens où on utilise ce mot de manière conventionnelle, pour désigner le travail préparatoire au théâtre, c'est, au contraire, avancer dans le noir, sans savoir où on va arriver, se mettre en quête de l'inconnu, prendre tous les risques. Ce n'est qu'à la fin du travail, c'est-à-dire quelques jours avant la première, qu'on commence véritablement à répéter quelque chose de reproductible. Il faudrait remplacer le mot «répéter» par le mot «essayer». La première partie du travail, c'est une série d'essais, au cours desquels se dégage la matière dont sera fait le spectacle à venir. Vient ensuite le temps des choix. On ne garde pas tout, il y a une énorme part de déchet, de matière inemployée. On organise ensuite, peu à peu, à partir de ces choix, la représentation dans le temps et dans l'espace. On structure l'objet théâtral. Il émerge du flot riche et multiple des possibles qui se sont dégagés des essais des acteurs, du metteur en scène, du scénographe, de l'écrivain... On lui donne une forme, qui rendra son propos communicable. Il est, alors, défini, lisible. La représentation sera la répétition de cette forme en public.