lundi 21 juillet 2014

Saint Isidore et la comédie pernicieuse et nuisible...

J'aime bien les sermons prononcés par les grands prédicateurs qui, de tous temps, ont mis le théâtre à mal... J'aime bien leurs visions apocalyptiques du théâtre. Leur excès dans la dénonciation d'un art qui excite les passions... En voici un tout nouveau dans ma longue collection (que je retranscrirai plus bas en français contemporain pour faciliter la lecture), Saint Isidore:

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Les comédiens ne s'appliquent principalement qu'à pervertir le peuple, et non pas à la rendre meilleur; car c'est la débauche de leurs spectateurs qui fait leur félicité; de sorte que s'ils s'appliquaient à la vertu, le métier de comédien serait aussitôt anéanti. C'est pourquoi ils n'ont jamais penser à corriger le dérèglement des hommes; et quand ils le voudraient entreprendre, ils ne le sauraient faire, parce que la comédie d'elle-même, et de par sa nature, ne peut être que pernicieuse et nuisible.

dimanche 20 juillet 2014

Des questions... et des répétitions!


Depuis quelques temps, je suis replongé dans les numéros 52-53 et 54 d'Alternatives théâtrales, consacrés aux répétitions. À quoi servent-elles? Comment se font-elles? Quelles préparation demandent-elles? Quelle ouverture commandent-elles de part et d'autre de la scène? Quel est l'apport de chacun au cours de celles-ci? Et bon nombre d'autres questions. 

Les grands maîtres (Stanislawski, Meyerhold, Brecht, Strehler et tant d'autres!) y sont abordés de cette façon: comment ont-ils façonné ces moments de recherche, de création? Puis de nombreux praticiens (auteurs, metteurs en scènes, concepteurs, acteurs) contemporains - bon, ces numéros datent maintenant d'il y a près de vingt ans! - y dévoilent leur(s) vision(s) de la chose. 

Une lecture passionnante qui, comme créateur, me fait réfléchir sur ma propre conception de ce passage obligé qu'est la répétition. Outre monter un spectacle, quel est le modus operandi que je me donne, de rencontre en rencontre? Parce que oui, il doit bien y en avoir un, comme une façon de faire du théâtre, comme une signature. 

Comment est abordé le texte?
Comment est abordé le comédien? 
Quelle place lui donne-je?
Comment se construit le personnage?
Comment se construit la scène?
Quand se font les premiers filages?
À quoi servent-ils?
Qu'est-ce qui est gardé et qu'est-ce qui est rejeté?
Et surtout, à quelle vitesse se fait chacune des étapes précédemment citées?
Quel temps est consacré à ces répétitions?
De quelle façon se font les retours critiques sur le travail?
Quelle importance (et quelle forme) prennent les notes données aux comédiens?

Voilà une belle matière à réflexion (enrichie par un long questionnaire de Georges Banu tiré de cette revue qui a déjà été publié, en 2010, sur blogue, et )! Il me faudra y songer avant la prochaine saison théâtrale! Comme une introspection, une mise à jour de ma pratique, un nécessaire regard par en-arrière.

samedi 19 juillet 2014

Prochaine lecture de vacances



Ce roman s'est aussi vu octroyer le Prix des libraires du Québec 2014... C'est donc dans cet univers que je me prépare tout bientôt à entrer...

vendredi 18 juillet 2014

Une vie pour un rôle...


Je suis un fervent collectionneur d'anecdotes sur la grande époque du théâtre (surtout celui du XIXième siècle), sur ses grands auteurs, ses grands comédiens. 

Parmi les grandes actrices du temps passé (les Clairon, Mlle Mars et Rachel... pour ne nommer que ceux-là), une se démarque particulièrement par son caractère enjoué (bien qu'elle ait eu, au final, une bien triste vie) qui poussait parfois un peu loin ses recherches pour atteindre la vérité d'un rôle!

mardi 15 juillet 2014

«La Paix chez soi et autres bêtises humaines»... [Carnet de mise en scène]

Voici quelques autres photographies qui ont été prises par Alexandre Nadeau, lors de la première des générales, le 29 juin dernier:

 Mélanie Potvin et Patrick Simard dans Avant et après

Patrick Simard, en plein massacre, dans Les Boulingrin 

Josée Gagnon et Mélanie Potvin dans Gros Chagrin 

 
Josée Gagnon et Pierre Tremblay dans Le Maître de Forges 

Pierre Tremblay et Josée Gagnon dans Le Gora 

Josée Gagnon et Patrick Simard dans L'honneur des Brossarbourg 

 Pierre Tremblay, Mélanie Potvin et Patrick Simard dans Le Petit Malade

Mélanie Potvin et Patrick Simard dans La Paix chez soi 

  Mélanie Potvin et Patrick Simard dans Sigismond

Mélanie Potvin et Pierre Tremblay dans La Peur des coups

Nous voici déjà arrivés à la moitié des représentation prévues. Ce qui signifie aussi qu'il en reste encore autant à faire! 

