samedi 30 avril 2016

À la défense du théâtre

En Nouvelle-France (et dans les temps suivants la Conquête), le théâtre n'avait pas bonne presse... notamment avec tous les interdits qui pleuvaient en provenance de l'Église. 

Pourtant, de courageux (!) citoyens osent prendre la défense du théâtre et le clament haut et fort... du moins par écrit, comme celui-ci et la publication qu'il en fit dans la Gazette de Montréal, le 23 décembre 1790 réclamant un théâtre pour tous!:


En voici une transcription:

Un citoyen observe:

1- Que quelques uns de ses compatriotes se proposent de donner cet hiver quelques représentations théâtrales. 

2- Qu'il y en a parmi eux qui ont proposé de n'admettre dans le parterre, qu'un très petit nombre de personnes de haute extraction ou de race noble.

Il remarque là-dessus:

1- Que le projet d'acter est bon et que le théâtre ne peut qu'inspirer du goût dans cette nouvelle colonie.

2- Qu'il ne remplira pas cet objet, s'il est peu (mot que je ne comprends pas): qu'il sera même inutile et ne fera tout au plus qu'exciter la haine et l'animosité résultantes ordinairement des (mot incompréhensible) distinctions.

3- Que si tel est le projet de n'acter que pour des gentilhommes, les roturiers sensés ne doivent pas leur servir de baladins tant que leurs égaux ne seront pas admis.

Et c'est tout.

vendredi 29 avril 2016

Un spectacle en l'honneur du nouveau Maître


C'est là l'annonce publiée dans The Quebec Gazette le 24 octobre 1765 - quelques mois après la Conquête qui fait passer la colonie d'un régime français à un régime anglais - soulignant la tenue, dans un village non identifié (dans certains articles, on présume que ce serait Beaupré),  d'une grande soirée publique en l'honneur de leur (nouveau) Seigneur. Cette soirée marque aussi, en quelque sorte, la reprise de l'activité théâtrale après des décennies de disette à ce chapitre.

Un petit texte intéressant parce qu'il donne une certaine idée, une certaine illustration de la façon dont étaient organisées ces soirées (contenu et logistique) et des quelques grands noms de l'époque qui y étaient associés.  

Voici une transcription plus facile à lire (et en gras, ce sont les passages qui me semblent les plus intéressants):

SPECTACLE NOUVEL ET DIVERTISSEMENT PUBLIC

Les villageoises canadiennes, nouvelles sujettes de sa Majesté Britannique d'un certain canton (?) de la Province de Québec, donneront une fête et feront représenter en l'honneur de leur Seigneur, le lundi 18 novembre prochain, une pièce nouvelle intitulée Les Fêtes Villageoises, comédie en un acte, qui sera suivie d'un Ballet de Bergers et de Bergères, et précédée d'un compliment au Seigneur leur Patron et Protecteur.

Entre la comédie et le ballet, il y aura une Cantate et un Duo qui seront chantés par le Sieur Colin et la Demoiselle Nina, fameux musiciens du Canada. Cette dernière chantera seule un morceau choisi de l'opéra Les Amours de Vénus.

Ensuite il y aura trois danses de caractère. Le Sieur Dominique dansera l'Harlequinade; le Sieur Sylva, la Matelote hollandaise; et le Sieur Grivois, la Chinoise; tous trois grands danseurs, qui ont toujours été applaudis dans cette partie de l'Amérique Septentrionale.

L'orchestre et la symphonie seront composés de toutes sortes d'instruments très harmonieux jusqu'à une cornemuse.

Le tout sera terminé par un grand bal dans le meilleur ordre que faire se pourra. On y trouvera toutes sortes de rafraîchissements pour que tout le monde soit content. On fera en sorte que Bacchus et Vénus s'accordent ensemble afin que les plaisirs ne soient pas troublés.

Le zèle avec lequel les Bergères (?) de cette côte (?) se prêtent pour rendre cette fête brillante leur a fait mettre toute leur industrie à l'imitation des bourgeois de Québec, à rassembler et joindre ensemble quatre granges en peu de temps pour faire une jolie salle de comédie et de bal et des cabinets pour la commodité. Et afin de contribuer à la dépense de cette fête galante, les Bergères ont bien voulu abandonner les revenus d'une année de leur superflus. 

Les paroles de la comédie sont composées par le Sieur Lanoux, célèbre poète du Canada (il peut s'agir d'un poète local... mais on présume, dans certains articles, qu'il s'agirait plutôt de Jean-Baptiste Sauvé de Lanoue, auteur dramatique et comédien français, décédé quatre ans plus tôt) et la musique de la cantate et du duo par le Sieur Zeliot, grand musicien.

Le spectacle commencera à cinq heure du soir. Le public sera averti trois jours avant de l'endroit où la fête se donnera, qui sera dans la côte. Pour prévenir les désordres on entrera dans la maison de divertissement à l'enseigne des plaisirs par la porte de devant, et on en sortira par la porte de derrière.

Personne n'y sera admis sans un billet qui coûtera 24ll (cette somme serait, selon l'historien Eric Tremblay, en livre tournoi et représenterait, pour l'époque, une bonne somme) qu'il faudra payer au receveur des consignations des menus plaisirs. Le nombre de billets sera de cent. On est prié de souscrire au plus tôt pour faire les arrangements de la fête, à moins qu'on n'aime mieux donner l'argent aux pauvres. On distribuera gratuitement vingt billets pour les Demoiselles qui n'ont pas les moyens de se divertir et qui en ont envie.

mercredi 27 avril 2016

Aimer ou ne pas aimer le répertoire...


Voici un extrait de Amour et désamour du théâtre par Georges Banu (ouvrage fort intéressant publié en 2013 chez Actes Sud), dans un petit chapitre consacré au  théâtre de répertoire:

Le répertoire, l'aimer, ne pas l'aimer? Enjeu décisif...

Le répertoire est le capital du théâtre, capital accumulé à travers le temps qui se constitue en soc;e pérenne pour l'art passager de la scène. [...] Dialectique constitutive d'un art au carrefour du passé et du présent. Mais dialectique controversée.

