samedi 5 mars 2016

Un point de vue sévère sur le théâtre... mais quel point de vue!


Lire Howard Barker n'est pas de tout repos... tant lorsqu'il s'agit de ses bouquins théoriques que lorsqu'il est question de ses pièces. Son exigence envers le théâtre - même si stimulante! - est d'un radicalisme épuisant. Une vision sans compromis possible. Une vision intransigeante parce que convaincue. Un engagement puissant.

Voici, en quelques lignes (tirées de son ouvrage Arguments pour un théâtre, en page 214), ce qu'il dit du théâtre d'aujourd'hui, dans le contexte d'aujourd'hui.

[...] Le théâtre n'est plus capable de divertir, même s'il sombre de plus en plus dans le divertissement. Il n'est plus possible de l'instrumentaliser, même s'il participe à des modes de productions mécaniques et il s'avère complètement inefficace, le pire cauchemar des comptables. C'est là que se trouve sa profonde rédemption. Face aux avancées technologiques, aux réseaux d'information, à la capitalisation de l'enseignement, à l'inexorable flot d'imitation de la vie et de guimauve qui inonde la télévision et le cinéma, il affirme sa nature problématique et résiste à l'enrégimentement de par sa forme même. Et en outre... partout où le théâtre s'offre comme divertissement, il apparaît comme un avilissement même aux yeux et aux oreilles de spectateurs non avertis qui désertent le théâtre et continuent à le déserter au fur et à mesure que celui-ci s'efforce servilement de les allécher en s'adressant à ce qu'il s'imagine être leur gout. Encore un triomphe de la nature sur le marché. Encore un triomphe de l'âme sur l'éthique du plaisir. C'est précisément parce qu'un tel théâtre est l'esclave du public qu'il est voué à l'extinction. [...] Le théâtre qui doit être une nécessité répudie le public en tant que principe valorisant de production. Il existe pour lui-même et, paradoxalement, en existant pour lui-même; il devient une nécessité pour le public [...].

C'est le genre de lecture qui donne à réfléchir. Qui commande à celui qui lit de prendre position: que fais-je? pour quoi le fais-je? pour qui? qu'est-ce qui sous-tend mon (mes) projet(s)? 

Ça revient un peu, au fond, au même type de questionnement que celui exposé dans l'un des derniers billets de ce blogue (ici) concernant la prise de risque.