Dans ces longues séries de représentations, il me prend parfois des envies, en mi-parcours, de revenir à la salle de répétition pour revoir certaines scènes... réviser des déplacements, des gestes, des intentions... modifier quelques entrées, quelques sorties, etc... Non pas que ça aille mal... au contraire!

Mais avec le temps, avec l'aisance du comédien, avec l'assurance qu'il acquiert, les risques s'accumulent: risque de prendre pour acquis ce qui doit rester rigoureux; risque de perdre une certaine spontanéité; risque de relâchement; risque de ne plus rester vigilant; bref, risque de sombrer dans une routine néfaste, une habitude. Et c'est encore plus vrai dans la comédie où le rythme, le timing, le punch sont les maîtres du jeu!

samedi 12 juillet 2014

De l'énergie...


Voici comment Philippe Torreton, comédien-français, décrit, dans son savoureux Petit lexique amoureux du théâtre, cet ésotérique élément qu'est, sur la scène, l'énergie du comédien: 

E comme Énergie 

C'est ce qu'il faut trouver chaque soir, comme du pétrole. Un acteur doit être conscient que jouer suppose d'être en état de jouer. [...] 

Jouer un spectacle est un effort physique. La peur, en accélérant le rythme cardiaque avant même que le rideau se lève, pompe déjà quelques kilocalories. En pleine action, le coeur monte aux même fréquences que lorsque vous poussez vos limites à vélo. La représentation se passe après une journée, qui, parfois, a pu être chargée.  [...] Il [faut que les comédiens trouvent] en fin de journée un second souffle. Cela nécessite de s'alimenter sérieusement au moins trois heures avant de jouer, afin de ne pas ressentir les effets troublants de l'hypoglycémie.

Mais l'important est de se connaître, de connaître ses limites, car il arrive souvent que des acteurs fatigués assurent une très belle représentation. La fatigue rationalise l'utilisation de l'énergie de façon moins volontaire, plus fluide, comme si l'acteur d'instinct se concentrait sur l'essentiel, comme s'il épurait son parcours. Mais surtout, ne cherchez pas à vous fatiguer en espérant mieux jouer, ce serait trop simple. Ce métier n'est pas une science exacte, on peut être fatigué et jouer comme un pneu crevé.

L'énergie c'est l'envie qui la donne plus que le glucose. L'envie de dire quelque chose à quelqu'un, voilà le vrai sucre lent! 

mardi 8 juillet 2014

«La Paix chez soi et autres bêtises humaines»... ce qu'ils en ont dit...

Voici ce qu'on dit quelques médias écrits à propos de la production 2014 du Théâtre 100 Masques, La Paix chez soi et autres bêtises humaines, que je viens de mettre en scène:

Le Quotidien (Joël Martel) - Savoureusement grotesque

Le Journal de Québec (Pierre-Luc Desbiens) - Une pièce d'été «pas reposante»

dimanche 6 juillet 2014

Du paradoxe de la «répétition»...

Retour au fameux numéro 52-53-54 d'Alternatives théâtrales (déc. 96-jan. 97) consacré aux répétitions - décidément et quasi officiellement devenu une lecture estivale - et à ce petit passage fort intéressant où Frédéric Dussenne, metteur en scène belge, y va de considérations sur la répétition... petit passage qui donne une bonne matière à réflexion:


Répéter, c'est l'essence même du théâtre. La représentation consiste, en effet, en la répétition, chaque soir, d'une chaîne d'actes, d'images, de mots, dans un ordre déterminé durant le travail préparatoire. Paradoxalement, c'est la période qui précède les représentations qui porte le nom de «répétitions». Je dis paradoxalement, parce que c'est le moment du travail où on fait tout sauf «répéter», où tout est mouvant, continuellement remis en question, où rien n'est définitif. «Répéter», au sens où on utilise ce mot de manière conventionnelle, pour désigner le travail préparatoire au théâtre, c'est, au contraire, avancer dans le noir, sans savoir où on va arriver, se mettre en quête de l'inconnu, prendre tous les risques. Ce n'est qu'à la fin du travail, c'est-à-dire quelques jours avant la première, qu'on commence véritablement à répéter quelque chose de reproductible. Il faudrait remplacer le mot «répéter» par le mot «essayer». La première partie du travail, c'est une série d'essais, au cours desquels se dégage la matière dont sera fait le spectacle à venir. Vient ensuite le temps des choix. On ne garde pas tout, il y a une énorme part de déchet, de matière inemployée. On organise ensuite, peu à peu, à partir de ces choix, la représentation dans le temps et dans l'espace. On structure l'objet théâtral. Il émerge du flot riche et multiple des possibles qui se sont dégagés des essais des acteurs, du metteur en scène, du scénographe, de l'écrivain... On lui donne une forme, qui rendra son propos communicable. Il est, alors, défini, lisible. La représentation sera la répétition de cette forme en public.