Le répertoire renvoie au musée, alors qu'une certaine catégorie d'artistes conteste le musée qu'elle assimile à la vétusté et à l'opacité du présent. [...] [Elle entretient] une réticence forte à l'égard du patrimoine qui a été conservé au nom d'un culte extrême, culte voué à un présent oublieux et agressif à l'égard de tout héritage. [...] Le répertoire renvoie le théâtre du côté de la persistance du passé contraire au culte de l'immédiat contemporain.

[...]

Une autre réserve souvent entendue: le théâtre appelé à s'appuyer sur le répertoire ancien se trouve interdit, voire exclu de l'excitation que procure la surprise. Tout est connu d'avance [...]. Le répertoire est voué à l'exploration du connu.

En revanche, le répertoire, à ceux qui le visitent et s'en nourrissent, permet de s'ériger dans le lieu privilégié où s'instaure la relation dialectique entre le même et le différent.  Le même du texte renvoie à un temps immobile et se constitue en termes de référence pour une conduite ou un acte: il ne bouge pas, il perdure, énigmatique et définitif. Mais, par ailleurs, le répertoire ne reste pas inscrit sur une page, il se voit déplacé sur une scène où d'autres corps l'investissent, d'autre pensées le traversent: alors le différent est à l'oeuvre, [...]

Le répertoire permet à des artistes appartenant à des époques distantes de se rencontrer et de nous faire entendre le dialogue qu'ils nouent.

Je trouve intéressant ce passage parce que lorsque le répertoire est la source d'un projet scénique (comme par exemple - et je parle d'expérience! - les productions du Théâtre 100 Masques ou de la SALR) pointe parfois des questionnements et des interrogations sur la pertinence de s'attaquer à ces oeuvres du passé... et ça arrive somme toute régulièrement... 

Dans les demandes de subventions (et surtout les jurys y attenant!), le répertoire a difficilement la cote... parce qu'il atténuerait voir annihilerait la prise de risques! (Ce risque dont il était question ici.)

Et pourtant... N'a-t-il pas aussi cette faculté de dire le monde d'aujourd'hui? De tirer un fil, une continuité entre des époques différentes, entre leur évolution?

mardi 26 avril 2016

De Goldoni...


Toujours en pleine lecture intensive en vue de trouver un texte pour la production estivale 2017 du Théâtre 100 Masques, je suis présentement accroché aux pièces de Carlo Goldoni (que la compagnie a abordé déjà en 2004 avec La Serva Amorosa, mis en scène par Éric Chalifour)... le «Molière italien» du XVIIIième siècle (qui a aussi, dans sa vie, une période française et quelques oeuvres écrites dans cette langue).  

En tous pays on se pique
De molester les talents;
Goldoni voit maint critique
Combattre ses partisans.

On ne savait à quel titre
On doit juger ses écrits;
Dans ce procès on a pris
La nature pour arbitre.

Aux critiques, aux rivaux,
La nature a dit sans feinte:
«Tout auteur a ses défauts,
Mais ce Goldoni m'a peinte.»

C'est ainsi que le présentait un contemporain: le grand Voltaire.

Voici donc des oeuvres amusantes, des intrigues bien ficelées, rythmées, construites sur différents quiproquos. Des personnages assez près de ceux bien typés de la commedia dell arte

Pour le moment, mon choix s'arrête sur La plaisante aventure (mais je préfère - et de loin! - le titre italien Un curioso accidente): un amour caché, des mensonges pour préserver les apparences, une machine qui s'emballe et un jeu cruel de l'être et du paraître! 

dimanche 24 avril 2016

Au théâtre, cette semaine (du 24 au 30 avril 2016)


Encore une fois... voici la plupart des événements théâtraux de la semaine (qui sont, en fait, deux pièces en cours). Ce sont ceux dont j'ai connaissance (via la Vitrine culturelle du Saguenay, les différents sites web des compagnies, les événements Facebook)... mais il se peut que j'en oublie (comme les productions scolaires)!

Mercredi à samedi, 27 au 30 avril 2016
Salle Murdock (Chicoutimi), 20h
SECONDE SEMAINE DE REPRÉSENTATIONS

Le Théâtre du Faux Coffre nous revient avec une nouvelle production, L'Enterrement de GrossomodoÀ l'aide d'une quantité impressionnante d'archives, l'intellectuel Diogène revisite les événements troublants de l'été 1995 qui ont failli priver le monde des prouesses du clown noir Grossomodo. Documents inédits, correspondances émouvantes, archives audio, archives vidéo, reconstitutions, entrevues avec des témoins, vulgarisation avec des experts, tout sera mis à profit pour raconter avec justesse et rigueur ce drame terrifiant qui coïncide avec le tout premier rôle au théâtre du révolutionnaire Trac. Un travail journalistique époustouflant. À la tombée du rideau, vous aussi vous direz : c'est incroyable ! Pour réserver, il est possible de le faire par téléphone au 418-698-3000 poste 6561 ou via la page Facebook de l'événement. 

Jeudi à samedi, 28 au 30 avril 2016
Salle Lionel-Villeneuve (Roverbal), 20h
DERNIÈRE SEMAINE DE REPRÉSENTATIONS

Le Théâtre Mic Mac présente sa grande production annuelle, Les Manuscrits du déluge... une pièce de Michel-Marc Bouchard mise en scène d'Émilie Gilbert-Gagnon. Voici ce qu'en on dit Hélène Gagnon de L'Étoile du LacLouis Potvin du Progrès-Dimanche et moi... ici-même! Plus de détails sur le site web de la troupe.

samedi 23 avril 2016

Les 400 ans de la mort de Shakespeare


Il y a 400 ans mourait l'un des génies du théâtre, toutes époques confondues: William Shakespeare (décédé le 23 avril 1616). Au Royaume-Uni, les célébrations de cet anniversaire culmineront à Stratford-upon-Avon, lieu de naissance du dramaturge. 

Ses oeuvres restent encore aujourd'hui parmi les plus célèbres répertoire universel: Roméo et JulietteOthello, Hamlet, Macbeth, La Tempête, Richard II, Richard III, La nuit des rois, Beaucoup de bruit pour rien, Le songe d'une nuit d'été, Comme il vous plaira, Le roi Lear, Les Joyeuses commères de Windsor et bien d'autres. Tragédies, comédies, pièces historiques, sonnets... son écriture a porté ses genres à des sommets qui restent, à ce jour, inégalés. 

Est-il l'auteur de tous ces chefs-d'oeuvres? Certains en doutent (comme pour Molière, d'ailleurs...) et émettent l'hypothèse qu'il ne soit, en fait, qu'un prête-nom... dissimulant un personnage illustre qui se serait mêlé d'écrire pour la scène...

Quoi qu'il en soit, le personnage a marqué toute une époque théâtrale et ses écrits continuent à faire vibrer les spectateurs siècle après siècle. 

Le monde entier est un théâtre
et tous
hommes et femmes
n'en sont que les acteurs
Et notre vie durant
nous jouons plusieurs rôles.

vendredi 22 avril 2016

De «Moi chui moi, pis toi t'es toi»...


Hier soir, les étudiants du BIA ont entamé les représentations du résultat du cours Atelier de création théâtrale (anciennement Dramaturgie et mise en scène)  de Moi chui moi, pis toi t'es toi sous la supervision de Jean-Paul Quéinnec.

Depuis janvier, cette cohorte est invitée à travailler sur huit textes québécois contemporains explorant la veine comique. De cet éventail, quatre seront retenus, présentés par quatre équipes. 

Ainsi, le spectateur pourra découvrir  avec un vilain plaisir (des extraits de) Tranche-cul de Jean-Philippe Baril Guérard (ici), Comment je suis devenue touriste et Napoléon voyage de Jean-Philippe Lehoux (ici) et Princesses de Catherine Léger (ici). Quatre textes à l'écriture décomplexée. Une écriture sans tabou... ou presque. Une écriture percutante, féroce, dressant un portrait ironique, sarcastique... voire cynique de la société actuelle. Comique? Étrange, oui. Grinçante, oui. Noire, assurément. Les procédés humoristiques - bien présents - ne tirent pas tant vers le burlesque ou le vaudeville mais plutôt vers un univers corrosif, trash, sans compromis. 

Cette matière décapante est portée en scène par cette douzaine d'étudiants qui, pour la plupart, s'engagent avec conviction dans l'exercice. L'interprétation est plutôt juste et s'il est possible de déplorer la perte occasionnelle du texte (par un manque de projection, une diction trop précipitée ou le bruit ambiant provoqué par la structure même), il faut reconnaître leur travail pour donner corps à ces personnages tordus, sans craindre le ridicule. 

Les mises en scène étudiantes (et les mises en espace dans ce long déambulatoire en spirale qui se déploie tout autour de l'enceinte du Petit théâtre... une conception de Chantale Boulianne) n'ont peut-être pas toute la force qu'elles pourraient avoir, mais elles donnent l'occasion de nombreux bons moments théâtraux que le spectateur pourra suivre, assis au centre de la salle sur des sièges pivotant. 

Une production universitaire qui décoiffe! Il reste ce soir et demain... avec un nombre de places limitées... mieux vaut réserver, si c'est encore possible (via la page FB).

jeudi 21 avril 2016

«Les farces médiévales» [Carnet de mise en scène]



C'est là la maquette de l'espace à venir de la prochaine production estivale du Théâtre 100 Masques: une évocation d'un tréteau de bois... caractéristique de la farce au Moyen-Âge. 

Un espace étroit, surélevé... avec un grand rideau peint (sur la maquette, il est neutre) qui agira en séparateur des différents lieux fictifs. 

Un espace qui n'a pas à porter le poids d'une fonction représentative.

Un espace somme toute simpliste, qui doit laisser toute la place au jeu des comédiens, aux accessoires choisis, à la parole et, surtout, aux costumes (véritables éléments esthétiques du projet!) de Mélanie Potvin.

(Le logo de la compagnie qui trône sur la structure sera en bois sculpté. Le devant de la scène, lui, sera habillé - probablement de fanions rouges comme sur la maquette - selon ce que l'ensemble donnera en vrai.)

mercredi 20 avril 2016

Détour par Maïakovski


En pleine séance de lectures en vue de trouver le texte de la production estivale 2017 du Théâtre 100 Masques (il faut bien que les programmations s'établissent et se préparent!), je viens de me plonger dans un répertoire (d)étonnant issu de l'avant-garde russe du début du XXième siècle: celui de Vladimir Vladimirovitch Maïakovski (en voici une biographie).

J'ai une affection particulière pour la Russie, pour son théâtre révolutionnaire... et pour l'importance historique de celui-ci. D'ailleurs, ce blogue est rempli (et teinté) de cet intérêt... notamment par la multitude de références meyerhlodiennes. 

D'ailleurs, Maïakovski, poète et dramaturge futuriste, a véritablement surgi dans cette histoire après Octobre 1917 et fut l'auteur fétiche de Meyerhold (jusqu'à son suicide en 1930 à l'âge de  37 ans) pour qui il a écrit des oeuvres majeures comme Mystère-Bouffe, La Punaise et Les Bains. (Il m'en a fallu, du temps, pour que je m'attaque à celles-ci!)

Ce sont, en général, des charges à fond de train contre une bureaucratie et un fonctionnement politique ankylosés dans cette ère communiste promise - croit-on! - à un avenir radieux. On y houspille le profiteur, le parasite, le petit tyran, l'arrogant, le petit-bourgeois. Le monde change malgré les gens. C'est féroce. Moderne. Eh oui, avec le recul (et dans un contexte géo-politique différent), drôle, cynique. 

Ma préférence va vers Les Bains (cette pièce est appelée parfois Les Bains publics ou La Grande Lessive), sa pièce la plus comique: un inventeur de 1930 - qui a toutes les misères du monde à avoir l'oreille du directeur occupé à sa propre personne - met en marche une machine à voyager dans le temps et accueille, avec surprise, une femme phosphorescente venue de 2030 pour rapporter avec elle des spécimens originels de ce communisme béni qui a essaimé partout sur la planète.

Les Bains, mise en scène de Meyerhold, autour de février 1930

Les personnages sont grotesques. Les intrigues s'entrecroisent pour dresser un portrait caricatural d'un monde chamboulé. Le tout, entrecoupé d'une mise en abîme théâtrale (tout le troisième acte) fort intéressante. 