mercredi 2 juillet 2014

«Les Comédiens»... saison 2, épisode 1

Voici le premier épisode de la seconde saison de la décapante série web Les Comédiens (les autres épisodes peuvent se retrouver à partir de ce billet) qui se joue des mythes reliés au milieu du théâtre. Cette fois, c'est au tour des profs d'y goûter.

mardi 1 juillet 2014

«La Paix chez soi et autres bêtises humaines»

L'équipe de production... 
En arrière: moi, Clara Girault (assistante), Sophie Châteauvert (régisseure), Marilyne Bédard (costumes). 
En avant: Josée Gagnon, Pierre Tremblay, Patrick Simard et Mélanie Potvin.
Il manque sur la photo le concepteur des éclairages, Alexandre Nadeau... occupé à prendre la dite photo!

Hier soir était soir de générale... qui s'est presque transformée en première médiatique! Nous étions près de vingt personnes assises dans la salle Murdock pour cette première prise de contact avec le public! Une générale assez bien dans l'ensemble... avec tous ses accrocs, ses hésitations, ses stress!
Ce matin, c'est donc le moment de faire un petit retour...

Suite à cet exercice, il m'apparaît quatre trucs à vraiment prendre en considération (et je n'invente rien de bien nouveau):

Du rythme...
D'abord, le sacro-saint rythme. C'est - de tout temps théâtral et de toute comédie! - l'élément capital, l'élément essentiel, l'élément primordial... et c'est aussi l'élément le plus fragile. Un rien peut lui nuire. Et ce rythme, il est de deux ordres: le rythme de la scène (qui diffère nécessairement d'une pièce à l'autre) et le rythme global de l'ensemble. C'est sur ce point précis que la marge de manœuvre des interprètes est la plus réduite.

Du coup, plusieurs écueils sont à éviter:
- les hésitations dans le texte qui agissent comme un grain de sable dans un engrenage;
- des temps d'action-réaction trop lents qui alourdissent vos séquences;
- une précipitation dans les moments tendus qui brouillent la scène;

Pour chaque pièce, il n'y a qu'un rythme: le bon. Et c'est ce bon rythme qui donne une impression de maîtrise parfaite, de plénitude de la scène, de légèreté et de vivacité.

Des entre-scènes...
L'autre point auquel il faudra porter attention concerne les entre-scènes.

L'espace scénographique, dans sa simplicité, est comme un écrin pour présenter des courtes pièces qui, comme des bijoux, cherchent à donner une certaine impression de luxe (dans la pauvreté), de bon goût (dans la frivolité et l'éclat), de style (dans des esthétiques très différentes).

Ce qui vaut pour les scènes vaut donc aussi pour ce qui vient entre elles.

Les changements d'accessoires doivent se faire avec distinction, avec grâce, avec solennité, avec tonus (et aussi avec rythme!). Il faut - sans tomber dans des numéros qui n'en finissent plus! - que ce soit vivant, animant. Il faut que ces moments soutiennent l'ensemble au même titre que les pièces. Sans chercher à faire rire (ce n'est pas le moment), il faut que les comédiens donnent envie aux spectateurs de les suivre dans cette suite de présentations. Il faut des sourires, de l'assurance, du plaisir, de la fébrilité.

De la drôlerie...
À chaque comédie, je crois, la même mise en garde revient toujours: attention de ne pas chercher à faire rire à tout prix.

Ces pièces ont été retenues d'une part parce que je les trouvais comiques... mais aussi et surtout parce qu'elles ont fait leurs preuves amplement au fil des décennies, qu'elles présentent tout un éventail de bêtises humaines, qu'elles sont une matière très riches pour les interprètes  leur proposant de nombreux défis, de nombreux atmosphères, de nombreux terrains de jeux.

Maintenant, il  faut, aux acteurs, avoir confiance en Courteline (Sa bouffonnerie apparente, son rire constamment jaillissant [...], toute cette verve aux multiples facettes cachent la profonde tristesse de Courteline devant l'homme, sa bêtise infinie et sa méchanceté foncière. M. Corvin), en ce qu'ils font, en ce qui leur a été demandé de faire, en ce que le spectateur verra. Leur rôle est d'amuser ce spectateur... ce qui ne se manifestera pas obligatoirement en rires (ce n'est pas un spectacle d'humour où les farces surgissent à chaque ligne et, en ce sens, les sourires sont tout aussi significatifs et valables)... mais pour cela, ils doivent aborder chacune des scènes avec engagement, avec plaisir... sans chercher à mesurer son plaisir. Il n'y a rien de plus encombrant, sur les planches, qu'un comédien qui a l'impression d'être long et ennuyant.