C'est donc, en quelque sorte, une découverte d'un répertoire stimulant. Maintenant, est-ce que ce sera un choix pour une production future? L'avenir le dira... 

dimanche 17 avril 2016

Semaine théâtrale - du 17 au 23 avril 2016


Voici ce qui se passera sur les différentes scènes régionales au cours des prochains jours... Ça bougera! Ça bougera! 

Jeudi à samedi, 21 au 23 avril 2016
Salle Lionel-Villeneuve (Roverbal), 20h
AVANT-DERNIÈRE SEMAINE DE REPRÉSENTATIONS

Le Théâtre Mic Mac présente sa grande production annuelle, Les Manuscrits du déluge... une pièce de Michel-Marc Bouchard mise en scène d'Émilie Gilbert-Gagnon. Voici ce qu'en on dit Hélène Gagnon de L'Étoile du Lac, Louis Potvin du Progrès-Dimanche et moi... ici-même! Plus de détails sur le site web de la troupe.

Jeudi à samedi, 21 au 23 avril 2016
Petit Théâtre (UQAC), 19h30

Les étudiants du cours Atelier de création théâtrale (dirigés par Jean-Paul Quéinnec) présentent Moi chui moi, pis toi t'es toi qui présentera plusieurs textes contemporains québécois sous le signe du comique dans tout ses états ! À partir des textes de Tranche-cul de Jean-Philippe Baril Guérard, Comment je suis devenue touriste et Napoléon voyage de Jean-Philippe Lehoux  et  Princesses de Catherine Léger. L’entrée est gratuite mais il est nécessaire de réserver votre place au 418 545 5011 # 4708 ou directement sur la page Facebook de l’événement. Il faut voir ce que font les étudiants de l'Université!

Vendredi, 22 avril 2016
Théâtre du Palais-Municipal (La Baie), 20h

Diffusion Saguenay présente 50 Shades! La parodie musicale... un mélange entre spectacle d'humour, comédie musicale et théâtre...  se moque abondamment des personnages du livre à succès 50 Shades of Grey par le biais d'un "club de lecture" fréquenté par trois femmes de banlieue qui découvrent le roman érotique. Le texte hilarant ainsi que les chansons franchement irrésistibles en font un spectacle à ne pas manquer! Mais attention, il y a de fortes chances que vous ne voyiez plus Christian Grey de la même façon! N'oubliez pas votre boite de mouchoirs... Vous allez rire à en pleurer! Plus de détails ici.
Vendredi et samedi, 22 et 23 avril 2016
Salle Murdock (Chicoutimi), 20h
PREMIÈRE SEMAINE DE REPRÉSENTATIONS

Le Théâtre du Faux Coffre nous revient avec une nouvelle production, L'Enterrement de Grossomodo! À l'aide d'une quantité impressionnante d'archives, l'intellectuel Diogène revisite les événements troublants de l'été 1995 qui ont failli priver le monde des prouesses du clown noir Grossomodo. Documents inédits, correspondances émouvantes, archives audio, archives vidéo, reconstitutions, entrevues avec des témoins, vulgarisation avec des experts, tout sera mis à profit pour raconter avec justesse et rigueur ce drame terrifiant qui coïncide avec le tout premier rôle au théâtre du révolutionnaire Trac. Un travail journalistique époustouflant. À la tombée du rideau, vous aussi vous direz : c'est incroyable ! Pour réserver, il est possible de le faire par téléphone au 418-698-3000 poste 6561 ou via la page Facebook de l'événement. 

C'est ce que j'ai pu trouver en furetant un peu partout sur les internets! Comme d'habitude, il se peut que j'oublie des trucs... 

samedi 16 avril 2016

«Les farces médiévales» [Carnet de mise en scène]


La farce, au Moyen Âge (principalement entre le XIIe et le XVIe siècle), se développera et définira peu à peu ses grandes caractéristiques qui se retrouveront de l'une à l'autre.

Ces principales caractéristiques (qui se retrouvent dans les trois farces choisies pour la production estivale du Théâtre 100 Masques) sont les suivantes:

  • La forme est fixée: versification octosyllabique, brièveté (entre 200 et 500 vers... à part quelques exceptions comme La farce de Maître Pathelin qui en enligne 1500), peu de personnages.
  • La farce ne se gêne pas pour faire intervenir grossièreté et obscénité... c'est un espace de liberté et de défoulement.
  • Elle est très souvent construite sur une intrigue simple où règne(nt) la tromperie, la ruse, l'équivoque ou la mystification et met en scène des personnages quasi archétypaux: le benêt, le mari cocu, l'épouse rusée, le médecin incapable, le dupeur dupé, la belle-mère acariâtre, etc.
  • Ses personnages sont généralement aux prises avec des préoccupations de base (qui désacralisent le corps): boire, manger, dormir, évacuer (tout ce qui peut sortir du corps!), baiser, faire de l'argent.
  • Du coup, trois grandes thématiques peuvent se dégager: les amours quotidiennes avec tout leurs aléas (chicanes, infidélités, contrôles); la friponnerie et les mauvais tours; la vantardise et la fanfaronnade.
  • Les procédés comiques sont nombreux et font la part belle au jeu de l'acteur, se séparant entre jeux de mots et de langage (quiproquos, surabondance des répétitions) et jeux de scènes (coups de bâtons, acrobaties, mimes).
  • Les farces mettent en scène, outre les personnages, des objets (peu nombreux mais qui acquièrent du coup une importance) qui seront abondamment utilisés.
Derrière ces considérations théorico-littéraires se cache l'élément primordial qui a traversé les siècles: faire rire! Et ça marche!

vendredi 15 avril 2016

La tradition de l'Église sur la comédie & les spectacles

Je continue ici à recenser l'histoire du théâtre du point de vue de l'Église... par intérêt et parce que j'estime qu'il est indispensable de bien saisir ce contexte qui a perduré pendant des siècles (et ici au Québec, jusqu'à tout récemment). 

Voici, tiré d'un Traité de la comédie et des spectacles selon la tradition de l'Église publié en 1669 sous la plume de Armand de Bourbon Conti, quelques canons historiques (dont certains seront observés jusqu'au XIXième siècle!) promulgués lors des premiers conciles qui donneraient sa forme au catholicisme.

Pour une meilleure lecture, j'en réécris les courts textes en français contemporain sous chacune des images.



Si des comédiens veulent embrasser la foi chrétienne, nous ordonnons qu'ils renoncent auparavant à leur exercice; et qu'ensuite ils y soient admis, de sorte qu'ils n'exercent plus leur premier métier. Que s'ils contreviennent à ce décret, qu'ils soient chassés et retranchés de l'Église. 


Il faut défendre aux femmes, et aux filles fidèles, ou catéchumènes, d'épouser des comédiens. Que s'il y en a qui en épousent, qu'elles soient excommuniées. 


Quant aux comédiens, nous ordonnons qu'ils soient excommuniés tant qu'ils feront ce métier. 


Que les personnes infâmes, tels que sont les comédiens, ne soient point reçus à former des accusations.


Les prêtres doivent s'éloigner de tous les objets qui ne font que charmer les oreilles, et surprendre les yeux par des apparences vaines, et pernicieuses, et ils ne doivent pas seulement rejeter et fuir les comédiens, les farces et les lieux déshonnêtes; mais ils doivent encore représenter aux fidèles, l'obligation qu'ils ont de les rejeter et de les fuir. 


jeudi 14 avril 2016

Mort antique


La légende veut que Eschyle, le premier  des grands tragédiens antiques soit mort (en 456 avant Jésus-Christ) d'avoir reçu, sur la tête, une tortue. Juste ça.

Il faut savoir que cette tortue avait été arrachée du sol par un rapace qui voulait la manger. Mais pour y arriver, le volatile devait à tout le moins parvenir à briser la carapace... et le meilleur moyen était de laisser tomber la lente bête sur un caillou... 

Il volait donc en réfléchissant... si tant est que cela se puisse.

Pendant ce temps, dessous lui, était Eschyle. Peut-être écrivait-il une pièce? L'histoire ne le dit pas. Mais elle dit, par contre, qu'il était là, portant le crâne chauve. 

Quiproquo burlesque!

L'oiseau - qui ne brillait pas d'intelligence - confondit la tête de l'auteur avec une roche et desserra les griffes pour libérer la tortue. 

PAF!

Il en était fait d'Eschyle.

La légende ne dit malheureusement pas ce qu'il advint de la tortue... 


mercredi 13 avril 2016

Ah... se maquiller...

Comment se maquiller? C'est souvent une question qui arrive, en production, vers la toute fin, alors que le stress est presque à son comble. Plus de raisons maintenant pour se casser la tête... avec ce petit fascicule de la collection Jeux, Tréteaux et Personnages qui porte le juste titre de Comment se maquiller? et qui fut publié en 1937.

Que de trucs et de conseils! 

Comme sur l'importance du peignoir:

L'acteur, à plus forte raison l'actrice, aura eu soin de se munir d'un peignoir. Il arrive donc au théâtre, se dévêt. Il endosse son peignoir. Car c'est une fâcheuse négligence que de s'asseoir devant sa tablette à maquillage en ayant gardé un vêtement de ville qui sera fatalement sali [...]. Faisons cette autre confidence pour ceux qui aiment vraiment le théâtre, que cet intervalle, cette neutralité, - en ayant dépouillé le vêtement qui vous est personnel, pendant que se prépare, que prend forme le personnages qui  tout à l'heure recevra de son costume un corps - sont bien favorables au recueillement particulier qui doit précéder la création. [...] Négligence encore que de se mettre en costume avant de se maquiller, il aura l'aspect d'un déguisement au retour du carnaval. Ajoutons enfin, en vieux comédiens, que si le théâtre est parfois privé de public, il ne l'est jamais de courant d'air: le peignoir défendra contre  cet ennemi votre voix, et il vous permettra, Mesdemoiselles, de circuler dans les couloirs à la recherche éperdue d'une perruque ou d'un soulier. 

Ou sur ce qu'il faut dans toute bonne trousse qui se respecte:

Vous devez vous approvisionnez de:
fonds de teint;
crayons gras;
crayons secs dermatographes;
rouges à lèvres;
poudre de riz;
fards sec compacts (les femmes);
rimmels;
une grosse houppe en laine;
une houppe de cygne;
une brosse douce à poudre;
une patte de lapin;
des estompes;
du démaquillage;
du crêpé, du vernis (les hommes).

La boîte doit encore contenir:
un chiffon, pour s'en essuyer les doigts qui touchent une couleur après un autre, ou pour s'en démaquiller, à moins que vous ne préfériez le papier à démaquiller ou le coton hydrophile;
une glace à main; certaines ont, si cela vous amuse, un côté grossissant
une lime à ongles;
peigne et brosse à cheveux;
brosse à habit;
du savon et une essuie-main;
un ruban large de deux doigts pour enserrer le front et préserver les cheveux
du blanc gras en bouteille, rosé ou rachel, pour mains et bras (les femmes)

Ou encore, pour tout apprendre sur la Nomenclature des fonds de teints à employer couramment!




mardi 12 avril 2016

«Les Farces médiévales» [Carnet de mise en scène]


Dimanche dernier, nous avons travaillé quelques heures sur La Farce du Pâté et de la Tarte, Très Bonne et Fort Joyeuse à Quatre Personnages. Un premier débroussaillage pour mettre en évidence quelques points afin que les interprètes (et le metteur en scène!) puissent avoir une certaine base pour poursuivre leur cheminement dramaturgique. 