Par ailleurs, sur onze pièces, il va sans dire que les éléments comiques ne sont pas tous au même endroit. Ça fluctue d'une scène à l'autre. Parfois, c'est le personnage qui fait rire. D'autres fois, pourtant, ce seront plutôt ou le dialogue et les échanges de répliques ou encore la situation en elle-même ou la mise en scène comme telle (les mécanismes que vous exécutez). Enfin, ce pourra aussi être différentes conjugaisons de ces items.

De la préparation...
Je n'inciterai jamais assez (!) les comédiens à bien se préparer avant les représentations: réchauffements (vocaux et physiques), étirements, italiennes efficaces, allemandes, concentration. Un spectacle comme celui-ci, ils en font l'expérience à chaque enchaînement, est terriblement exigeant. Cette préparation (qui leur appartient en propre et qui leur est, bien sûr, personnelle) est la meilleure façon de soutenir leurs efforts de la première note jusqu'aux saluts.

Sur scène, ce qui a été répété maintes et maintes fois doit apparaître comme spontané, nouveau, sur le moment. Il ne faut jamais prendre pour acquis (surtout au fil des représentations) ces morceaux scéniques. L'assurance qui se manifestera sans doute avec le temps doit servir à rester à l'affût, à rester rigoureux, à rester précis.
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Il est possible de voir quelques photos des comédiens et de leurs personnages en cliquant sur le lien suivant qui mène au blogue Je M'Habille Chez-Nous de Marilyne Bédard, conceptrice des costumes. 

dimanche 29 juin 2014

«La Paix chez soi et autres bêtises humaines»... [Carnet de mise en scène]


Ce soir, nous donnerons la première des deux générales de la production estivale 2014 du Théâtre 100 Masques. Une générale qui devrait être une générale technique... mais qui, compte-tenu de la dite technique plutôt simpliste, sera plutôt un filage en bonne et due forme. D'ailleurs, celui-ci - dans un cadre de comédie comme celui-là où le rythme de chaque pièce, le rythme de chaque changement de scène et le rythme global devient primordial - sera toujours plus profitable qu'un enchaînement aux multiples arrêts.

S'il reste encore quelques détails à peaufiner, l'ensemble a atteint sa forme et sa durée (un peu plus d'une heure trente minutes) définitives. Il faut poursuivre dans une consolidation qui ne demande pas mieux que de s'approfondir... surtout que la véritable rencontre - celle avec le public - n'aura pas lieu avant encore quelques jours. 

Rien n'est plus difficile, en comédie, que de jouer devant une salle vide. Qu'importe, nous avons encore la chance de travailler.

À ce stade, c'est maintenant au tour des comédiens d'y mettre toute la gomme. Comme metteur en scène, c'est le moment du (faux) lâcher-prise. Je peux toujours encore pointer des failles dans le jeu, modifier des indications, donner un feedback sur ce qu'ils font... mais le tout repose désormais sur leurs épaules. À eux de se préparer comme il se doit, avec rigueur et professionnalisme. À eux de s'engager physiquement, mentalement, vocalement sur la scène. À eux de gérer l'arrière-scène et tout ce qui vient avec (dont le trac) de la façon la plus efficace possible. À eux d'avoir du plaisir (ce qui ne signifiera jamais d'oublier que ce jeu se fait non pas pour soi mais pour le spectateur).

samedi 28 juin 2014

De la rigueur de la répétition...


En répétition, une plaisanterie, une diversion soudaine, une histoire amusante, l'entrée inopinée de quelqu'un sont très utiles. Elles soulignent l'essentiel et peut-être même remettent les choses en place. Mais il ne faut pas que la diversion dure, que le plaisantin s'incruste, que l'intrus fasse perdre l'idée directrice de la répétition. On s'efforce d'ordinaire de chasser l'ennui, mais une bonne plaisanterie, nécessaire, très utile, ne doit pas nuire au travail.

Telle est la pensée du Russe Anatoli Efros (1925-1987), citée dans la revue Alternatives théâtrales, no.52-54. Une pensée qui ramène, en avant-plan, un élément essentiel de toute bonne répétition: la rigueur. La concentration. L'engagement entier, de corps et d'esprit. 

Et c'est souvent là que le bât blesse. Encore plus après la répétition, lors de la séance de notes où la fatigue et le moindre dérangement casse cette rigueur et dissipent les énergies.