De cet exercice (qui s'est fait et à la table et dans l'aire de jeu), donc, ont émergé des constatations:

Sur la langue
  • La langue de la farce n'est pas à proprement parlé une langue littéraire. C'est plutôt une langue populaire (dans le sens d'issue du peuple), de jargon, de patois, d'accents prononcés, de répliques vives dont les sonorités colorent les différentes expressions. 
  • Même si la versification est présente (ce sont des vers octosyllabiques), elle doit exister sans trop que nous en fassions de cas pour ne pas faire tomber cette oralité nécessaire. C'est un outil rythmique plus qu'une forme.
  • Du coup, pour garder ce côté populaire et pour amplifier les effets comiques inhérents à ce genre théâtral, il faut pouvoir se donner le droit d'intercaler entre les mots du textes des interjections... voire même de brefs commentaires.
Sur les personnages
  • De l'exécution de la pièce sans mise en place, des caractères se sont dessinés: le pâtissier et son épouse qui passent de la suspicion à l’irascibilité; les deux coquins (dont nous faisons un couple) qui derrière leurs bravades cachent des gestes de poltrons. Ces deux couples, malgré les heurts et les sournoiseries, sont fondés sur des ressemblances et une certaine complicité.
Sur le jeu
  • Comme cet espace sera relativement petit (16 pieds de large avec une profondeur de 8 pieds), il faut trouver les moyens de le maximiser et de donner toutes les informations nécessaires à la bonne compréhension de l'intrigue. Ce premier essai donne une certaine méthode d'utilisation de l'espace, mettant à profit les rideaux de fond.
  • Enfin, déjà des éléments de jeux, des effets comiques sont identifiés... et ça promet!
Dimanche prochain, nous nous attaquerons aux deux autres farces pour en explorer aussi les possibilités et avoir en tête les incontournables scéniques à venir.


lundi 11 avril 2016

De la forme et de la tradition

Le pouvoir du théâtre 
devrait être bien plus grand 
qu'il ne l'est dans le monde contemporain 
mais il a délibérément choisi 
de s'émasculer lui-même 
en imitant les façons de faire de ses rivaux.

Cette toute simple assertion qui fustige notamment le théâtre réaliste et l'imitation de la vie (tant dans le jeu que dans la forme esthétique) vient de Howard Barker, dans ses Arguments pour un théâtre. Tout ce bouquin (par ailleurs fort passionnant!) est construit de ce type de coup de poing rhétorique qui plaide pour un retour à la tragédie comme seule forme valable au théâtre. De la forme et de la tradition!

dimanche 10 avril 2016

Semaine théâtrale - 10 au 16 avril 2016


C'est une petite semaine qui s'en vient... avec, officiellement, qu'une offre venue de Roberval! C'est donc le temps d'en profiter!

Jeudi à samedi, 14 au 16 avril 2016
Salle Lionel-Villeneuve (Roverbal), 20h
TROISIÈME SEMAINE DE REPRÉSENTATIONS

Le Théâtre Mic Mac présente sa grande production annuelle, Les Manuscrits du déluge... une pièce de Michel-Marc Bouchard mise en scène d'Émilie Gilbert-Gagnon. Voici ce qu'en on dit Hélène Gagnon de L'Étoile du LacLouis Potvindu Progrès-Dimanche et moi... ici-même! Plus de détails sur le site web de la troupe.

samedi 9 avril 2016

[Carnet de mise en scène] Les farces médiévales


Demain, nous entreprenons le début des répétitions pour la production estivale 2016 du Théâtre 100 Masques, qui se tiendra à la Pulperie de Chicoutimi, du 5 juillet au 24 août, tous les mardis et mercredis (pour 16 représentations). 

Pour jouer ce trio de farces médiévales (La farce du pâté et de la tarte, La farce du cuvier et La farce du pet) qui demandera engagement, inventivité et abnégation de l'amour-propre (!), j'ai fait appel à une distribution plus qu'expérimentée. Des comédiens de grand talent. Drôles. Qui sauront assurément composer avec ces personnages déjantés, nourris à même les rires du peuple du XVième siècle, qui ne reculent devant aucune grossièreté, aucune obscénité. 

En voici une courte présentation (les photographies, qui serviront à la promotion de la production, ont été prises par Patrick Simard... les costumes ayant été prêtés par le Théâtre La Rubrique):


Mélanie Potvin... Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai travaillé avec elle sur des productions estivales et/ou sur des productions de Noël, profitant à maintes reprises de la plasticité (!) de son visage et de son corps! C'est, en quelques sortes, la comique fétiche de la compagnie. 


Sophie Larouche...  C'est l'une des trois fondatrices du Théâtre 100 Masques (pour qui elle donne toujours de la formation). Si j'ai travaillé beaucoup avec elle, je l'ai rarement dirigée. C'est une comédienne redoutable qui n'a peur de rien. Elle a déjà montré son savoir-faire, notamment avec Les Têtes Heureuses, tant dans le drame que la comédie.


Eric Chalifour... J'ai peu travaillé avec lui (qui est aussi metteur en scène) à venir jusqu'à maintenant sinon avec le Théâtre CRI une fois et l'an passé, pour Le Revizor. Ce n'est pas à proprement parlé une découverte parce que je l'ai vu joué ailleurs à de nombreuses reprises... mais c'est un immense plaisir que de pouvoir compter sur son expérience pour ces farces!


Gervais Arcand... De toute cette distribution, c'est le second avec lequel j'ai le plus collaboré (souvent comme comédien mais aussi comme concepteur d'éclairages) ! À Roberval, au Théâtre Mic Mac. C'est un comédien solide, impliqué, qui fait preuve d'une grande aisance en scène. Une autre valeur sûre.

C'est donc avec eux que le Théâtre 100 Masques (et moi, en l’occurrence!) se lancera dans l'exploration de ces textes férocement comiques, vieux de quelques centaines d'années, qui laissent, chacun à leur façon, une large part au génie de l'acteur!

vendredi 8 avril 2016

De la mise en scène meyerholdienne

Meyerhold, devant un portrait de sa femme, comédienne dans sa troupe, Zinaïda Reich

À quelques jours d'entreprendre les répétitions de la prochaine production estivale du Théâtre 100 Masques (à partir de trois farces médiévales), il est de bon ton de revenir un peu aux sources théoriques de la mise en scène meyerholdienne que j'apprécie particulièrement.

Il faut d'abord garder à l'esprit que la trinité meyerholdienne pour aborder la scène réunit souci du rythme, priorité de l'ensemble et maîtrise gestuelle.

C'est un théâtre de l'image... non pas au sens technologique: l'espace, la présence, le jeu (et donc les corps) sont construits, architecturés. Le temps (tempos, ralentis, silences) sert à créer des tensions, des pulsions, des contrastes. 

Une telle pratique s'élabore sur deux éléments essentiels.

D'abord le texte. Un texte-matériau... un texte qui est un puissant outil de jeu, un texte qui se doit de servir le spectacle en cours de création: On a peut-être torturé le texte, mais on ne le méprise point; il est tout, on l'exalte. On accentue son rythme et chaque phrase est une mélodie; les intentions deviennent gestes et la physionomie déifie le mot.

Puis (et surtout!), l'acteur, véritable clé de voûte de cette conception. Un acteur qui évolue sur scène à travers différentes mises en rapport dynamiques qui se conjuguent l'une à l'autre: mise en rapport de l'acteur avec le texte, mise en rapport de l'acteur avec le partenaire, mise en rapport de l'acteur avec l'objet, mise en rapport de l'acteur avec l'espace, mise en rapport de l'acteur avec le rythme.

C'est là tout un programme théâtral!

jeudi 7 avril 2016

Un point de vue sur le théâtre du XIXe et du début du XXe siècle

Jean Béraud (à ne pas confondre avec son homonyme, peintre)

C'est euphémisme de dire que le théâtre au Québec a pris du temps pour s'ancrer au territoire. Pas qu'il était absent pendant les 350 premières années. Non. Juste que sa pratique - et au premier chef, son écriture - était calquée sur des pratiques étrangères (européennes et américaines). Le théâtre québécois (ou, à cette époque, canadien) a eu une fort longue gestation. 

Pourtant, au cours des décennies, de nombreux auteurs de théâtre ont atteint une certaine reconnaissance: Joseph Quesnel, Pierre Petitclair, Félix-Gabriel Marchand, Antoine Gérin-Lajoie et Louis Fréchette, Henri Letondal,Henry Deyglun... pour ne nommer que ceux-là (et en mettant de côté le théâtre burlesque). Auteurs qui, par ailleurs, ont vu leurs oeuvres traverser le temps beaucoup plus par intérêt historique plus que par valeur dramatique.

Car il suffit de jeter un oeil sur ces textes pour vite se rendre compte que le ton, la forme, la langue tendent et cherchent à se rapprocher des canons français. 

Au milieu des années 1930, certains réclament un répertoire véritablement (et enfin!) national... comme Jean Béraud, qui publie en 36, Initiation à l'art dramatique... où il y va d'un réquisitoire sévère sur la production dramatique de cette époque:

J'ai entendu en ces dernières années plusieurs pièces d'auteurs canadiens. J'ai fait surtout les constatations suivantes: d'abord qu'il ne faudrait pas dire que ce sont des pièces canadiennes, ensuite que nos auteurs manquent remarquablement d'audace. 

Pourquoi dit-on d'une pièce qu'elle est française, allemande, italienne ou américaine? Parce qu'évidemment elle porte des traits distinctifs; une amoureuse française ne raisonne pas comme une américaine, et il est bien certain que placés dans la même situation, un personnage italien et un personnage allemand l'envisageront différemment. Leur esprit et leur langage ne seront pas les mêmes, parce qu'il y a chez chacun un atavisme contre lequel on ne se défend pas, que leur esprit a été moulé dans des circonstances nationales ou domestiques qui diffèrent.

La première observation qui m'est venue en entendant ces pièces écrites chez nous, c'est que leurs personnages parlent comme parleraient des personnages français. Il n'y a pas chez eux un trait de caractère, une pensée, un cri qui révèlent l'empreinte de notre façon de vivre ou de notre «mentalité». Ces personnages subissent leur sort ou s'en défendent, parlent et agissent comme des êtres sans attaches nationales [...].

Je me demandais, en écoutant ces pièces, si reprises dans une cinquantaine d'années, elles allaient apporter à cette génération-là un portrait bien caractérisé de notre époque. Eh bien! non. Ces personnages-là sont de tous les temps, en ce sens qu'ils n'ont ni âge ni identité précise. [...]

Et j'en viens à ma seconde constatation: le manque d'audace. [...] Non seulement ces personnages ne disent-ils rien qui nous éclaire sur l'esprit de notre temps, mais ils ne risquent pas une parole qui ne soit du banal bavardage de tous les jours. Pas la moindre esquisse de thèse ou d'opinion; tous ces personnages parlent comme des petits enfants bien sages. La forme de leur conversation est celle de personnages déjà entrevus ailleurs, au théâtre ou entre les couvertures d'un livre. Il y manque une vie nouvelle, des idées d'aujourd'hui et d'ici. Ils parlent bien, ces gens, très bien, mais hélàs! ils ne disent rien ou du moins rien de neuf.

[...] On doit se mettre à écrire pour le théâtre, mais à la condition expresse d'avoir quelque chose à dire et de savoir comment le dire.

À partir des années 40, la dramaturgie québécoise se développera rapidement, en réussissant à se mettre en phase avec le peuple d'où elle émergera.

mardi 5 avril 2016

Lectures...


Je suis dans une quête plutôt agréable... bien qu'elle prenne un temps fou et qu'elle se compare à chercher une aiguille dans une botte de foin: trouver le texte de la production estivale 2017 du Théâtre 100 Masques (oui, oui... 2017... dans un an et demi...). Ce texte devra être assez fort pour stimuler l'équipe, ouvrir les possibilités et la créativité, donner un résultat intéressant. 

Le but est de trouver la perle rare. Trouver le texte original et l'intrigue surprenante. Proposer un projet qui fera découvrir un autre pan de l'histoire du théâtre...

Pour le moment, je me suis plongé à fond dans l'oeuvre de Georges Feydeau, le grand maître du théâtre de Boulevard. C'est un répertoire que j'apprécie beaucoup: féroce, mécanique, qui broie le rire dans un cynisme violent. 

Une autre oeuvre m'attire aussi (et que je ne connais pas tant que ça): celle de Goldoni. Marqué par la commedia dell'arte. Du théâtre de masques... 

Pourtant, mes lectures ne me convainquent pas encore... 

Du coup, j'aimerais aussi lorgner du côté des auteurs russes... ou du moins à l'extérieur du répertoire français. J'ai songé à aller vers Shakespeare... mais c'est là un répertoire bien lourd... 


dimanche 3 avril 2016

Semaine théâtrale - du 3 au 9 avril 2016


Voici ce qui se passera sur les différentes scènes théâtrales de la région au cours des prochains jours...

Mercredi, 6 avril 2016
Côté-Cour (Jonquière), 18h

Les Clowns Thérapeutiques Saguenay font un cabaret pour le dévoilement des résultats du Diagnostic 2016 où les talents de ses artistes seront mis à profit. Il en coûte 10$ pour assister à l'événement (argent qui va à une bien bonne cause)!

Jeudi à samedi, 6 au 8 avril 2016
Salle Lionel-Villeneuve (Roverbal), 20h
SECONDE SEMAINE DE REPRÉSENTATIONS

Le Théâtre Mic Mac présente sa grande production annuelle, Les Manuscrits du déluge... une pièce de Michel-Marc Bouchard mise en scène d'Émilie Gilbert-Gagnon. Voici ce qu'en on dit Hélène Gagnon de L'Étoile du Lac, Louis Potvin du Progrès-Dimanche et moi... ici-même! Plus de détails sur le site web de la troupe.

Vendredi, 8 avril 2016 (en représentation scolaire)
Samedi, 9 avril 2016 (grand public)
Salle Pierrette-Gaudreault (Jonquière), 13h30

Le Théâtre La Rubrique reçoit Gretel & Hansel, une production de l'illustre compagnie de théâtre pour enfants Le Carrousel (et ses partenaires). Un texte de Suzanne Lebeau, mis en scène par Gervais Gaudreault. L'arrivée de Hansel, dans la vie de Gretel, en a bouleversé l'équilibre. Ce petit frère dérange tout. Lorsque leurs parents les abandonnent en forêt et qu'ils finissent chez la sorcière, la tentation est forte de le pousser dans le four avec leur geôlière et de s'en débarrasser à tout jamais... Par quel chemin tortueux devient-on une grande soeur? Plus de détails sur le site web de la compagnie.
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Note extra-régionale! Par ailleurs, cette semaine, pour ceux qui sont ou seront à Québec, Vicky Côté et le Théâtre À Bout Portant donnera 2 représentations de Strict Minimum dans le sous-sol du Cercle (par ailleurs, un très bon endroit où manger!), à 20h, les 5 et 6 avril.
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Ce sont là les informations que j'ai sur les activités théâtrales de la semaine. Peut-être en oublie-je... Et comme d'habitude, ce sont là les activités publiques... les ateliers suivent leur cours et plusieurs projets sont en développement au sein des différentes organisations. 

samedi 2 avril 2016

Production d'imaginaire

La mise en scène n'est pas 
qu'organisation et combinaison, 
elle est aussi production 
d'imaginaire.
Anne-Françoise Benhamou
Dramaturgies de plateau

Quand Lactance met en garde contre le théâtre...


Tout au cours de sa grande Histoire, le Théâtre occidental  voit (à compter bien sûr de début du premier millénaire) se dresser devant lui une puissante adversaire: l'Église. 

Je ne m'en cache pas: j'aime bien relever les coups qui ont été assénés aux spectacles par les prédicateurs de toutes les époques (ici). J'aime bien cette rhétorique enfiévrée qui dépeint la scène comme un mal qui s'insinue dans l'âme du spectateur. 

Je pensais avoir fait le tour des Pères de l'Église... mais il semble que non. Je viens d'en trouver un autre: Lactance (en voici une courte biographie), qui s'est pris aussi au jeu de décrier le théâtre en des termes, somme toute modérés en comparaison avec les autres (en cliquant sur le texte suivant, vous vous retrouvez dans l'ouvrage - vive Google Books - d'où est extrait ce passage):


vendredi 1 avril 2016

«Les Manuscrits du Déluge»


J'ai assisté, hier soir, à la première représentation (ou l'avant-première... c'est selon...) des Manuscrits du Déluge de Michel-Marc Bouchard, une production du Théâtre Mic Mac de Roberval. 

C'était d'abord une rencontre avec un texte d'une douzaine d'années que je ne connaissais pas. Un texte étrange qui, malgré quelques références à une certaine réalité, résonne comme une fable hors du temps, une métaphore, une figure de style.  Un texte qui prend pour objet même le papier, l'écriture et le mode narratif.  Un texte déroutant.

Un petit village éloigné déserté par sa population jeune et active. Un Déluge survient et l'eau et la boue dévastent tout, y compris la salle d'écriture du vieux Sam, point névralgique de cette petite communauté, où les aînés s'assemblent, sous le regard envieux d'un jeune homme mystérieux, pour mettre sur papier l'ensemble de leurs souvenirs, pour laisser la trace d'une vie qui passe. Tout reprendre? Faire table-rase du passé? Réinventer les anecdotes? Ou alors se laisser emporter librement au gré de la débâcle, loin... très loin?  

Ces différents enjeux se déploieront au gré de fragments de récits, de reprises, de quête du souvenir précis. 

Émilie Gilbert-Gagnon signe (et c'est peut-être là sa signature la plus reconnaissable) une mise en scène qui amplifie le côté quasi fantasmagorique de cette pièce. Elle est soutenue en ce sens par Christian Roberge à la scénographie qui crée ici un espace irréel aux teintes d'eaux chargées de boue, entre la cour intérieure et le cimetière, surchargé de plastique, de troncs d'arbres et de papier. Vicky Tremblay, pour sa part, donne aux costumes une allure résolument théâtrale, empilant les couches de vêtements grisâtres qui laissent entrevoir diverses matières, divers vécus. 

Dans ce lieu aux accents mythologiques s'amène alors une distribution signifiante (et osons, le mot, émouvante) réunissant, en ce cinquantième anniversaire de la troupe, les anciens comédiens par ailleurs toujours très actifs - Francine Joncas (qui, par sa présence depuis pratiquement la fondation du Mic Mac, force l'admiration!), Réjean Gauthier, Jocelyne Simard, Gervais Arcand et Céline Gagnon.

Peut-être sans le savoir, le spectateur entend alors s'emmêler des voix fortes qui portent la troupe depuis des décennies. Des voix (au ton, au débit, à la diction) différentes mais remplies d'expériences scéniques. Des voix qui se sont promenées dans des répertoires variés.  Des voix qui ont fait le Théâtre Mic Mac.

Et au milieu d'eux, le jeune comédien Alexis Gauthier (par ailleurs fort prometteur) répond avec assurance et sensibilité.

L'engagement est profond. La passion n'a pas d'âge.

Et derrière ce conte (parce que c'en est un!) sur le souvenir et la transmission, le Théâtre Mic Mac peut affirmer qu'il a su choisir la voie de la pérennité.